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Critiques

Les cyprès de Patmos, Antoine Silber

Ecrit par Martine L. Petauton , le Mercredi, 26 Mars 2014. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Arléa

Les Cyprès de Patmos, février 2014, 125 pages, 17 € . Ecrivain(s): Antoine Silber Edition: Arléa

 

Le joli titre ! Carte postale idéale en cette fin d’hiver ; la Mer Égée, et là-haut, pas loin des côtes turques, une île grecque comme on en voit dans « Thalassa » ; on entendrait presque la musique du générique… Et, de se dire, parce qu’on se souvient de son écriture fine et sensible, et de ses histoires plutôt charpentées – ce genre guide bleu ? Antoine Silber ? Serait-ce un leurre ?

Et nous, de lire, en regardant de plus près ce livre-vie, bien plutôt que livre-balade, qui nous emmène, « empruntant le vieux ferry, tout blanc, qui se traîne, qui part du Pirée à trois heures de l’après-midi et arrive à Patmos à onze heures du soir ». Petit, le bouquin, et simple : le couple Silber achète sur l’île un « spitaki », micro-maison, « un rêve de maison ». Trois bouts de murs chaulés, posés au milieu d’un jardin-fourre-tout : « là-haut, il y a un à-plat, on voit toutes les îles, les cailloux, autour de Patmos, et la Turquie, l’Asie… ». Le contexte est posé – ce n’est pas le moindre intérêt du récit : la Grèce des années-crise, de la débrouillardise au bord du gouffre, ferraillant avec une Europe pas généreuse d’emblée. « Kostas n’avait pas été payé depuis deux ans ; il ne roulait plus en voiture et n’allait plus manger à la taverne ».

Moscow, Edyr Agusto

Ecrit par Yann Suty , le Mardi, 25 Mars 2014. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Langue portugaise, Roman, Asphalte éditions

Moscow, traduit du portugais (Brésil) par Diniz Galhos, février 2014, 112 p. 12 € . Ecrivain(s): Edyr Agusto Edition: Asphalte éditions

 

Moscow. Un titre presque trompeur. Car il n’est pas question de Russie. On est même de l’autre côté de la planète. Moscow, c’est le surnom de l’île de Mosqueiro, à côté de Belém, au Brésil. On y suit les vacances de Tinho Santos. Le lieu est paradisiaque. Un paysage de carte postale, mais le narrateur du roman n’est pas un touriste comme un autre et ses passe-temps sont la bagarre, les agressions, les vols et le sexe.

On n’y verra pas non plus de palmiers ni de belle mer turquoise. D’ailleurs on n’y verra pas le jour.

« J’ai choisi la nuit. Le jour me blouse ».

Le livre commence par une agression. Tinho et sa bande trouvent un couple sur la plage. Un fils à Papa qu’ils vont passer à tabac et violer. Sa compagne connaîtra le même sort. C’est donc une soirée réussie pour le gang. Ils ont pris du plaisir, à défaut d’en donner.

« Plus je sens la peur, plus mon désir est grand », confie le narrateur.

Dans mes yeux, Bastien Vivès

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Mardi, 25 Mars 2014. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Arts

Dans mes yeux, Bruxelles/Paris, KSTR, 2009, 133 p. 16 € . Ecrivain(s): Bastien Vivès

 

Cette BD est un coup de maître, plus précis que Le Goût du chlore, mais sans atteindre toutefois au magistral qu’est Polina.

Le lecteur est invité à être dans les yeux d’un garçon, qui rencontre une fille sur les bancs de la BU. Et qui, peu à peu, se rapproche d’elle. Au point d’être son amour.

Bastien Vivès, dont le travail est toujours intéressant, parvient, tout en brutalisant les codes narratifs de la BD traditionnelle, à brosser avec beaucoup de justesse, par petites touches sensibles, très colorées et floues, jouant sur les silences, sur l’implicite, ne tombant jamais dans le piège de l’explicitation, la psychologie d’une jeune femme ordinaire. C’est-à-dire extraordinaire, pour qui la sait voir.

En proie aux contradictions. En proie à la joie, à l’instant, au désir de sérieux. À la confiance et au doute. À l’insouciance. Et à la mélancolie.

Et c’est, en définitive, un parfum de tristesse qui, peu à peu, monte de ces pages.

Koltès dramaturge, Anne-Françoise Benhamou

Ecrit par Marie du Crest , le Mardi, 25 Mars 2014. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Théâtre, Les solitaires intempestifs

Koltès dramaturge, février 2014, 240 pages, 15 € . Ecrivain(s): Anne-Françoise Benhamou Edition: Les solitaires intempestifs

 

Retour à Koltès

Anne-Françoise Benhamou écrit, dans l’une de ses contributions réunies dans le volume Koltès dramaturge, que l’œuvre de ce dernier a connu une sorte de purgatoire après sa mort. Jean-Luc Lagarce, son cadet de dix ans, et la scène contemporaine d’une autre manière ont pour un temps oblitéré celui qui à partir de la fin des années soixante-dix et pendant les années quatre-vingt fut sans doute le plus important des dramaturges français, mis en scène par Patrice Chéreau, Peter Stein.

Il était donc temps de revenir à lui. La pièce Dans la solitude des champs de coton est-elle ainsi inscrite au programme d’admission du concours d’entrée à l’ENS, cette année. Diverses parutions viennent nourrir cette année éditoriale faste (Christophe Bident : Koltès, le sens du monde, ou François Bon : Pour Koltès, publiés aux Solitaires intempestifs). La disparition il y a quelques mois de Patrice Chéreau ajoute à la nécessité de comprendre le parcours de Koltès et de « son » metteur en scène, convoqué de manière émouvante dans le recueil d’Anne-Françoise Benhamou : elle reprend en effet un entretien qu’elle avait eu avec Chéreau et son assistant (de 1981 à 1988) Claude Stratz, mort en 2007, pendant les répétitions de Dans la solitude des champs de coton en 1995.

Adam et Thomas, Aharon Appelfeld

Ecrit par Anne Morin , le Lundi, 24 Mars 2014. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Jeunesse, L'école des loisirs, Israël

Adam et Thomas, traduit de l’hébreu par Valérie Zenatti, illustré par Philippe Dumas, 151 pages, 15 € . Ecrivain(s): Aharon Appelfeld Edition: L'école des loisirs

 

Premier livre pour enfants d’Aharon Appelfeld, Adam et Thomas est une fable sur la guerre et la persécution, le versant pour enfants de l’histoire d’Aharon Appelfeld lui-même qui a vécu, enfant, une longue période dans la forêt pour échapper aux traques nazies.

Cela commence comme un conte : la mère d’Adam entraîne son fils dans la forêt avec un sac plein du minimum vital. Avec la consigne de s’arranger pour la journée, et d’aller se cacher chez une certaine Diana si sa mère ne revient pas le chercher à la nuit. Mais la forêt n’est pas hostile : « N’aie crainte – lui dit sa mère –, tu connais notre forêt et tout ce qu’elle contient » (p.7). Ce sera l’antienne qui traversera tout le livre, ressassée par Adam.

A la nuit, au lieu de chercher refuge chez Diana, Adam fausse le cours des choses (?), préférant faire confiance à son destin et aux ressources de sa chère forêt, avoir confiance en le retour de sa mère, y croire.