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Les Livres

La vie volatile, Jacques Demarcq (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mercredi, 21 Octobre 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie

La vie volatile, Jacques Demarcq, Editions Nous, août 2020, 397 pages, 30 €

 

Jacques Demarcq : filles et fils de l’air

Jacques Demarcq sait que chacun bat les cartes avec ses ombres et se perd dans son propre désert – il n’a même pas besoin de celui des autres. Bref, chacun va avec sa bougie. Flamme flotte avec un petit panache de fumée. Mais pour sa part il avance avec ses Zozios dont il donne une suite après son premier tome apocryphe (2008).

Son autre monde (mais il est aussi d’ici) est fait d’aventures avec les oiseaux et autres animaux. Il passe désormais par des voyages aux Amériques, en Afrique et Asie et se complète par un tour du monde des arts traditionnels et modernes de tous les continents.

Se crée un body building animalier, un bestiaire immense, et c’est une manière de nous réjouir de tout ce qui nous dépasse par ce qui nous fait chavirer et envoyer en l’air. C’est une manière aussi de persévérer la sérénité, en se déplaçant du nid glacé des hommes pour le remplacer par ceux – plus chauds – des animaux et des arts en suivant notre poétique « professeur » d’art et de sciences naturelles. Pour lui, « Les oiseaux sont une chance à saisir, à l’égal de l’amour ».

Passage des embellies, Jean-Pierre Vidal (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mercredi, 21 Octobre 2020. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Poésie, Arfuyen

Passage des embellies, Jean-Pierre Vidal, éd. Arfuyen, septembre 2020, 137 pages, 13 €

 

Poésie de la réponse

J’appréhende toujours un peu en suivant, dans la découverte d’un livre de poésie, une idée capable de recouper différents effets littéraires, thèmes, pour en faire une synthèse dans laquelle ma lecture pourrait peut-être paraître partiale ou trop elliptique. Ici, avec Jean-Pierre Vidal, je me suis trouvé dans un univers à part entière. Ainsi, dégager une ossature susceptible de restituer la force de cette écriture demandait un soin particulier. Je pensais, au début de ce petit voyage fait avec ce livre, que l’on pourrait déceler en cette littérature rare – du reste, l’auteur publie peu et lentement – une réflexion sur le pouvoir de la poésie. Puis, j’ai glissé, en franchissant pas à pas et en avançant dans l’ouvrage, vers une idée plus pertinente. Car cet ouvrage ne se réduit pas à une proposition dialectique, où l’on devrait choisir une position, mais davantage y trouve-t-on réponse, une adresse à la fois au lecteur, au poète et à la poésie. Oui, réponse à l’amour, l’amour physique par exemple, au temps, à la mort. Ainsi donc, pas de volonté pédagogique, mais une vision du monde.

Ragtime, E.L. Doctorow (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 20 Octobre 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Pavillons (Poche)

Ragtime (1975), trad. américain, Janine Hérisson, 399 pages, 8,90 € . Ecrivain(s): Edgar Laurence Doctorow Edition: Pavillons (Poche)

 

Doit-on vraiment continuer à chercher le « roman américain » ? Ce fameux roman qui serait pétri de l’Amérique même, son histoire, sa folie, sa grandeur, sa violence ? La lecture de Ragtime est assurément l’occasion de se poser la question tant on a l’impression de le tenir dans les mains. L’épopée américaine du premier XXème siècle – celle de l’époque dite « belle » – se fait roman sous la plume corrosive, ironique, puissante de Doctorow. Une épopée en noir et blanc bien sûr tant la présence des esclaves et descendants d’esclaves a scandé d’épisodes sanglants et effroyables l’Histoire des États-Unis. C’est avec une finesse aiguë que Doctorow a choisi son titre, Ragtime, musique noire qui, durant des décennies du XXème siècle, a fait danser les Blancs. C’est le roman entier qui est écrit à ce rythme effréné, syncopé, haletant : Changements de temps dans la scansion des phrases, passages d’un thème à l’autre, d’une histoire à l’autre, d’un personnage à l’autre.

2 romans de Kathya de Brinon aux éditions Maïa (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Mardi, 20 Octobre 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

 

Des larmes dans les yeux et un monstre par la main, Kathya de Brinon, Éditions Maïa, 2018, 334 pages, 19 €

La femme aux cicatrices, Survivante de l’inceste, Kathya de Brinon, Éditions Maïa, 2019, 315 pages, 24 €

 

Deux livres pour pousser un cri, deux livres pour appeler au secours contre l’inceste et la pédocriminalité. Et un lourd réquisitoire prononcé par l’auteure qui témoigne de plus de 60 ans de souffrance après son viol par l’un de ses grands-pères à l’âge de 9 ans.

Kathya de Brinon a attendu longtemps mais sa parole n’en est que plus forte pour parler de son enfance définitivement gâchée et de sa vie d’adulte morcelée le 15 août 1948. Pour porter l’éclairage le plus juste sur les dégâts causés par ce traumatisme initial elle a pris son courage à deux mains et sa rage aidant a écrit sa biographie.

Le Cafard, Ian McEwan (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 20 Octobre 2020. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Iles britanniques, Roman, Gallimard

Le Cafard, Ian McEwan, Gallimard, mai 2020, trad. anglais, France Camus-Pichon, 154 pages, 16 €

Les cafards dorment-ils ? On suppose que oui, même si on avoue ne s’être jamais posé la question. Quoi qu’il en soit, un cafard s’est réveillé un beau matin dans un corps qui n’était pas le sien, un corps immense, dépourvu de carapace, mais avec une tête volumineuse, sans antennes, et (seulement) deux paires de membres. De surcroît, si ce corps n’était pas le sien, ce n’était pas non plus celui d’un quidam. C’était le corps du Premier Ministre anglais.

Cette histoire de cafard rappellera quelque chose au moins érudit des lecteurs. Ian McEwan le sait et il convoque également les mânes de Swift, maître en satire et en misanthropie. Le Cafard ressuscite deux genres anciens : le roman à clefs et le roman à thèse. Le roman à clefs procure toujours au lecteur un plaisir spécial, fait de connivence, même si – comme ici – les clefs sont plutôt grosses. Jim Sams (le cafard) est bien entendu Boris Johnson (à l’état-civil Alexander Boris de Pfeffel Johnson), ce pur produit de l’élite britannique, lettré et polyglotte, devenu le porte-parole d’un vif (res)sentiment anti-élitaire ; exactement comme Donald J. Trump, l’énergique milliardaire new-yorkais. Dans Le Cafard, ce dernier correspond évidemment à Archie Tupper, le président des États-Unis, qui commence sa journée par écrire des tweets depuis son lit. Ceux qui connaissent les méandres de la vie politique anglaise ne manqueront sans doute pas d’observer d’autres correspondances.