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Récits

Les Répétitions et autres nouvelles inédites, Silvina Ocampo (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 09 Juin 2023. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Amérique Latine, Editions Des Femmes - Antoinette Fouque

Les Répétitions et autres nouvelles inédites, Silvina Ocampo, éditions Des femmes-Antoinette Fouque, avril 2023, trad. espagnol (Argentine), Anne Picard, 288 pages, 18 € Edition: Editions Des Femmes - Antoinette Fouque

La maison de l’enfance

Silvina Ocampo (née en 1903 à Buenos Aires, id. décédée en 1993) est une poétesse et une novelliste issue d’une famille aisée de l’élite aristocratique argentine. Elle va avoir l’opportunité d’étudier le dessin et la peinture à Paris sous la direction de Giorgio De Chirico et de Fernand Léger. En fréquentant le milieu artistique, elle composera ses premiers essais littéraires. Elle épousera Adolfo Bioy Casares, autre écrivain argentin, en 1940. Les Répétitions est un recueil inédit, un volume qui rassemble, dans un ordre chronologique de 1936 à 1989, 24 nouvelles et deux romans courts.

Curieuse, presque effrayante est la maison du passé, la maison de l’enfance décrite par l’auteure, dans laquelle « les rosiers sont couverts de toiles d’araignées » et où se trouvent « dans la même serre (…) des plantes prisonnières au milieu de verre brisé » – « la haute maison orangée qui, les jours d’orage, brille au milieu des arbres en virant au rouge ». L’univers de Silvina Ocampo baigne dans l’onirisme, le fantastique et le déterminisme psychique, l’exploration de l’inconscient. Les croyances païennes, la religion catholique et le surréel catapultent les souvenirs familiaux, prosaïques ou merveilleux :

La Maison, Julien Gracq (par Anne Morin)

Ecrit par Anne Morin , le Mardi, 30 Mai 2023. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Editions José Corti

La Maison, Julien Gracq, éditions Corti, avril 2023 (récit inédit, incluant le récit, son manuscrit et la postface), 77 pages, 15 € . Ecrivain(s): Julien Gracq Edition: Editions José Corti

 

La Maison, ce titre banal et qui recouvre un terme familier, rassurant. Un abri, une terra cognita. Dans ce court récit, Julien Gracq ménage la montée en puissance de l’inconnu, de l’autre côté des choses.

La maison à la façade austère, biscornue, mangée de végétation dont pourtant elle ne cesse d’émerger, là où rien ne paraît habitable, où tout se retranche, du paysage et de la vie, la maison symbole de stabilité, de durée, de plain-pied, reprise par les herbes folles, les lierres et la végétation accrochés à elle sans pour autant la faire sombrer, peu à peu s’anime.

Pour le narrateur, il s’agit d’en avoir le cœur net – belle expression pour ce cheminement à travers paysages et climats variés sur une distance pourtant très restreinte, pour cet égarement, puisque cette entrée en matière, où celui qui guette, qui chasse, à l’affût, se mue peu à peu en proie, et le pouvoir, la force d’attraction de la maison en guet-apens.

Londres, Virginia Woolf (par Stéphane Bret)

Ecrit par Stéphane Bret , le Mardi, 30 Mai 2023. , dans Récits, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Rivages

Londres, Virginia Woolf, Rivages, avril 2023, 204 pages, 9,20 € . Ecrivain(s): Virginia Woolf Edition: Rivages

 

Dans ce recueil des écrits consacrés à la ville de Londres par Virginia Woolf, le lecteur en quête d’informations purement touristiques en sera pour ses frais. En revanche, la description des sensations, des états d’esprit générés par des promenades impromptues dans Londres et ses quartiers les plus pittoresques nous entraîne dans les méandres de la vie intérieure de l’auteure de Mrs Dalloway. Ainsi, l’activité de courir les rues de Londres nous transforme, nous pousse à nous soumettre à des désirs inédits :

« Le soir, lui aussi, nous offre cette irresponsabilité qui vient avec les ténèbres et la lumière électrique. Nous ne sommes plus tout à fait nous-mêmes (…) Nous nous dépouillons du moi que nos amis nous connaissent et intégrons cette vaste armée républicaine des randonneurs anonymes, dont la compagnie est si agréable après la solitude de notre chambre ».

La main sur le cœur, Yves Harté (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 13 Avril 2023. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Arts, Le Cherche-Midi

La main sur le cœur, Yves Harté, Le Cherche-Midi, Coll. Les Passe-Murailles, août 2022, 160 pages, 18,90 € Edition: Le Cherche-Midi

 

« À mesure que se croisent le souvenir de Veilletet et le portrait de Juan de Silva, comme deux images au-dessus de ces plaines où nous avions si souvent roulé, je vois naître leur tristesse soigneusement masquée. Trop d’exubérance chez l’un. Trop de solennité chez l’autre ».

« Ici je me sens sudiste, et j’ai mes zones humides jusqu’au fond de l’Andalousie, dans La Marisma. La vache flamande ou médocaine y est remplacée par le taureau de combat, mais c’est le même territoire imbibé, que le soir enveloppe de vapeurs et de silence, le même horizon bas qui s’affale pour laisser toute la place au ciel dans le tableau » (Pierre Veilletet) (1).

La main sur le cœur est un livre, où un tableau, un portrait unique et admirable, déclenche chez l’auteur une effervescence de mémoire. Il retrouve, par le miracle d’une toile du Greco et de son modèle, un temps qu’il croyait perdu. Ce temps qu’il partagea avec Pierre Veilletet (2), sur les routes d’Espagne, entre les musées et les arènes, dans des années déjà anciennes où un toro noir d’Osborne, perché sur une colline, veillait sur les voyageurs.

Le Festin sauvage, De la Minsk soviétique au Brooklyn d’aujourd’hui, le récit et les recettes de cuisine d’une famille juive athée, Boris Fishman (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Jeudi, 09 Mars 2023. , dans Récits, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Editions Noir sur Blanc

Le Festin sauvage, Boris Fishman, Les Éditions Noir sur Blanc, mars 2022, trad. anglais (USA) Stéphane Roques, 382 pages, 23 € Edition: Editions Noir sur Blanc

 

On est (ou on devient) ce que l’on mange, affirme la sagesse populaire. Encore faut-il qu’il y ait quelque chose à manger. La faim est une sensation qui renvoie l’être humain le plus éloigné de la nature à l’état primitif, animal. Nous ne parlons pas du petit creux qui se manifeste quelques heures après le repas précédent et dont on sait qu’il sera comblé un peu plus tard, fût-ce en mangeant de la mauvaise restauration collective. Non, nous parlons de la faim qui dure, depuis si longtemps qu’on ne sait plus à quand remonte le dernier repas digne de ce nom, ni quand aura lieu le prochain, d’une faim qui vous accompagne jour et nuit, même dans vos rêves. La vision d’épouvante qu’offrent les marchés traditionnels chinois, dont les étals présentent les animaux les plus improbables – pas seulement du pangolin – s’explique dans la mesure où la grande majorité de cette immense population croupit dans la misère la plus noire et qu’au bout d’une semaine sans manger, même le végan le plus résolu, le plus fanatique, se précipitera sur n’importe quel bout de viande.