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Les Livres

Charøgnards, Stéphane Vanderhaeghe

Ecrit par Marc Ossorguine , le Samedi, 19 Septembre 2015. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La rentrée littéraire, Quidam Editeur

Charøgnards, septembre 2015, 260 pages, 20 € . Ecrivain(s): Stéphane Vanderhaeghe Edition: Quidam Editeur

 

Menace sur les mots

C’est peut-être parce qu’il est scénariste et connaît bien Les oiseaux d’Hitchcock que le narrateur de ces Charøgnards va très rapidement comprendre ce qui se passe dans le village où il s’est installé, avec son épouse et leur jeune enfant. Un village où, petit à petit, s’installent des oiseaux noirs : corbeaux, corneilles, choucas, pies… sans réelle agressivité mais lançant comme un défi aux humains par leur seule présence, insidieuse, progressivement envahissante et finalement inquiétante et angoissante, terriblement angoissante. Ils se contentent apparemment d’être là. Sur les fils de téléphone et les toits, sur les voitures qu’ils muent progressivement en carcasses. Tous sont des charognards : des êtres vivants qui se nourrissent de ce qui reste quand les autres meurent. Des charognards dont les déjections empestent et corrodent tout ce qu’elles touchent. Un à un, par couple, par famille, fuient les humains.

Choses Dites, Entretiens et choix de textes, Louis Calaferte

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Samedi, 19 Septembre 2015. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Le Cherche-Midi

Choses Dites, Entretiens et choix de textes, mai 2014, 211 pages, 16 € . Ecrivain(s): Louis Calaferte Edition: Le Cherche-Midi

 

« Je veux bien me livrer, et quand on a la gentillesse de me le demander, je suis très content. Cela dit, ça ne me paraît pas d’un intérêt fou. La vérité, c’est que… l’essentiel est là. Dans les livres. Voilà. Je pense que ce qu’il y a de plus… enfin, de meilleur en moi, si vous voulez, “c’est là”. Le reste… Tout ce qu’on peut dire… Les mots… Le littéraire est une chose merveilleuse. Quand on a une plume à la main… »

Ces lignes de Louis Calaferte, qui clôturent ses Entretiens avec Pierre Drachline, expriment toute la place occupée par la littérature chez cet écrivain à la fois auteur de récits, essais, carnets, poèmes, pièces de théâtre. Des Choses dites – dans des Entretiens enregistrés pour France Culture en 1988 et dans des Choix de textes – par une personnalité dont les colères, l’ironie et le regard lucide égalèrent l’envergure d’une vie guidée par les exigences de la création, entièrement vouée dans sa démarche authentique à la littérature et à son écriture.

Poésie en forme de rose, Pier Paolo Pasolini (2ème article)

Ecrit par Marc Michiels (Le Mot et la Chose) , le Samedi, 19 Septembre 2015. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Italie, Rivages poche

Poésie en forme de rose, mars 2015, traduit de l’italien par René de Ceccatty, édition bilingue, 496 pages, 12 € . Ecrivain(s): Pier Paolo Pasolini Edition: Rivages poche

 

« La mort ne consiste pas à ne pas pouvoir communiquer mais à ne plus pouvoir être compris ».

Pier Paolo Pasolini, écrivain, essayiste, poète, journaliste, témoin révolté des injustices sociales, cinéaste, se situant toujours en dehors des institutions, d’une « opposition pure », a su observer mieux que personne les interstices mouvants de la société italienne de l’après-guerre, et ce, jusqu’à son assassinat dans la nuit du 1er au 2 novembre 1975, sur la plage d’Ostie, à Rome. Soucieux d’une mise en scène de sa vie et de l’histoire de sa création, Pasolini croyait à la force symbolique du coup de poing – tendu – face au monde des hommes bien nés ! Croyait tout autant à la force symbolique du coup de point – reçu – par un excès d’amour, détachement sans fin des êtres aimés, irriguant l’idée de n’être, finalement, aimé de personne ! Publié au sommet de la gloire de l’écrivain en 1964, pendant le tournage de L’Évangile selon saint Matthieu et après celui de La Ricotta, Poésie en forme de rose fait réapparaître un écrivain dans la sphère de son intimité, témoignage d’une expérience individuelle marqué par les cicatrices de ses passions, hanté par une question essentielle : la poésie peut-elle dire la réalité dans l’espace des expériences poétique, politique et linguistique ?

L’Oreille de Lacan, Patrice Trigano

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 18 Septembre 2015. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Editions de la Différence

L’Oreille de Lacan, mai 2015, 192 pages, 18 € . Ecrivain(s): Patrice Trigano Edition: Editions de la Différence

 

« La vérité, c’est que je ne sais plus à quel saint me vouer pour échapper à l’emprise de mes idées fixes, de mes phobies, pour déjouer les effets dévastateurs de mes états d’âme chaotiques, pour fuir l’inconfort qui irise ma vie d’un soleil malveillant ».

L’Oreille de Lacan est l’histoire tumultueuse de Samuel Rosen, un dandy dépressif et misanthrope, épris de littérature, amateur d’art avisé, un homme au raffinement hors du commun, un homme qui fait de l’art son temps. L’auteur, qui se signale en ouverture du roman, ne va pas manquer de s’inviter au final, sans nouvelles de son personnage, qui s’est envolé. Entre temps, Samuel Rosen se sera approché d’un club très fermé des Omphalosyques, adorateurs du nombril, des illuminés suspendus bouche bée aux paroles du gourou, il aura tenté en vain de s’asseoir sur le divan du fumeur de Culebras torsadés et tourné en rond dans sa bibliothèque, et au milieu de ses objets d’art et de curiosité.

Il Est Difficile d’Etre un Dieu, Arcadi & Boris Strougatski

Ecrit par Didier Smal , le Vendredi, 18 Septembre 2015. , dans Les Livres, Critiques, Science-fiction, La Une Livres, Russie, Folio (Gallimard)

Il Est Difficile d’Etre un Dieu, janvier 2015, trad. du russe Bernadette du Crest, 304 pages, 7,50 € . Ecrivain(s): Arcadi & Boris Strougatski Edition: Folio (Gallimard)

 

Arkanar est une planète similaire à la Terre mais suffisamment éloignée d’elle pour que le Soleil ne soit qu’« étoile minuscule, à peine visible » ; peu importe comment et pourquoi, mais une civilisation humaine s’est développée sur cette planète éloignée, elle est toujours au stade féodal et des historiens russes viennent l’étudier. Parmi ces historiens, Anton « don Roumata d’Estor », qui se fait passer pour un noble dilettante aux yeux du pouvoir en place, et confronte la « théorie du Féodalisme » aux événements et évolutions en cours sur Arkanar. Car Arkanar vit une révolution :

« De belles maisons en pierre de taille bordent les rues principales, d’accueillantes lanternes brillent aux portes des auberges. Des boutiquiers bien nourris et béats, installés à des tables très propres, boivent de la bière en affirmant que le monde n’est pas si mal que ça : le prix du blé baisse, celui des cuirasses monte, les complots sont découverts à temps, on empale les magiciens et les clercs suspects, le roi, à son habitude est auguste et éclairé, don Reba est extraordinairement intelligent, ayant l’œil à tout. […] Dans les rues, le pavé résonne sous les bottes cloutées de garçons en chemises grises, trapus, rougeauds, tenant de grosses haches sur l’épaule droite ».