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Critiques

Carnaval, Ray Celestin

Ecrit par Didier Smal , le Jeudi, 21 Mai 2015. , dans Critiques, Les Livres, Polars, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Le Cherche-Midi

Carnaval, mai 2015, traduit de l’anglais par Jean Szlamowicz, 493 pages, 16,99 € . Ecrivain(s): Ray Celestin Edition: Le Cherche-Midi

 

Proposition de formule d’accroche : Une machine narrative imparable, au rythme soutenu mais pas essoufflant, qui voit plusieurs faisceaux d’enquête partir d’une série de meurtres horribles dans la Nouvelle-Orléans de 1919.

Assez étonnamment, Ray Celestin est un auteur anglais, qui vit à Londres ; assez étonnamment parce que son premier roman, Carnaval (The Axeman’s Jazz en anglais, titre plus en rapport avec l’histoire racontée – mais il est vrai que Le Jazz de l’Homme à la Hache, c’est plus difficile à vendre en français que Carnaval), est entièrement situé à la Nouvelle-Orléans en mai 1919, en plein milieu d’une vague de meurtres horribles historiquement avérés et juste avant un ouragan dont les conséquences ne sont pas sans rappeler celles de Katrina, et fait état d’une érudition assez conséquente sur la ville. Moins étonnamment, Celestin a écrit des scripts pour la télévision et le cinéma ; Carnaval est effectivement rythmé comme une machine cinématographique ou télévisuelle imparable – on imaginerait volontiers HBO en faire une mini-série très efficace en se contentant quasi de transposer le roman en scénario.

Scipion, Pablo Casacuberta (2ème article)

Ecrit par Marc Michiels (Le Mot et la Chose) , le Jeudi, 21 Mai 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Amérique Latine, Roman, Métailié

Scipion, janvier 2015, traduit de l’espagnol (Uruguay) par François Gaudry, 264 pages, 18 € . Ecrivain(s): Pablo Casacuberta Edition: Métailié

 

« Ce… tableau qui à première vue est si…

noir et blanc comporte aussi des parties grises comme dans tout paysage ».

 

L’écriture de Pablo Casacuberta dans Scipion bouscule les frontières littéraires par son langage cinglant tinté d’une amertume lucide, un dialogue mental que l’on aurait avec sa conscience et qui dissèque l’état paranoïaque de l’âme avec une autodérision jubilatoire envers le monde qui nous environne. Il faut dire que, peu à peu, la cartographie de l’intime va croiser dans le livre les contours d’une vérité machiavélique, sous couvert d’un roman psychologique qui laisse petit à petit place à l’explosion d’un cerveau : celui du narrateur, de ses représentations sociales binaires, dogmatiques où se trouve le cœur d’une géode en abyme, remplie d’ombres, d’images envoûtantes, d’un père vénéré, omniprésent, étouffant ; et qui deviendra, pour le fil survivant, un ectoplasme à libérer sous peine d’une mort certaine, entre noyade et brûlures, entre libération et héritage sous conditions…

Pro domo et mundo, Aphorismes et réflexions II, Karl Kraus

Ecrit par Philippe Chauché , le Mardi, 19 Mai 2015. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Langue allemande, Rivages poche

Pro domo et mundo, Aphorismes et réflexions II, mars 2015, traduction de l’Allemand et préface de Pierre Deshusses, 176 pages, 19,50 € . Ecrivain(s): Karl Kraus Edition: Rivages poche

Cela faisait des siècles qu’on ne crachait plus quand passait un écrivain.

Avant la création du monde, le dernier couple d’humains sera chassé du jardin de l’hôpital.

Il y a des gens qui en veulent toute leur vie à un mendiant de ne rien lui avoir donné.

Proposition pour regagner cette ville : modification du dialecte et interdiction de la reproduction.

