Identification

Critiques

C’était hier, Harold Pinter

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Lundi, 03 Février 2014. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Iles britanniques, Gallimard, Théâtre

C’était hier, traduit de l’anglais par Éric Kahane, 108 pages, 13,20 € . Ecrivain(s): Harold Pinter Edition: Gallimard

 

L’une des plus belles pièces de Pinter, publiée en 1971, par Methuen, à Londres, sous le titre Old times.

 

Il y a Kate. Il y a Kate et Deeley, mariés, face à Anna : l’étrangère, presque. Si peu connue. Celle qui appartient au passé. Et qui ne comptait pas. Qui n’avait pas de rôle important, pas de densité de météorite, pas de véritable place.

Mais.

NOIR

Reprenons. Les êtres ne savent pas se rapprocher. Ils savent qu’ils ne savent pas. Mais ils le veulent. Alors, ils regardent. Ils s’intéressent. Ils scrutent. Ils scrutent ceux qu’ils ne connaissent pas, en pensant que peut-être ils les connaissent. Que peut-être ils vont les connaître, alors que, le plus souvent, non.

Médium, Philippe Sollers

Ecrit par Philippe Chauché , le Samedi, 01 Février 2014. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Gallimard

Médium, janvier 2014, 176 pages, 17,50 € . Ecrivain(s): Philippe Sollers Edition: Gallimard

 

« Time is money, la folie gronde. La contre-folie, elle, prend son temps. Pour qui ? Pour rien. La rose est sans pourquoi, fleurit parce qu’elle fleurit, n’a aucun souci d’être vue ».

Lorsque la folie gronde, il vaut mieux être protégé par un paratonnerre, réel ou imaginaire, peu importe, mais il convient de s’armer de contre-folie, s’arrimer à la terre, et flécher le ciel. En ce siècle crispé, il y a des lieux, des êtres, des livres qui en tiennent avec légèreté l’office. Rien de nouveau sur la planète Sollers, la petite aiguille de sa boussole amoureuse lui indique toujours la même direction : Venise. Ville médium, ville dictionnaire qu’il ouvre et parcourt accompagné d’or – Loretta –, d’une fleur – Ada –, et de son moraliste, l’immortel de Versailles – Saint-Simon.

Médium est le roman de la folie et de son contre feu. L’une, on sait sur quoi elle tient : trafics en tous genres – dollars, organes et arts –, falsifications, vérités et mensonges, mauvais romans et mauvaise vie, l’autre repose sur quelques certitudes : immortalité et musicalité du Temps, amours gagnés, lectures attentives et écriture permanente, mouvement permanent du corps joyeux, trilogie divine. Le Père lit, le Fils écrit, et le Saint Esprit ne cesse d’aller et venir entre Paris et Venise sans changer de place.

La maladie de la mort, Marguerite Duras

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Vendredi, 31 Janvier 2014. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Les éditions de Minuit

Marguerite La Maladie de la mort, Les Éditions de Minuit, 61 pages, 6,10 € . Ecrivain(s): Marguerite Duras Edition: Les éditions de Minuit

Un homme paie une femme pour vivre dans son orbe, et tenter, par son regard principalement, de mettre son mystère à jour, dans la nuit du monde, du ressenti et des corps.

C’est ainsi que tout commence. C’est ainsi que tout commence, toujours, pour Duras :

Vous devriez ne pas la connaître, l’avoir trouvée partout à la fois, dans un hôtel, dans une rue, dans un train, dans un bar, dans un livre, dans un film, en vous-même, en vous, en toi, au hasard de ton sexe dressé dans la nuit qui appelle où se mettre, où se débarrasser des pleurs qui le remplissent. Vous pourriez l’avoir payée. Vous auriez dit : Il faudrait venir chaque nuit pendant plusieurs jours. Elle vous aurait regardé longtemps, et puis elle vous aurait dit que dans ce cas c’était cher. Et puis elle demande : Vous voulez quoi ? Vous dites que vous voulez essayer, tenter la chose, tenter connaître ça, vous habituer à ça, à ce corps, à ces seins, à ce parfum, à la beauté, à ce danger de mise au monde d’enfants que représente ce corps, à cette forme imberbe sans accidents musculaires ni de force, à ce visage, à cette peau nue, à cette coïncidence entre cette peau et la vie qu’elle recouvre. Vous lui dites que vous voulez essayer, essayer plusieurs jours peut-être. Peut-être plusieurs semaines. Peut-être même pendant toute votre vie. Elle demande : Essayer quoi ? Vous dites : D’aimer.

Histoire Naturelle, Pline l'Ancien, en La Pléiade

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 30 Janvier 2014. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Bassin méditerranéen, La Pléiade Gallimard

Histoire Naturelle. Traduit du latin, présenté et annoté par Stéphane Schmitt. Octobre 2013. 2128 pages. 79 € . Ecrivain(s): Pline l'Ancien Edition: La Pléiade Gallimard

 

Première grande encyclopédie occidentale l’« histoire naturelle » de Pline l’Ancien ? Assurément oui, mais une encyclopédie comme personne n’en fera plus jamais par la suite. L’écrin, purement littéraire, qui contient cette encyclopédie en fait tout autre chose : un immense roman en quelque sorte, le roman du monde tel que pouvait le percevoir un Romain du Ier siècle après J-C. Et tout y passe, dans une sorte de boulimie cognitive et imaginative : astronomie, géologie, géographie, physiologie, anatomie, arboriculture, médecine. Une liste exhaustive serait interminable.

Avec ce que cela implique de subjectif, de fiction, d’erreurs magistrales (et d’ailleurs follement drôles parfois !) mais aussi de lyrisme, de passion. Passion, c’est probablement le mot-clé de cette entreprise monstrueuse, gigantesque. Les encyclopédistes des siècles plus proches de nous nous ont habitués à un travail d’équipe : on se partage les champs de compétence selon sa spécialité. Avec Pline rien de tel ! Il fait tout, tout seul. Il est géographe, historien, astronome, mathématicien, littéraire, en un mot homme orchestre. Il sait tout – plus ou moins bien – en tout cas il est à lui tout seul la synthèse des savoirs de son temps.

Buvard, Julia Kerninon

Ecrit par Martine L. Petauton , le Jeudi, 30 Janvier 2014. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, La Brune (Le Rouergue)

Buvard, janvier 2014, 200 pages, 18,80 € . Ecrivain(s): Julia Kerninon Edition: La Brune (Le Rouergue)

 

Un buvard, souvent rose ; un touché, un duveteux unique qui va avec les souvenirs – autant de traces d’encre. Quand on regarde de près, on trouve – à l’envers – les mots de la page originale, tremblés comme autant de caractères orientaux. Il s’agit d’écriture – mais, curieuse, et – avant les ordi, c’était un peu une autre main de l’écrivain…

Le Buvard de Kerninon est tout ça, moins le rose, et il râpe vraiment la peau…

Quelque part au fond d’une campagne anglaise, une écrivaine, plus que célèbre, se cache (« un trou d’herbe où elle vivait ») :

Catherine N Spacek, « sa prose splendide, sa voix de fumeuse ». Un étudiant, très fan, gagne le droit d’interroger la bête étrange, dont la curieuse beauté – solaire, ou minérale, selon l’heure – nous fait pencher parfois pour une Amélie Nothomb (« impitoyable, petit oiseau de proie portant rouge à lèvres », petit génie surdoué et prolifique, et son club d’inconditionnels). Mais on peut hésiter et préférer Garbo : « il était fait mention de lectures publiques tumultueuses, d’une réputation sulfureuse, des sommes colossales d’argent touché, du succès international, et de son silence surtout ».