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Ces choses que nous n'avons pas vues venir, Steven Amsterdam (par Yann Suty)

Ecrit par Yann Suty , le Dimanche, 27 Mars 2011. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, USA, Albin Michel

Ces choses que nous n’avons pas vues venir – 248 pages, 20 € . Ecrivain(s): Steven Amsterdam Edition: Albin Michel

 

Ces choses que nous n’avons pas vues venir. Le titre du premier roman du  new-yorkais établi à Melbourne, Steven Amsterdam, annonce la couleur. Nous ne verrons effectivement pas venir les « choses » dont il est question, mais nous pourrons simplement nous mesurer à leurs conséquences. Et comment les survivants tentent de s’adapter à une nouvelle donne, à un monde complètement bouleversé.

Dans un pays qui pourrait être les Etats-Unis, ces « choses » sont : un climat qui se détériore, des terres inondées, un chaos politique et une restriction des libertés individuelles, une épidémie provoquée par un mystérieux virus…

Le récit est mené par blocs temporels. Un chapitre se clôt et un autre s’ouvre plusieurs années plus tard, alors que le monde a une nouvelle fois été bouleversé par une de ces « choses ». La coupure est abrupte et elle l’est d’autant plus que Steven Amsterdam ne nous explique jamais ce qui s’est passé entre deux périodes. En distillant des petits détails ici et là, il nous permet de cerner à peu près la situation, mais il préfère suggérer plutôt que de se lancer dans une explication complète. C’est au lecteur de faire un effort d’imagination.

La foudre, Lydie Dattas (par Matthieu Gosztola)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Mercredi, 16 Mars 2011. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Mercure de France

La foudre, janvier 2011, 13 euros 50. (Et Anita J. Laulla, Cracheurs de feu, Les Arêtes, 20 €) . Ecrivain(s): Lydie Dattas Edition: Mercure de France

Lydie Dattas fait merveilleusement parler la réalité du Cirque, au sein duquel elle a évolué pendant longtemps, dans un langage où les mots s’entrechoquent, passant du plus cru au plus éthéré (« tout gueulait la volupté » écrit-elle par exemple, et cette phrase à elle seule donne une idée du style qui court tout au long de l’ouvrage), où les mots font la castagne, ne s’apprivoisant jamais dans l’élan euphonique d’une phrase. Ainsi, Lydie Dattas ne narre pas seulement par chapitres les événements qui l’ont fait pénétrer intimement ce monde si rude, mais elle retranscrit jusque dans son style même toute la beauté et toute la violence de ce monde d’hommes, ce monde des chapiteaux où elle s’est sentie heureuse et violentée, exclue et acceptée, défaite mais aussi charmée. Plus violentée qu’acceptée du reste. Mais elle s’est, aussi, et ça a toujours été là pour elle l’essentiel, sentie à l’extrême enlevée jusque dans le plus intime de son cœur par cette furie sublime, par tout cela qui ne criait que le prosaïsme le plus nu et qui, par un paradoxe qu’elle ne s’expliquait pas et qui était pour elle à lui seul la preuve de l’existence de Dieu, la renvoyait sans cesse au divin, à tout ce que le monde des lettrés, de la philosophie même n’avaient, n’auraient jamais pu lui offrir. Face à la réalité du monde du Cirque, les yeux de Lydie Dattas furent comme « fracassés », tant elle y voyait là « la proximité du paradis ».

La fiancée des corbeaux, René Frégni (par Matthieu Gosztola)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Mardi, 15 Mars 2011. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Biographie, Gallimard

La fiancée des corbeaux, Gallimard, février 2011, 15 euros. . Ecrivain(s): René Frégni Edition: Gallimard

René Frégni nous offre son journal. On pourrait penser qu’écrire sur la quotidienneté ne présenterait que peu d’occasions d’envolées vers la lumière, par le style, et la qualité du regard posé sur les choses, mais c’est tout le contraire.

