Identification

La Une Livres

Mémoires d'un bon à rien, Gary Shteyngart

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 02 Avril 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, USA, Roman, L'Olivier (Seuil)

Mémoires d’un bon à rien (Little Failure). Traduit de l’américain par Stéphane Roques Mars 2015. 396 p. 23,50 € . Ecrivain(s): Gary Shteyngart Edition: L'Olivier (Seuil)

Commençons par l’essentiel : Gary Shteyngart est un grand écrivain. On le savait déjà depuis son premier roman jusqu’à « Une super triste histoire d’amour » mais là, avec ces « mémoires » (qui sont de vraies mémoires), notre new yorkais signe une œuvre majeure, de l’étoffe de celles qui vont compter dans la littérature américaine.

Le temps donc. L’auteur va nous emmener dans son enfance, son adolescence, sa maturation d’homme et d’écrivain. Et la matière ne manque pas pour faire souffler des accents d’épopée. Nous allons le suivre non seulement dans ses étapes de vie mais surtout dans de véritables métamorphoses : culturelles, identitaires, psychiques, linguistiques, et même physiques.

La Russie d’abord (alors URSS, au temps de la naissance de l’auteur), terre matricielle, terre des ancêtres, terre aimée et crainte, attachante et meurtrière. La famille Shteyngart a subi, comme toutes les familles juives de Russie, les souffrances du peuple juif soumis à l’antisémitisme, à la pauvreté. Elle a subi en plus, les souffrances du peuple russe, ses guerres et ses révolutions. Le trio central de la famille Shteyngart, le père, la mère et le petit Igor (oui Igor, Gary ne viendra que plus tard, on vous l’a dit « métamorphoses ») est le produit parfait de cette histoire : vivant en diable, pansant tant bien que mal ses douleurs, et surtout étonnant d’énergie. Seul le petit Igor est souffreteux, asthmatique, craintif, timide.

Le mémo d’Amiens, Jean-Louis Rambour

Ecrit par Cathy Garcia , le Jeudi, 02 Avril 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie, Editions Henry

Le mémo d’Amiens, 2014, vignette de couverture Isabelle Clement, 96 pages, 8 € . Ecrivain(s): Jean-Louis Rambour Edition: Editions Henry

 

« C’est un pays étrange, cette ville, avec tous ces gens », c’est sur cette citation du Clézio que s’ouvre ce recueil, qui bien que tenant dans la poche, pèse son poids de vies humaines et d’un siècle condensé. 90 poèmes-photos, 90 portraits de 14 lignes. Une ville, Amiens et des gens, des habitants. Des prénoms, quelques noms, des histoires, des rêves, des ambitions, des douleurs, des misères, des saloperies aussi de tout un siècle découpé en guerres, en entre-deux, en révolutions.

 

Ici Julia parle de la grande souffrance d’Amiens (…)

La grande souffrance dit-elle Deux guerres mondiales

À elle seule L’idée qu’on a pris forme humaine

Pour vivre la somme des malheurs la note élevée

Pris forme humaine pour offrir ses ruines

Héloïse, ouille !, Jean Teulé

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Mercredi, 01 Avril 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Julliard, Histoire

Héloïse, ouille !, Julliard, mars 2015, 352 pages, 20 € . Ecrivain(s): Jean Teulé Edition: Julliard

 

Qui d’autre que Jean Teulé aurait osé lever le voile et la soutane sur les amours charnels des deux figures mythiques du XIIe siècle, Héloïse et Abélard ? Et qui d’autre que lui aurait su le faire de manière aussi crue et dévergoigneuse ? Confiée par son oncle le chanoine Fulbert aux bons soins pédagogiques du plus grand, du plus célèbre et adulé philosophe de son temps, de vingt ans son aîné, maître Abélard, la très jeune, très belle, très intelligente et très dégourdie Héloïse va bénéficier jour après jour d’un enseignement particulier, voire très particulier. Là, où les historiens notent pudiquement un an et demi à deux ans de relations amoureuses, la plume débridée de l’écrivain plonge dans les délices des turpitudes et folies érotiques de deux êtres dévorés par la passion. Il se livre à l’exercice avec un plaisir jubilatoire, un humour féroce et une liberté de style qui mêle avec gourmandise et provocation le plus poétique et le plus trivial. Une langue aux accents moyenâgeux, ponctuée de phrases, apartés populaires très contemporains.

