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La Une CED

Le Marché de la poésie : l’insolence d’un oxymore ? (par Marjorie Rafécas-Poeydomenge)

Ecrit par Marjorie Rafécas-Poeydomenge , le Mardi, 03 Janvier 2023. , dans La Une CED, Les Chroniques

 

Bien que la poésie irrigue notre quotidien pour ceux qui savent observer, la poésie en format « livre » ne se vend plus, ou du moins, pas assez. Plus précisément, la poésie contemporaine reste très confidentielle. Les chiffres sont d’une tranchante réalité : la poésie et le théâtre représentent 0,3% du marché du livre. Même, la littérature, cette grande dame, représente aujourd’hui moins de 10% des ventes... Triste monde moderne où les modes d’emploi ont remplacé l’esprit fougueux et créatif. Mais les poètes résistent, leur créativité rebelle continue à s’exprimer par tous les pores et les ports de France et de Navarre. Ils sont des modèles pour tous les esprits épris de curiosité et de liberté.

Dès lors, avec de tels chiffres déprimants, qui a osé créer un marché de la poésie ? En effet, un « Marché de la poésie » a lieu chaque année à place Saint Sulpice, en plein cœur de Paris pour rassembler des petits éditeurs indépendants autour d’un seul thème : la poésie contemporaine. Créé en 1984 par Jean-Michel Place, éditeur et Arlette Albert-Birot, professeur de poésie moderne et contemporaine à l’École normale supérieure, ce « marché » met à l’honneur l’artisanat de la poésie. Spécialiste dans la réimpression des revues dadaïstes et surréalistes, Jean-Michel Place n’a jamais craint l’avant-garde.

Shifumi, Laurent Albarracin (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mercredi, 14 Décembre 2022. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques, Poésie

Shifumi, Laurent Albarracin, Pierre Mainard éditeur, octobre 2022, 80 pages, 13 €

 

« Poule renard serpent

pierre feuille ciseaux

prendre sans être pris

ou bien plutôt

et mieux dansant

prendre et être pris » (p.62)

 

Shifumi, c’est l’original de notre jeu d’enfants pierre/feuille/ciseaux, avec ses trois signes manuels correspondants, sa règle de présentation simultanée et aléatoire, son principe de dominant-dominé : chaque figure, vaincue par une deuxième, bat la dernière (et s’annule devant elle-même).

Flush, Virginia Woolf (par Martine L. Petauton)

Ecrit par Martine L. Petauton , le Mardi, 13 Décembre 2022. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques, Folio (Gallimard)

Flush, Virginia Woolf, Gallimard Folio, octobre 2022, trad. anglais, Catherine Bernard, 136 pages, 2 €


Tout petit livre – une grosse nouvelle – qui a tout d’un grand livre, puisqu’à l’instar de la formidable Virginia, rien n’est sacrifié, ni l’histoire, ni les personnages, ni le style et l’écriture, juste parfaits. On est comme devant ces – anciens – livres pour enfants qui rabattaient un volet dépliant illustré particulièrement soigné sur l’histoire écrite en gros caractères. Car ce Flush se regarde, s’entend, se sent bien autant qu’il se lit…

C’est l’histoire de la plus sensible et émouvante histoire d’amour qui soit, celle qui lie un animal et sa maîtresse (ceux qui sont imperméables au genre passeront leur chemin). Flush est un cocker anglais, roux, issu des plus anciennes et nobles lignées d’épagneuls.

« De ce brun foncé qui au soleil se couvre d’éclats dorés ; ses yeux de candides yeux noisette, ses oreilles se finissaient en un gland, ses pattes fines s’ornaient d’un dais de franges, sa queue était large ».

La Valise vide, Kaveh Ayreek (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 12 Décembre 2022. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques, Poésie

La Valise vide, Kaveh Ayreek, éditions L’Espace D’un Instant, février 2022, trad. du dari (Afghanistan), Guilda Chahverdi, 54 pages, 11€

 

Topographie

Disons, tout d’abord, que cette pièce écrite en dari ne tombe pas dans les clichés. Elle se déroule dans des lieux, qui, pour un simple lecteur, s’agglomèrent, agissent par coalescence. Sommes-nous dans un espace rêvé depuis l’Afghanistan, ou depuis l’Iran, ou encore depuis l’Europe ? C’est là que réside l’intérêt pour l’existence de ces quelques personnes, de ces quelques exilés. Car, au-delà de l’exil se trouve la souffrance. Des êtres déracinés, déterritorialisés, transplantés involontairement. Est-ce la terre natale qui envahit par vagues le lieu d’accueil où se trouve l’auteur (et surtout avec lui le lecteur ou le spectateur) ? Est-ce le désir d’être accueilli ? Est-ce la condition primaire de toute émigration ? Qu’en est-il de cette expatriation ? N’est-elle pas essentiellement un rêve de la terre originelle ? Il faut signaler aussi que ce livre est renseigné par la traductrice et par l’éditeur, même si le texte vaut pour lui-même sans autre explication. On sait donc qu’il s’agit d’une séparation, d’une coupure avec l’ascendance, du tiraillement du sang natif dans les veines de ces êtres de papier.

Vagabonde, Fumiko Hayashi (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 09 Décembre 2022. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

Vagabonde, Fumiko Hayashi, éditions Vendémiaire, septembre 2022, trad. japonais, René de Ceccatty, 192 pages, 20 €

 

Sans adresse

Fumiko Hayashi (1903-1951) n’a que 25 ans quand elle écrit Vagabonde. Ballottée « de lieu en lieu à travers tout Kyûshû », elle se sent prédestinée à errer, à l’instar de ses parents commerçants ambulants. Être vagabonde a une signification péjorative et discriminante particulièrement au pays du soleil levant, souvent synonyme de clochardisation (à la suite d’un parcours chaotique, d’une vie de fugitive), ce que l’on nomme aujourd’hui les SDF (sans domicile fixe).

Ce précieux journal-roman offre un descriptif des villes nippones, par exemple la ville de Nôgata, brumeuse, pluvieuse, « dont les corniches des maisons toutes brûlées semblaient bâiller obscurément, et dont les rues étaient parsemées de charbon qui crissaient sous les pieds », et un aperçu pathétique de la population : « ce n’était ici qu’un défilé de femmes maladives qui lançaient des regards perçants. Celles qui sortaient sous le soleil brûlant de juillet étaient vêtues de jupes sales et de vestes de coton léger sans manches ».