Ecrire sur la quotidienneté se révèle l’occasion d’un voyage. Un voyage à jamais commencé dans la blancheur de l’appartement, dans la solitude, et à jamais continué dans la blancheur de l’appartement. Un voyage sur place. Mais un voyage qui fait se mêler le présent tissé d’impalpable et de gestes souvent infimes, dérisoires, répétés, sans poésie évidente, et la mémoire, plurielle, tout à la fois enracinée dans le vécu et dans les lectures, mémoire mettant en somme sur le même plan les êtres rencontrés dans la vie ou sur le papier, car c’est ça aussi la magie de la littérature, ouvrir encore un peu plus grand les portes de nos vies pour accueillir le plus possible de monde, des gens avec leurs destins singuliers, leurs secrets à raconter, fussent-elles des créatures de papier.

Roman du temps nerveux, Reinhard Jirgl (par Yann Suty)

Ecrit par Yann Suty , le Mercredi, 09 Mars 2011. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Langue allemande, Quidam Editeur

Reinhard Jirgl – Renégat, roman du temps nerveux (Quidam Editeur, 540 pages) 25 € . Ecrivain(s): Reinhard Jirgl Edition: Quidam Editeur

A première vue, il faut s’armer de pas mal de courage pour s’attaquer à ce pavé de plus de 500 pages, écriture serrée, plein de jeux typographiques : italiques, majuscules, renvois de textes, tels des signets Internet. De quoi faire entrer Reinhard Jirgl, lauréat du Prix Georg-Büchner 2010, la plus haute distinction littéraire du monde germanophone, dans la catégorie des « post-moderne », aux côtés d’auteurs comme Thomas Pynchon ou William H. Gass. Catégorie un peu vaine qui a surtout pour utilité de dire qu’on a à faire à un bouquin un peu étrange, tendance OLNI, ouvrage littéraire non identifié, qu’on ne sait pas trop dans quelle catégorie caser. Et d’ailleurs quel intérêt de le caser quelque part… si ce n’est dans sa bibliothèque ?

Deux destins se croisent dans le Berlin des années 2000.

Un journaliste free-lance se sépare de sa femme après douze ans de mariage. Alcoolique, il tente de se soigner auprès d’une thérapeute dont il tombe amoureux. Il abandonne une dépendance pour une autre et quitte Hambourg pour la rejoindre à Berlin.

Quitter Dakar, Sophie-Anne Delhomme (par Théo Ananissoh)

Ecrit par Theo Ananissoh , le Mardi, 08 Mars 2011. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Le Rouergue

Quitter Dakar. 2010. 13,50 € . Ecrivain(s): Sophie-Anne Delhomme Edition: Le Rouergue

 

Quitter Dakar, c’est en fait y revenir. Quitter, revenir, ces mots qui s’imposent ainsi d’entrée de jeu indiquent ce qui caractérise le roman de Sophie-Anne Delhomme : le mouvement. De bout en bout, c’est un va-et-vient permanent ; va-et-vient entre la France et le Sénégal, mais aussi allers et retours entre le présent et le passé, entre la réalité et l’imaginaire, entre un je et un il qui, alternativement, se relaient pour raconter. Roman tout en déplacements donc, sans agitation toutefois, mais en quête ; de quoi ? De la mère, de soi, de la vie qui fut la leur, au garçon et à la mère, dans ce pays d’Afrique.
Manuela, c’est le prénom de la mère. Elle est décédée en 1985. Littéralement – le cliché force la main pour ainsi dire –, elle a l’Afrique ou, si l’on préfère, le Sénégal dans la peau. Elle y vit avec son fils dans la maison du Point E et possède une boutique qui va faire faillite. C’est un personnage complexe, comme du reste tous les autres de ce beau roman. On hésite à la définir d’une expression qui pourtant, là aussi, semble s’imposer : mère irresponsable. Les nuits, souvent, le jeune garçon doit se débrouiller seul pour trouver le sommeil dans la grande maison, à peine veillé par une bonne pendant que la mère rejoint un amant dans un night-club de la capitale sénégalaise.