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Recensions

Pourquoi aurais-je survécu ?, Edith Bruck (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 01 Avril 2022. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Poésie, Italie, Rivages poche

Pourquoi aurais-je survécu ?, Edith Bruck, janvier 2022, trad. italien, René de Ceccatty, 128 pages, 8,50 € Edition: Rivages poche

 

En cette année de 77ème commémoration de la libération du camp d’Auschwitz, plusieurs publications permettent d’évaluer la tragédie : Auschwitz, ville tranquille, de Primo Levi, Le Pain perdu, d’Edith Bruck, et ses propres poèmes sur le camp d’extermination et ce qui a suivi.

Agée de 91 ans, Edith Bruck vit toujours et voit rassemblés ses poèmes de diverses époques.

La question du titre, incisive, quand on a perdu la moitié de sa famille dans les camps, trouve plusieurs réponses : la vie miraculeuse après les pertes, la volonté de témoigner en dépit de tout, la survie en poèmes et en actes, etc.

La poète, à côté de nombreux récits et témoignages, veut ici inscrire en poèmes forts, incisifs et brûlants, sa vision, par l’adulte, par la petite fille qui a vécu cela, par la force d’une mémoire intacte et intègre pour rameuter tout : les visages de ses proches, la dureté des temps, la mère, Dieu, le complice que fut son mari Nelo, lui aussi disparu.

Jours d’orage, Kressmann Taylor (par Stéphane Bret)

Ecrit par Stéphane Bret , le Vendredi, 01 Avril 2022. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Roman, Autrement

Jours d’orage, mars 2022, 284 pages, 10 € . Ecrivain(s): Kathrine Kressmann Taylor Edition: Autrement

 

Est-il possible de surmonter le désir de vengeance, la volonté d’exercer des représailles jugées légitimes, surtout lorsqu’il s’agit de crimes de guerre ? Kressmann Taylor, dans le roman Jours d’orage tente d’apporter une réponse à cette question qui a occupé très longuement les débats politiques et historiques de l’après-guerre et dont l’ombre plane encore de nos jours dans nos controverses nationales.

Kressmann Taylor, on s’en souvient, avait admirablement illustré les changements de perception de deux interlocuteurs, l’un résidant dans l’Allemagne nazie, l’autre à l’étranger, dans la restitution de leurs correspondances épistolaires. Ces dernières illustraient la progression de la dictature nazie, son imprégnation dans l’opinion publique allemande, tel un cancer qui gagne un organisme en répandant ses métastases. Dans ce roman c’est le portrait d’un homme d’extraction noble, Eduardo Carleone, qui vit en Toscane au cœur d’un village isolé.

Paula ou personne, Patrick Lapeyre (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 31 Mars 2022. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Roman, Folio (Gallimard)

Paula ou personne, Patrick Lapeyre, janvier 2022, 411 pages, 22 € Edition: Folio (Gallimard)

 

Paula ou personne est une histoire d’amour.

A priori, ce thème n’a rien d’original.

Jean Cosmo et Paula se rencontrent parmi les nombreux invités d’un mariage. Jean prend d’abord Paula pour sa sœur Alicia, un « amour d’enfance » datant d’une époque où les deux familles étaient voisines.

Jean est postier, préposé au tri de nuit, depuis qu’il a abandonné ses études de lettres. Paula est l’épouse d’un riche Allemand, souvent absent de Paris pour des raisons professionnelles. Jean est athée, anarchiste, chevelu. Paula est croyante, catholique, elle enseigne l’allemand dans une institution privée et donne par ailleurs des cours de catéchèse pour meubler sa solitude et l’ennui qui pèse sur une vie conjugale uniforme et un environnement social sans relief.

Liv Maria, Julia Kerninon (par Martine L. Petauton)

Ecrit par Martine L. Petauton , le Mercredi, 30 Mars 2022. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Roman, Folio (Gallimard)

Liv Maria, mars 2022, 240 pages, 8,20 € . Ecrivain(s): Julia Kerninon Edition: Folio (Gallimard)

Portrait de femme ; une de plus dans le carquois de Julia Kerninon, son écriture lumineuse, ses récits portés hauts, battant à tous les vents, océans, territoires. Femme encore, à part, mais libre toujours, quel que soit le prix, et l’itinéraire.

Liv, qui signifie « vie » en norvégien, le pays de son père, et Maria, car au pays breton de sa mère, il fallait protéger de la noyade, par le nom de la madone, tout enfant qui naissait. Il était une fois, donc, dans une île, une petite fille… Abandonnée des siens, ou persécutée par l’ogre, comme dans les contes ? Surtout pas, « voulue, appelée à tue-tête » par son père, lecteur d’histoires, qui « lui apprendra à lire », et sa mère, Mado, une héroïne comme dans les livres, qui lui « apprendrait la dureté, le silence ». Une enfance iodée, avec un « corps pour la pêche, pour la nage ». Un jour, à 17 ans, il y eut « l’homme… Liv Maria avait voulu crier, mais sa voix était restée coincée dans sa gorge… ». Ses parents l’envoient à Berlin, par sécurité, dans la famille, pour ses études ; peu de temps après, un accident de voiture fauche ses deux parents ; « plus jamais sa mère, plus jamais son père, plus jamais la vie qu’elle avait avec eux ». Fin (mais on verra que la déclinaison du mot fin chez Liv est particulière) de la première époque.

Sigila n°48, Revue (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Lundi, 28 Mars 2022. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Revues

Sigila n°48, Revue, éditeur Gris-France, février 2021, 211 pages, 17 €

 

Rappelons-le, Sigila est une revue biannuelle transdisciplinaire franco-portugaise sur le « secret ». Ce numéro 48, couvrant la période automne hiver 2021, a pour thème la « vengeance ».

La vengeance est un thème universel. De l’Antiquité à nos jours, on en trouve de nombreux exemples, que ce soit celui d’Achille tuant Hector pour venger la mort de Patrocle, celui d’Hamlet vengeant son père où bien encore ceux fameux de Monte-Cristo ou de Colomba. Hana Yanat et Abbas Torbey les évoque dans leur article servant d’introduction à la revue, dans lequel ils soulignent que, malgré les progrès de la civilisation humaine et le recours au droit positif, la notion de vengeance hante toujours nos inconscients.

Pour sa part, Michel Erman, professeur à l’université de Bourgogne, se penche sur le cas de Julie Kolher (la bien nommée ?), l’héroïne du film La Mariée était en noir, de Truffaut, qu’il nous présente comme une « moderne et mélancolique Médée » lorsqu’elle assassine les cinq hommes qu’elle prend pour responsables de sa douleur et de la mort de son mari. Le but d’Erman est de souligner le lien de parenté qui existe bien souvent dans les actes de vengeance.