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Israël

Ce qui reste de nos vies, Zeruya Shalev

Ecrit par Anne Morin , le Vendredi, 17 Octobre 2014. , dans Israël, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard, La rentrée littéraire

Ce qui reste de nos vies, traduit de l’hébreu par Laurence Sendrowicz, septembre 2014, 416 p. 22,90 € . Ecrivain(s): Zeruya Shalev Edition: Gallimard

 

Une famille, à travers ses divers âges, traverse la vie d’un pays, ou est-ce plutôt ce pays qui descend le fleuve du temps, imprégnant son mode d’être aux membres de cette famille ? D’un kibboutz à un appartement minuscule de Jérusalem, la vie de Hemda – la précieuse est la traduction de son prénom rare – s’écoule, la précieuse et la mal traitée : « (…) au bout de quelques semaines elle marchait, certes sur des jambes mal assurées, le corps brûlant des coups de son père et l’esprit figé comme un petit animal que l’on a dressé avec cruauté, mais elle marchait, chassée de la gloire, chassée de la joie, avec la vague conscience qu’elle aurait beau mettre un pied devant l’autre, courir, elle n’avait plus vers où diriger ses pas » (p.17).

Sa vie s’écoule, comme l’eau du lac de son kibboutz qu’on a asséché : progressivement, imprégnant les rives et la terre de ses boues. Hemda revient mourir doucement dans son lit, sans souffrance apparente, et manifeste, dans ses rares moments de lucidité, une conscience aiguë des problèmes de sa famille.

Adam et Thomas, Aharon Appelfeld

Ecrit par Anne Morin , le Lundi, 24 Mars 2014. , dans Israël, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Jeunesse, L'école des loisirs

Adam et Thomas, traduit de l’hébreu par Valérie Zenatti, illustré par Philippe Dumas, 151 pages, 15 € . Ecrivain(s): Aharon Appelfeld Edition: L'école des loisirs

 

Premier livre pour enfants d’Aharon Appelfeld, Adam et Thomas est une fable sur la guerre et la persécution, le versant pour enfants de l’histoire d’Aharon Appelfeld lui-même qui a vécu, enfant, une longue période dans la forêt pour échapper aux traques nazies.

Cela commence comme un conte : la mère d’Adam entraîne son fils dans la forêt avec un sac plein du minimum vital. Avec la consigne de s’arranger pour la journée, et d’aller se cacher chez une certaine Diana si sa mère ne revient pas le chercher à la nuit. Mais la forêt n’est pas hostile : « N’aie crainte – lui dit sa mère –, tu connais notre forêt et tout ce qu’elle contient » (p.7). Ce sera l’antienne qui traversera tout le livre, ressassée par Adam.

A la nuit, au lieu de chercher refuge chez Diana, Adam fausse le cours des choses (?), préférant faire confiance à son destin et aux ressources de sa chère forêt, avoir confiance en le retour de sa mère, y croire.

Amour sur le rivage, Michal Govrin

Ecrit par Stéphane Bret , le Vendredi, 20 Décembre 2013. , dans Israël, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Sabine Wespieser

Amour sur le rivage, Traduit de l'hébreu par Laurent Cohen octobre 2013, 373 pages, 24 € . Ecrivain(s): Michal Govrin Edition: Sabine Wespieser

 

 

Ce pourrait être la description d’un banal coup de foudre sur une plage en été, une péripétie tout juste susceptible d’imprimer un agréable souvenir dans une vie ordinaire. Le roman de Michal Govrin se passe en Israël au début des années soixante.

Esther Weiss, jeune apprentie en sténographie et dactylographie, vient de terminer sa scolarité dans une école religieuse ; elle va partir à l’armée. Pour fêter cet événement, elle s’achète en secret une robe à bretelles, qui la dénude, un peu, et se rend au dancing de la plage à Ashkelon, nouvelle cité du littoral méditerranéen du jeune état. On y écoute Paul Anka, Alain Barrière, Put your head on my shoulder, Elle était si jolie. Au bar de ce dancing, un jeune homme, arrivé de Paris, boit un Campari ; il s’appelle Moïse Derand. Sa présence se justifie par la cérémonie de l’enterrement de sa mère.

Ma grand-mère russe et son aspirateur américain, Meir Shalev

Ecrit par Anne Morin , le Lundi, 09 Septembre 2013. , dans Israël, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard

Ma grand-mère russe et son aspirateur américain, traduit de l’hébreu par Sylvie Cohen, mai 2013, 239 pages, 18,90 € . Ecrivain(s): Meir Shalev Edition: Gallimard

 

 

Fable fondée sur un terreau de réalité ou produit de l’imagination de son auteur, Ma grand-mère russe et son aspirateur américain donnent en 239 pages une idée de ce qu’était la vie au mochav pour les populations juives chassées de leurs pays respectifs et condamnées à assimiler une autre langue, à découvrir et adopter un nouvel horizon, à repartir de rien, en un mot à vivre à l’envers la création de Babel.

Tout cela, conté sur un ton léger, effleurant comme en passant la gravité et la dureté de la vie des personnages qui, tant bien que mal, et souvent dans des conditions extrêmes, apprivoisent une terre inhospitalière.

Toute histoire juive recouvre plusieurs interprétations, tout détail donnant lieu à débat :

Une femme fuyant l'annonce, David Grossman

Ecrit par Anne Morin , le Dimanche, 21 Juillet 2013. , dans Israël, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman, Seuil

Une femme fuyant l’annonce, traduit de l’hébreu par Sylvie Cohen, Août 2011, 666 p. 22,50€ . Ecrivain(s): David Grossman Edition: Seuil

Ce n’est pas un livre, c’est un choc. Un bouleversement, un éboulis et une résurgence, ou si l’on préfère, un effondrement et une résurrection. Tous les mouvements de la vie, superbement traduits, une partition.

Ora est cette « femme fuyant l’annonce » de l’éventuelle mort de son second fils, Ofer, au cours d’une opération spéciale pour laquelle, sa période terminée, il s’est porté volontaire. Ora, qui avait prévu de faire une randonnée en Galilée avec lui décide alors d’engager le destin : sa manière à elle de repousser des deux mains la porte sur ce qu’elle refuse de voir advenir. Entraînant de force avec elle Avram, père caché d’Ofer qu’il a toujours refusé de voir, elle se lance dans une pérégrination au cœur de paysages sublimes, enchanteurs, paradisiaques, éclatant de couleurs, baptismaux : « (…) En Israël, les chemins émettent des sons que je n’ai entendus nulle part ailleurs (…) » dit Ora, alors qu’Avram lui répond « tu veux dire que (…) le langage germerait de la terre ? » (p. 504).

S’imaginant conjurer le sort en racontant la vie d’Ofer à son père, nouant le fil et tissant la trame, en le disant elle espère le protéger : tant que l’évocation d’Ofer planera sur leur randonnée, rien ne lui arrivera, il faut détourner de lui le mauvais sort :