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Roman

Quand sort la recluse, Fred Vargas

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Mardi, 11 Juillet 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, Polars, La Une Livres, Flammarion

Quand sort la recluse, mai 2017, 478 pages, 21 € . Ecrivain(s): Fred Vargas Edition: Flammarion

Le propre d’un roman policier, c’est de résoudre un problème, tout comme le fait, dans un autre registre, la catharsis grecque, qui permet de faire ressentir la terreur et la pitié chez le lecteur. On trouve l’ensemble de ces leviers dans les livres de Fred Vargas. Toutefois, si le roman policier est bien le récit de la résolution symbolique, ce n’est en général pas –ou peu- le lieu du savoir. Or, chez Fred Vargas, on en apprend toujours un peu : sur la peste dans Pars vite et reviens tard (2001), sur les araignées dans Quand sort la recluse. Ancienne archéo-zoologue, l’auteure nous fait profiter de son aptitude à défricher les champs du savoir et donne à ses intrigues une coloration scientifique.

Comme toujours dans les romans de Fred Vargas, le scénario est complexe, à la limite du concevable ou du plausible. Plusieurs affaires sont encastrées, liées ou non par les hasards de la vie et mises en relation –ou non- par les cheminements rigoureux de l’enquête.

Comme toujours dans les romans de Fred Vargas, on apprécie l’acuité des dialogues entre les personnages, répliques teintées d’humour, voire d’humour noir –selon la tradition propre au roman policier, les enquêteurs sont des êtres désabusés et côtoient souvent le plus grand désespoir. Ainsi, la conversation entre le commissaire Adamsberg, héros récurrent de Vargas, et l’un des scientifiques qu’il rencontre :

Derrière le portail vert, éperdument, Marion Fontana

Ecrit par Philippe Leuckx , le Lundi, 10 Juillet 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Derrière le portail vert, éperdument, La Chambre d’échos, juin 2017, 84 pages, 12 € . Ecrivain(s): Marion Fontana

 

Un premier livre pour cette jeune lettrée, « fervente de Marquez, Queneau, Segalen », et que je placerais aisément dans le sillage d’Hardellet, le magicien, et de cet autre grand insolite des lettres francophones, Claude Louis-Combet. On peut avoir moins bon compagnonnage.

Petit livre mais tout empli de résonances profondes, que les lieux enchantés ou mystérieux, que les personnages, anonymes mais vivants, habitent, au meilleur sens du terme. On lit ces pages d’une enfance retrouvée, entre peur, désir de se faire crainte et émerveillement, avec la légèreté et la gravité que la plume experte de la romancière instille à sa prose. Les chapitres – vingt-cinq – sont brefs, confinent parfois au blason, poussent le lecteur à entrer dans l’intimité de personnages insolites eux aussi, entre placards et greniers, entre un intendant bien intrigant et une grand-mère « aux dents de loup ».

La lenteur, Milan Kundera

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Vendredi, 07 Juillet 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard

La lenteur, 160 pages, 13,50 € . Ecrivain(s): Milan Kundera Edition: Gallimard

 

 

L’on sait tout le mépris de Kundera – dont l’œuvre est importante – pour l’exégèse, d’où sa volonté de faire figurer l’édition définitive de son œuvre dans la Pléiade sans aucune note, mépris que prend à son compte François Ricard dans son introduction du premier volume de cette édition : « Quant aux notes censées expliquer ou “éclairer” ce que l’auteur a écrit, elles n’ont aucune raison d’être s’agissant d’un écrivain comme Kundera, pour qui toute l’information nécessaire à l’intelligence d’une œuvre doit se trouver dans cette œuvre même et nulle part ailleurs et qui manifeste donc, dans ses romans comme dans son théâtre et ses essais, un souci presque maniaque de la clarté et de la précision ».

L’on ne développera ainsi nulle exégèse. L’on se contentera de rappeler que dans les replis de La lenteur se terre une vibrante déclaration d’amour :

Légère et court-vêtue, Antoine Jaquier

Ecrit par Guy Donikian , le Jeudi, 06 Juillet 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, La Grande Ourse

Légère et court-vêtue, avril 2017, 228 pages, 20 € . Ecrivain(s): Antoine Jaquier Edition: La Grande Ourse

La légèreté apparente de certains textes a toutes les difficultés à celer la légitime ambition de leur auteur. Légère et court-vêtue n’échappe pas à ce propos, Antoine Jaquier a toute l’adresse requise pour y parvenir : une intrigue plutôt bien ficelée, des rebondissements qui intiment l’ordre au lecteur de poursuivre, et des situations inattendues qui ne laissent pas de surprendre, le tout servi par une écriture qui allie maîtrise et innovations. Mais s’il n’y avait que « cela », Légère et court-vêtue ressemblerait somme toute à tout autre ouvrage ; Antoine Jaquier sait utiliser son talent pour distiller quelques critiques de notre époque qui deviennent logiques et évidentes, des critiques qui ont toute leur place dans des dialogues souvent savoureux.

Mélodie travaille dans le milieu de la mode, elle vit à Lausanne, aime les chats et éprouve pour Tom, un photographe de mode, un amour inconditionnel ou presque. Elle subit pourtant les travers de son amant qui « l’oublie souvent », qui lui pose des lapins à l’occasion de différentes rencontres. Deux choses l’intéressent par-dessus tout : la photographie pour quoi il a une vraie passion, et le jeu, qui le met souvent sur la paille, au point de négliger les aspirations de Mélodie. Ainsi après une nuit passée au Casino, et alors qu’il a perdu, quand Mélodie lui demande s’il veut bien de faire un tour dans un club échangiste, il répond : « Tu fais chier, Mélodie, tu penses vraiment qu’à ça… ». Et la note de l’hôtel sera réglée par Mélodie puisqu’il a perdu au jeu…

La solitude est un cercueil de verre, Ray Bradbury

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Mercredi, 05 Juillet 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Denoël

La solitude est un cercueil de verre, juin 2017, trad. anglais (USA) Emmanuel Jouanne, 384 pages, 15 € . Ecrivain(s): Ray Bradbury Edition: Denoël

Dans une introduction rédigée pour une réédition des Chroniques martiennes, Ray Bradbury écrit : « Ne me dites pas ce que je fais, je ne veux pas le savoir ! Ces paroles ne sont pas de moi. Elles ont été prononcées par mon ami Federico Fellini, le fameux réalisateur italien […] cela dit, comment se fait-il que mes Chroniques martiennes soient considérées comme de la science-fiction ? Cette définition leur va mal ».

Ces phrases, il aurait pu les écrire à propos de La solitude est un cercueil de verre, en remplaçant le mot science-fiction par roman policier ou pour L’homme illustré en y substituant le terme fantastique.

Toujours en marge des définitions strictes d’un genre littéraire, laissant son instinct le guider, préférant musarder, dépeindre les sentiments parfois avec humour, le plus souvent avec mélancolie, il tord le cou aux codes du roman policier, introduit de la poésie dans un suspense où le whodunit n’est qu’un prétexte qui semble presque l’ennuyer. Pourtant, comme pour entretenir l’ambiguïté avec les lecteurs, le roman commence par une dédicace à la mémoire de Raymond Chandler, Dashiell Hammett, James M. Cain et Ross Macdonald. À la mémoire et non en hommage. Aucune volonté de rivaliser avec, de les singer ou d’écrire sous influence.