Identification

Italie

Les saisons de Giacomo, Mario Rigoni Stern (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 01 Décembre 2020. , dans Italie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Pavillons (Poche)

Les saisons de Giacomo, Mario Rigoni Stern, traduit de l’italien par Claude Ambroise et Sabina Zanon Dal Bo, 227 p. 8,50 € Edition: Pavillons (Poche)

 

Mario Rigoni Stern est l’un des plus grands écrivains italiens du XXème siècle. Attaché à ses montagnes du Haut-Adige situées tout au nord de l’Italie près de la frontière autrichienne, Stern a bâti une œuvre dont l’enracinement local et la puissance universelle évoquent – pour le lecteur français – irrésistiblement Giono. Le souffle de ce roman est un sublime exemple de cette élévation de la pierre et de la terre rugueuses d’un village de paysans jusqu’au bruit terrible de la folie des hommes dans leur obstination à faire du monde un enfer.

De l’immobilité silencieuse de la vie d’un village montagnard dans les années 30, ses rythmes paisibles, la scansion sonore de la nature – vent, oiseaux, appels des bergers et paysans, cris d’enfants qui jouent, cloches clarines des églises – au chaos qui gît sous les pieds des villageois, traces de l’histoire terrible de la région, déchirée par la guerre impitoyable de 14-18, Stern creuse dans ce roman le précipice qui sépare la pastorale – certes dure et pauvre – de l’apocalypse.

Baiser féroce, Roberto Saviano (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 27 Novembre 2020. , dans Italie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard

Baiser féroce, trad. italien, Vincent Raynaud, 400 pages, 22 € . Ecrivain(s): Roberto Saviano

 

En sept livres, cinq essais journalistiques et deux romans, Saviano s’est imposé comme l’écrivain napolitain capable de dénoncer toutes les roueries et horreurs de la camorra. Le jeune auteur de quarante-et-un ans, aujourd’hui sous garde policière, éclaire le parcours d’adolescents et de jeunes adultes qui ont entrepris de remplacer sur le terrain les vieux briscards, avec une détermination qui fait de ces antihéros des personnages de haute lutte, lancés tête baissée, armes au poing, dans le lacis des rues de Naples pour accomplir le pire.

On sait l’auteur au fait de toutes les manœuvres de l’entreprise criminelle. On sait moins que des « enfants » ont pris hélas le relais. Le nouveau roman de Saviano se trouve au cœur de la tourmente.

Maharaja (Nicolas) et sa troupe écument Naples, se jettent à cent à l’heure au travers de la ville pour donner la juste mesure de leur talent de pilleurs et de criminels. Les bandes rivales ambitionnent d’occuper tous les terrains, et le baby-gang doit sans cesse faire ou défaire des alliances pour ne pas perdre le monopole de la coke au centre de la ville. Les aventures trépidantes de la « paranza » prête à tout pour se maintenir au pouvoir trouvent leurs lieux d’action à Naples même, entre le port d’attache du groupe, resté secret, et toutes les poursuites affolantes dans les rues sombres de Naples .

Des phalènes pour le commissaire Ricciardi, Maurizio De Giovanni (par Marie du Crest)

Ecrit par Marie du Crest , le Jeudi, 22 Octobre 2020. , dans Italie, Les Livres, Critiques, Polars, La Une Livres, Roman, Rivages/noir

Des phalènes pour le commissaire Ricciardi, Maurizio De Giovanni, octobre 2020, trad. italien, Odile Rousseau, 395 pages, 22 € Edition: Rivages/noir

Maurizio De Giovanni est né en 1958 à Naples où il vit toujours et où se déroulent les enquêtes du Commissaire Ricciardi durant les années trente, marquées par le fascisme. C’est à la suite d’un concours de nouvelles, ouvert aux amateurs, que M. De Giovanni introduit son célèbre personnage et entame ainsi une série de 14 romans policiers qui lui sont consacrés, dont le dernier est paru en Italie en 2019. Il donne vie également à un autre policier : le Commissaire Lojacono.

Des phalènes pour le commissaire Ricciardi (titre français amputé de son début italien, Anime di vetro) est sorti en Italie en 2015 et vient de paraître dans sa version française. Il est en fait le dixième roman d’une série de quatorze jusqu’à présent, dont le personnage central est le tourmenté commissaire aux yeux verts, Ricciardi, vivant dans l’Italie de Mussolini. L’ensemble s’ouvre sur la « tétralogie des quatre saisons », de l’hiver à l’automne, suivi du cycle des Fêtes.

La mer ne baigne pas Naples, Anna Maria Ortese (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mercredi, 26 Août 2020. , dans Italie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Nouvelles, Gallimard

La mer ne baigne pas Naples, juin 2020, trad. italien, Louis Bonalumi, 208 pages, 18 € . Ecrivain(s): Anna-Maria Ortese Edition: Gallimard

Sur la Naples d’après-guerre, du tout début des années cinquante, le livre d’Ortese (1915-1998) n’est pas seulement un témoignage insigne, juste, équilibré, incisif et puissant, mais aussi et surtout une leçon de littérature sans moralisme mais livre tenu par le ton d’une intense morale, non défaitiste mais ouverte, non pessimiste mais qui engage le lecteur à voir plus loin, à analyser en connaissance de cause et sans a priori la lourde réalité laissée, tombée de la guerre.

Voyageuse hors pair des terres italiennes (elle a eu, avant de se poser pour les dernières années sur la côte ligure, à Rapallo, des résidences un peu partout), Ortese scrute la réalité sous toutes ses facettes. Ici, connaissant le matériau napolitain – l’extrême pauvreté de certains quartiers, les tentatives par la culture et l’écriture de sauver la ville de ses chaos, la connaissance journalistique et littéraire des jeunes écrivains, nés dans les années 20, illustrant, selon elle, la mutation d’une ville.

Total chef-d’œuvre (j’ai horreur d’utiliser ce vocable à tout propos) : La mer ne baigne pas Naples, d’Anna Maria Ortese, dont j’avais lu quelques livres, est un hallucinant portrait d’une Naples déchue (période néo-réaliste), 1953.

Dans les veines ce fleuve d’argent, Dario Franceschini (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 15 Mai 2020. , dans Italie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard

Dans les veines ce fleuve d’argent, Dario Franceschini, Gallimard, Folio, 2008, trad. italien Chantal Moiroud, 160 pages, 5,70 € Edition: Gallimard

 

Paru en Italie en 2006, ce premier roman de l’écrivain, né à Ferrare en 1958, rend hommage à une région, à un fleuve, le Pô, à ses pêcheurs d’esturgeon, et avant tout à la force de l’amitié, qui n’a que faire du temps et des longues années pour poursuivre son fil, son courant.

Initiatique, ce roman l’est à plus d’un titre ; le personnage principal, Primo Bottardi, le grand âge venu, veut répondre enfin à la question qu’un ami d’enfance lui a posée, il y a plus de quarante ans.

Coûte que coûte, il faut retrouver cet ami et l’aventure, le long du fleuve peut commencer, et les rencontres, pittoresques, réalistes existentielles vont ouvrir les portes d’une Aventure, essentielle. Longer le fleuve à la recherche de l’ami perdu, Civolani, figure d’une photo de classe, devenu lui-même pêcheur du Pô. Il a un sobriquet, Capoccia. Les villages défilent, au rythme de la charrette d’Artioli, qui connaît la région et le fleuve comme ses poches : Cantarana, village de Primo ; Lenticchia, Paletto…