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Critiques

Europe, numéro 1032, « Federico García Lorca »

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Vendredi, 17 Avril 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Revues

Europe, numéro 1032, « Federico García Lorca », avril 2015, 20 €

 

Vicente Aleixandre, lorsqu’il évoque Federico García Lorca, note : il passait magiquement dans la vie, comme sans prendre appui ; [il] allait et venait sous les yeux de ses amis avec un je-ne-sais-quoi de génie ailé qui dispense ses grâces, vous rendant un instant heureux, pour s’échapper aussitôt comme la lumière, qui l’habitait […]. « Qu’est-ce qui te fait mal, mon enfant ? », semblait lui demander la lune. « La terre, la terre et les hommes, la chair et l’âme humaine, la mienne et celle des autres, qui ne font qu’un avec moi, voilà ce qui me fait mal ».

 

Le poète est peut-être un être dépourvu de limites corporelles.

 

Dans les heures avancées de la nuit, en traversant la ville, […] dans une pension, avec un de ses amis, parmi les ombres humaines, Federico revenait de la joie, comme d’un lointain pays, vers cette dure réalité de la terre visible et de la douleur visible.

Au lac des bois, Tim O’Brien

Ecrit par Victoire NGuyen , le Jeudi, 16 Avril 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, USA, Roman, Gallmeister

Au lac des bois, mars 2015, traduit de l’Américain par Rémy Lambrechts, 310 pages, 11 € . Ecrivain(s): Tim O’Brien Edition: Gallmeister

 

When it all falls apart


Les lecteurs assidus connaissent le nom de Tim O’Brien, écrivain américain qui a écrit des proses célèbres sur la guerre du Viêtnam. Son plus grand roman au titre percutant, Si je meurs au combat. Mettez-moi dans une boîte et renvoyez-moi à la maison, révèle toute l’ampleur et le traumatisme de cette guerre. Au lac des bois n’est pas seulement un roman sur un couple en crise car c’aurait été trop stéréotypé pour un auteur de son envergure. Tim O’Brien choisit un angle d’attaque plus complexe et plus ambigu : il offre au lecteur une histoire qui semble inachevée et à tiroirs. Ainsi, venus se reposer dans ce lieu calme et apaisant – et ce n’est que l’apparence – après une cuisante défaite politique, les Wade sont seuls, coupés du monde. Ils vivent en autarcie, en huis-clos et c’est peut-être pour cela que la tragédie arrive.

Tétraméron, Les contes de Soledad, José Carlos Somoza

Ecrit par Marc Ossorguine , le Jeudi, 16 Avril 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Espagne, Récits, Actes Sud, Contes

Tétraméron, Les contes de Soledad, février 2015, traduit de l’espagnol par Marianne Million, 256 pages, 21,50 € . Ecrivain(s): José Carlos Somoza Edition: Actes Sud

José Carlos Somoza sera à la Comédie du livre de Montpellier les 29, 30 et 31 mai 2015

 

Etrange voyage littéraire que celui dans lequel nous emporte José Carlos Somoza, sur les pas de la jeune Soledad (dont le nom signifie solitude en espagnol) ! Soledad est un peu la cousine littéraire d’une certaine Alice, ce que suggère d’ailleurs l’illustration de couverture où une jeune fille passe par l’ouverture d’une page dans un livre ouvert, de l’autre côté du miroir que nous font les mots et les récits, les romans et les contes. Cousine encore plus proche peut-être d’Ofelia, l’héroïne du Labyrinthe de Pan, le beau et étrange film de Guillermo de Toro.

Partie avec la classe de son collège pour une excursion et la visite d’un ermitage, mais au milieu des collégiennes, avec leur veste d’uniforme au blason du collège et l’escorte des sœurs, Soledad est prise par un étrange sentiment, celui de ne pas exister, de n’être qu’un fantôme. Son existence physique, sa visibilité pour les autres lui semble tout d’un coup aussi évanescente que celle d’un personnage de fiction, de conte ou de roman jamais lu ou refermé et presque oublié, pourrait-on dire. A tel point qu’elle disparaît des comptages pourtant scrupuleux des sœurs…

Le Voyage d’Octavio, Miguel Bonnefoy

, le Mercredi, 15 Avril 2015. , dans Critiques, Les Livres, Livres décortiqués, La Une Livres, Roman, Rivages

Le Voyage d’Octavio, janvier 2015, 124 pages, 15 € . Ecrivain(s): Miguel Bonnefoy Edition: Rivages

 

Tout commence par la découverte de la lecture et de l’amour, intrinsèquement liés à travers la personne de Venezuela, qui initie don Octavio à cet univers du désir : celui d’apprendre, d’imaginer, celui de l’autre. Ainsi naît l’histoire, en rupture avec ces temps précolombiens de l’ignorance, tels que la colonisation espagnole les ont dépeints. Ou plutôt, tout commence un peu avant, dans la légende fondatrice de Saint-Paul-du Limon : l’arrivée des colons et de la peste, le miracle des citrons qui tombent comme un signe du ciel sur une procession et guérissent tous les pestiférés. La statue du Nazaréen érigée dans la première église qui lui est consacrée dans le village disparaît un jour, sans que nul ne s’étonne, on rase l’arbre miraculeux, il ne reste que le nom donné au village dont chacun a oublié le mythe originel, et Octavio naît là dans une ignorance totale que la rencontre de Venezuela va transformer en un parcours initiatique vers la connaissance de soi et de son pays, au cours des épreuves qu’il traversera. Après l’idylle amoureuse et la découverte des fruits de la connaissance, vient le temps de la chute : Octavio fait partie d’une bande de nobles voleurs justiciers, installés dans l’église, qui cambriole un jour la maison de Venezuela. Cette dernière reconnaît son amant parmi les pilleurs, ce qui pousse ce dernier à un long exil.

Un dernier verre de thé et autres nouvelles, Mohammed El-Bisatie

Ecrit par Marc Michiels (Le Mot et la Chose) , le Mercredi, 15 Avril 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Pays arabes, Nouvelles, Sindbad, Actes Sud

Un dernier verre de thé et autres nouvelles, octobre 2014, traduit de l’arabe (Egypte) par Edwige Lambert, 240 pages, 21,80 € . Ecrivain(s): Mohammed El-Bisatie Edition: Sindbad, Actes Sud

 

Un clair-obscur, comme des âmes oubliées à la fatalité…

Un dernier verre de thé et autres nouvelles est une anthologie, composée de 27 nouvelles, qui retrace l’itinéraire de son auteur pendant une quarantaine d’années au regard de ce qui précède et annonce l’histoire égyptienne dans ses mutations et ses révolutions.

« Le professeur ouvre les yeux. Il voit le barbu secouer la poussière de sa gallabeya, puis s’avancer lourdement et rester sur le seuil de la bâtisse. Ses yeux sont fixés sur son dos large. Les branches de l’arbre sont immobiles. Les lèvres du professeur se mettent à trembler. Il les serre. Il se tait ».

« Je l’ai vue de mes propres yeux ! », mais que peut-on voir quand la nuit éclaire de son ombre la vie simple des sans vies, une terre d’extrême pauvreté, un pays de laissés-pour-compte, des marginaux à la dignité intacte, dans une Égypte intemporelle, sèche, comme la terre qui est sensée la nourrir, quand l’eau du canal qui ne charrie plus la vie pour des récoltes abondantes, mais, des cadavres, des immondices au milieu de l’écume et des herbes ?