 

Karl Kraus écrit à Vienne, entre deux catastrophes annoncées, la fin de l’empire austro-hongrois des Habsbourg et l’avènement du national-socialisme allemand. Il ne cesse dans son journal Die Fackel de mettre en garde ses lecteurs contre la ruine qui s’annonce. Karl Kraus est en guerre, en guerre permanente contre la langue frelatée des journalistes, contre la bourgeoisie, le mensonge, la corruption, et la manipulation des masses, mais aussi les complaisances douteuses et les dénis de justice. Il manie la satire et l’attaque directe, la visée frontale, c’est un snipper, la plume et la parole, car il se pique également d’organiser des soirées de lectures publiques qui connaissent de grands succès – ce que j’écris est du théâtre écrit.

Le grand cycle de la vie ou l’odyssée humaine, Alain Marc et Laurent Maza

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mardi, 19 Mai 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie

Le grand cycle de la vie ou l’odyssée humaine, CD-audio & Livre-audio (Artis Facta) 8,50 € (téléchargement) . Ecrivain(s): Alain Marc et Laurent Maza

 

Des 14 poésies sonores entendues, écoutées, réécoutées via le remarquable CD-audio Le Grand cycle de la vie ou l’odyssée humaine, d’Alain MARC et Laurent MAZA (une co-production Première Impression, Artis Facta), j’ai retenu des bribes des extraits/ardemment remarquées (Oreilles Vives…).

NB : ces notes « tapuscrites » découlent directement d’une écoute personnelle, la mienne. C’est dire qu’elles ne présupposent pas de l’exactitude de la mise en page/de la mise en forme. Ces notes tapuscrites sont donc des notes auparavant retranscrites d’après écoute du CD-audio correspondant.

« La démarche de différencier le texte entendu du texte écrit est une bonne démarche » m’écrivit un jour Alain Marc. Mon souci restait de ne pas déformer pour autant le texte écrit initial, de ne pas dénaturer la démarche de l’auteur. Différencier le texte entendu du texte écrit peut avoir un avantage, peut-être : celui d’établir une marge de manœuvre spirituelle.

Hervé Guibert ou les morsures du destin, Frédéric Andrau

Ecrit par Arnaud Genon , le Lundi, 18 Mai 2015. , dans Critiques, Les Livres, Livres décortiqués, Essais, La Une Livres, Biographie, Récits, Séguier

Hervé Guibert ou les morsures du destin, Frédéric Andrau, Séguier, mai 2015, 344 pages, 19 € . Ecrivain(s): Frédéric Andrau Edition: Séguier

Le rendez-vous manqué

Frédéric Andrau aime indéniablement Hervé Guibert. Tout au long de son récit, il salue le talent de l’écrivain, son style, son courage, il apprécie et mesure justement ses qualités de photographe. On ne s’investit pas dans une entreprise biographique de ce genre si l’on n’éprouve pas pour celui à qui l’on consacre plusieurs mois de travail, un minimum d’estime et d’admiration. Et c’est avec passion, mais le regard clair – ainsi que le signale la quatrième de couverture – que Frédéric Andrau nous propose de revenir sur les morsures du destin d’un des écrivains les plus marquants de la fin du XXe siècle.

Force est de constater que les sentiments les plus louables et respectables ne suffisent pas à faire un bon livre. Frédéric Andrau a beau exprimer une empathie certaine pour l’œuvre de l’écrivain-photographe, ce dernier ne paraît être tout au long du livre qu’un « sujet » duquel le biographe tente de s’emparer sans avoir préalablement saisi l’ampleur de la tâche qui l’attendait. Andrau suit Guibert à la trace, mais Guibert lui échappe toujours. Avant lui, François Buot et Christian Soleil s’étaient essayés à cerner le « personnage ». Les deux tentatives – que Frédéric Andrau ignore totalement – avaient été il est vrai peu concluantes. Les approches convenues des deux biographes avaient dessiné les contours d’un portrait sans relief, nourri des clichés que les médias avaient avant eux déjà largement diffusés.