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Les Livres

p(H)ommes de terre, René Lovy & Thomas Vinau

Ecrit par Philippe Chauché , le Samedi, 18 Avril 2015. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Arts, La Boucherie Littéraire

p(H)ommes de terre, coll. Les petits farcis, janvier 2015, 72 pages couleurs, 16,50 € . Ecrivain(s): René Lovy & Thomas Vinau Edition: La Boucherie Littéraire

 

 

On sait Thomas Vinau attentif aux pierres, aux fleurs de cerisiers, aux nuages, aux arbres, aux papillons de nuit, aux fruits, aux bruits de la terre, aux éclairs du Luberon, aux songes et à la beauté amusée des association d’idées et de mots, à la souplesse des petites fictions vives et réjouissantes. On le découvre amateur de Solanum tuberosum, de pommes de terre que sculpte René Lovy. Ce gracieux petit livre est la trace d’une rencontre potagère et inspirée entre deux artistes. L’un jongle – l’art de la plaisanterie – avec ses mots, l’autre avec ses tubercules. Les deux façonnent et saisissent des gueules et des tronches qui se tordent – de rire et de doute –, boudent, sourient et tremblent. Bestiaire de la laideur et de la stupeur où les bouches se tordent et les yeux se plissent, monstres surgis de l’humus inspiré du sculpteur.

La chaise numéro 14, Fabienne Juhel

Ecrit par Martine L. Petauton , le Samedi, 18 Avril 2015. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La Brune (Le Rouergue)

La chaise numéro 14, février 2015, 280 pages, 21 € . Ecrivain(s): Fabienne Juhel Edition: La Brune (Le Rouergue)

 

« La mission : il s’agissait de se rendre en ville pour tondre une putain, la femme avait couché avec l’ennemi. Pas plus compliqué que ça… Ils avaient dit oui. Ils étaient partants ».

Le sujet : cerné comme dans une tragédie de l’âge classique, mené avec ces unités de temps, de lieu, qu’on trouve chez Corneille. Les femmes tondues, en France, à La Libération ; les excès de l’Épuration, comme on dit en Histoire, quand – et ce n’est que normal – on repousse en paragraphe de fin ces moments-là dans l’ombre de la Résistance ou de la Collaboration. Parce que l’essentiel en termes de quantité et d’importance est ailleurs. Jusqu’à un livre comme celui-ci, où l’éclairage change d’objet, et, où passe, à travers l’incarnation, le chagrin et pas mal d’humanité ; de quoi retenir son souffle.

Fabienne Juhel, souvent, écrit des récits à couleur fantastique, parfois épiques à souhait. Là, elle livre une sonatine – quelques instruments, où dominent les pleurs du violoncelle, quelques couleurs comme dans un Goya – dominante le blanc sur fond sombre. Sobre et rigoureux est ce conte moderne, aux airs de tragédie inéluctable.

Un pays pour mourir, Abdellah Taïa

Ecrit par Patryck Froissart , le Vendredi, 17 Avril 2015. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Maghreb, Seuil

Un pays pour mourir, janvier 2015, 164 pages, 16 € . Ecrivain(s): Abdellah Taïa Edition: Seuil

 

Zahira, marocaine, immigrée en France, sans papiers, depuis dix-sept ans, se raconte, dans la majeure partie de ce roman rude, à la première personne, en mettant bout à bout, sans ordre linéaire, des fragments disparates, comme autant de morceaux épars d’un miroir brisé, de sa vie de prostituée envoyant régulièrement des mandats à sa famille qui, restée au pays, ignore la source véritable de cet argent.

Aziz, algérien, un des rares amis de Zahira, prostitué lui aussi à Paris, économise sou à sou sur ses prestations jusqu’à pouvoir se payer ce dont il rêve depuis son enfance : l’intervention chirurgicale qui fera de lui une femme.

Mojtaba, iranien, réfugié politique clandestin, erre dans Paris jusqu’à sa rencontre avec Zahira, qui le prend en charge, l’héberge, le nourrit, l’entretient et l’aime. S’ouvre alors dans la pauvre vie de Zahira et dans celle, chaotique, de Mojtaba, une parenthèse de bonheur qui se referme brutalement le jour où Mojtaba disparaît sans prévenir vers un possible vrai pays d’asile.

Europe, numéro 1032, « Federico García Lorca »

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Vendredi, 17 Avril 2015. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Revues

Europe, numéro 1032, « Federico García Lorca », avril 2015, 20 €

 

Vicente Aleixandre, lorsqu’il évoque Federico García Lorca, note : il passait magiquement dans la vie, comme sans prendre appui ; [il] allait et venait sous les yeux de ses amis avec un je-ne-sais-quoi de génie ailé qui dispense ses grâces, vous rendant un instant heureux, pour s’échapper aussitôt comme la lumière, qui l’habitait […]. « Qu’est-ce qui te fait mal, mon enfant ? », semblait lui demander la lune. « La terre, la terre et les hommes, la chair et l’âme humaine, la mienne et celle des autres, qui ne font qu’un avec moi, voilà ce qui me fait mal ».

 

Le poète est peut-être un être dépourvu de limites corporelles.

 

Dans les heures avancées de la nuit, en traversant la ville, […] dans une pension, avec un de ses amis, parmi les ombres humaines, Federico revenait de la joie, comme d’un lointain pays, vers cette dure réalité de la terre visible et de la douleur visible.

Au lac des bois, Tim O’Brien

Ecrit par Victoire NGuyen , le Jeudi, 16 Avril 2015. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Gallmeister

Au lac des bois, mars 2015, traduit de l’Américain par Rémy Lambrechts, 310 pages, 11 € . Ecrivain(s): Tim O’Brien Edition: Gallmeister

 

When it all falls apart


Les lecteurs assidus connaissent le nom de Tim O’Brien, écrivain américain qui a écrit des proses célèbres sur la guerre du Viêtnam. Son plus grand roman au titre percutant, Si je meurs au combat. Mettez-moi dans une boîte et renvoyez-moi à la maison, révèle toute l’ampleur et le traumatisme de cette guerre. Au lac des bois n’est pas seulement un roman sur un couple en crise car c’aurait été trop stéréotypé pour un auteur de son envergure. Tim O’Brien choisit un angle d’attaque plus complexe et plus ambigu : il offre au lecteur une histoire qui semble inachevée et à tiroirs. Ainsi, venus se reposer dans ce lieu calme et apaisant – et ce n’est que l’apparence – après une cuisante défaite politique, les Wade sont seuls, coupés du monde. Ils vivent en autarcie, en huis-clos et c’est peut-être pour cela que la tragédie arrive.