Un livre de cul ? Oui, pour les deux tiers, mais quel cul !

Toutes les vagues de l’océan, Victor del Árbol

Ecrit par Marc Ossorguine , le Mercredi, 01 Avril 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Polars, Roman, Espagne, Actes Noirs (Actes Sud)

Toutes les vagues de l’océan (Un millón de gotas), février 2015, trad. de l’espagnol par Claude Bleton, 608 p. 23,80 € . Ecrivain(s): Victor del Arbol Edition: Actes Noirs (Actes Sud)

Attendu par les amateurs depuis des mois, le troisième titre d’un maître du thriller « made in Barcelona » traduit en France, toujours chez Actes Sud et dans une traduction de Claude Bleton : Toutes les vagues de l’océan (Un millón de gotas) de Víctor del Árbol. Un roman qui a demandé à son auteur, de son propre aveu, un important travail et qui fut plus « éprouvant » que les précédents (La maison des chagrins / Respirar por la herrida ; La tristesse du samouraï / La tristeza del samurai ; précédé par El peso de los muertos (pas traduit) et El abismo de los sueños (primé mais pas publié).

Un avocat discret, un peu débordé par la vie et les événements, Gonzalo Gil, est confronté à la mort de sa sœur, Laura, et à tout ce que celle-ci va entraîner. C’est que Laura, son aînée de quelques années, n’est pas quelqu’un de très ordinaire. Elle a commencé par publier un article qui contestait la légende entourant la vie et la disparition de leur père, est entrée dans la police alors que d’autres carrières, plus enviables, se présentaient à elle, s’est retrouvée dans une enquête qui semble avoir coûté la vie à son jeune fils pour être finalement accusée d’avoir cruellement exécuté l’assassin de celui-ci avant de se donner la mort. Gonzalo a du mal à simplement admettre ce qui s’est passé, ce qui se serait passé, et va partir à la chasse aux fantômes de son père, éveillant d’autres fantômes, encore trop vivants.

Les défricheurs de nouveaux mondes, Roger Béteille

Ecrit par Martine L. Petauton , le Mardi, 31 Mars 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Récits, Le Rouergue

Les défricheurs de nouveaux mondes, janvier 2015, 376 pages, 21,50 € . Ecrivain(s): Roger Béteille Edition: Le Rouergue

Terre chrysalide ; femme chrysalide…

Béteille et son Rouergue. Un livre, encore un, droit sorti de ses mains d’artisan soigneux, « fignoleux » de l’écriture et des mémoires. Un bonheur de lecture de plus, qu’on emprunte, comme un chemin certifié qualité-littéraire, avec la confiance qui sied à ce qui aboutira – sûr – à nous rendre à notre vie profonde, bien au-delà des Grands Causses, même à l’autre bout du monde, simplement parce que c’est l’Homme qu’on pioche là, de vérit(é) en vérit(és).

Béteille est autant paysan que géographe, autant historien qu’arpenteur de ces terres rouges ou blanches, hautes et impressionnantes, vertes et en combes douces. Les Grands Causses. Ceux qu’il nous fait aimer, de livre en livre. Qu’il aborde, comme on prend un chemin pour grimper, tant par la face-permanences d’un XIXème siècle, déjà si loin de nous, que par la face-mutations, qui signe, et le siècle, et ses paysans, et semble nous tendre la main. Faces si diverses, se rejoignant pourtant, dans ce vécu si particulier de la vie des campagnes : une auge au manger à cochons : surface apparemment lisse, et dessous ce qui grouille. Changements ; univers presque sidéral par ses immenses paysages, qui bascule par pans entiers – peut-on dire dans la modernité ? dans autre chose, assurément.