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Après la nuit après, Thierry Radière (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mercredi, 19 Septembre 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie

Après la nuit après, éd. Alcyone, coll. Surya, mai 2018, 67 pages, 18 € . Ecrivain(s): Thierry Radière

 

Le miel se fabrique ici dans la ruche des songes, Après la nuit après, juste au sortir du Rêve. La singularité de ce nouveau recueil de Thierry Radière se tient, non entre chien et loup mais, à ses antipodes analogues, dans l’entre-deux communicant du sommeil en phase terminale et du réveil qui n’a pas encore tout à fait mis pied à terre (« (…) cet instant-là entre deux nuits où le jour (sera) court (…) »).

La situation du paroxysme plonge l’auteur et les lecteurs de ces lignes dans le plaisir de l’Écrire, passerelle sous laquelle court l’appel de la lumière, suspendue dans « la nuit en apnée ».

Nous connaissions L’Expérience de la nuit ainsi que Marcel Béalu nous l’a retranscrite – pour citer en exemple un auteur s’étant toujours tenu, comme ici et souvent Thierry Radière, dans l’entre-deux créatif du rêve et du réel –, son écart énigmatique fascinant dans l’entre-deux où se meut le mystérieux pouvoir des mots quand les clés de la poésie y forgent des portes entrouvertes.

Mrs Reynolds, Gertrude Stein (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 18 Septembre 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, USA, Roman, Cambourakis

Mrs Reynolds, septembre 2018, trad. américain Martin Richet, 369 pages, 24 € . Ecrivain(s): Gertrude Stein Edition: Cambourakis

 

La lecture de Mrs Reynolds de Gertrude Stein s’apparente à un voyage d’exploration à travers un territoire totalement inconnu de la littérature. Ce roman – car c’en est quand même un, avec une histoire et des personnages – est écrit dans une prose jamais lue dans un roman. Une écriture en phrases bouclées, répétitives, atonales et souvent inattendues et drôles. Gertrude Stein produit ici une langue surprenante, trompeuse, qui étonne, déroute, laisse le lecteur dans une sorte de stupéfaction permanente. Qu’on en juge un peu dans cet extrait :

« Mrs Reynolds a eu toutes sortes de mardis. Il y a les mardis qui viennent après les lundis, il y a les mardis qui viennent après les mercredis, il y a les mardis qui viennent après les premiers dimanches, il y a toutes sortes de mardis et tout a commencé par le mardi de la naissance de Mrs Reynolds. C’était un mardi.

Ce jour-là de la guerre on a fait la paix et ce jour-là de la paix on a fait la guerre. Et c’était un mardi ».

L'Or, l’Empire et le Sang, Martin Bossenbroek (par Stéphane Bret)

Ecrit par Stéphane Bret , le Lundi, 17 Septembre 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Seuil, Histoire

L'Or, l’Empire et le Sang, mai 2018, trad. du néerlandais Bertrand Abraham, 558 pages, 25 € . Ecrivain(s): Martin Bossenbroek Edition: Seuil

 

Quelles furent les origines et les causes profondes de la guerre anglo-boer ? Ses fondements idéologiques ? Martin Bossenbroek, historien néerlandais, tente de répondre à ces questions dans son ouvrage L’or, l’Empire et le sang.

Dans son introduction, il situe d’emblée ce conflit : c’est tout d’abord une « expression paroxystique atypique de l’impérialisme britannique ». C’est la seule épreuve de force de grande envergure entre blancs. Ce conflit a conduit l’Empire britannique à la recherche d’alliances et à sortir du « splendide isolement ». Autre caractéristique, qui prend un relief tout particulier pour des lecteurs contemporains, la place donnée aux médias : 200 correspondants de guerre furent mobilisés, un réseau étendu de communications télégraphiques, des transports intensifiés vers cette partie du continent africain, donnèrent un grand écho à ce conflit. Enfin, et c’est le sujet le plus attendu, les conséquences de cette guerre sur les populations civiles : 230.000 blancs et non-blancs furent internés, 46.000 d’entre eux périrent par suite de malnutrition et de leurs conditions de détention.

Ce long sillage du cœur, Philippe Leuckx (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Lundi, 17 Septembre 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie

Ce long sillage du cœur, éd. La Tête à l’envers, avril 2018, 90 pages, 15 € . Ecrivain(s): Philippe Leuckx

 

Avec un certain décalage horaire du cœur (« Vous alliez à l’ombre Quand je désirais la lumière ») et son sens de l’observation codant les idées sous-jacentes (« Je m’égarais alors A lire entre les fils De clôture Les taches De vaches pie »), inversant l’idée de manière à donner du tonus à une image pouvant suggérer une forme d’écriture – je songe à celle de Dotremont –, Philippe Leuckx laisse surgir des mots une sorte d’animalité sauvage imprévisible et naturelle semblant inverser les rôles dans le temps, à rebours d’enfance car « chaque poème rend pèlerin de soi ».

Avec ses Murs de pierres grises comme semées par le Petit Poucet de son devenir, Philippe arpente son « long sillage du cœur » avec une tendresse menant le lecteur attentif à la « langue douce de l’errance ».

Les textes plus longs alternent parfois avec une seule idée reprise à la page suivante donnant au livre cette impression de dénivelé suggérant la progressivité de la démarche accentuant encore la rumeur d’écrire.

Oiseau-moi, Edith Azam (par France Burghelle Rey)

Ecrit par France Burghelle Rey , le Lundi, 17 Septembre 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie, Editions Lanskine

Oiseau-moi, avril 2018, 36 pages, 12 € . Ecrivain(s): Edith Azam Edition: Editions Lanskine

 

Le nouvel opus d’Edith Azam s’ouvre sur un vers performatif qui, en même temps que la parole, fait naître, dans son identité, celle ici d’un oiseau, celle qui semble bien le double de la narratrice, comme l’indique le titre formé de chaque côté du trait d’union des deux termes équivalents. Il convient également de rapprocher deux noms, celui d’Hannah, premier mot de l’incipit, et le patronyme Azam. Tous les deux sont d’origine hébraïque puisque l’un est issu de l’hébreu et signifie « grâce », mère du prophète Samuel ou de la Vierge Marie selon les testaments, et le second est une variante régionale du nomde baptême Adam.

Dans son recueil précédent publié en 2015 chez POL, Edith Azam a déjà donné à une autre un nom, éponyme du titre, Caméra, qui comme il l’indique scrute lucidement la vie et, du même coup, le néant. Trouvera-t-elle dans ce nouvel opus une raison à espérer ? Car, avant encore, elle a écrit à propos de l’autre : « Il contamine notre espace, veut nous réduire à petit feu ».

Dès les premiers poèmes, apparaissent des affirmations de solutions possibles : l’eau, l’air, les éléments qui peuvent sauver et, au milieu d’eux, le corps, évident, avec ses souffrances, qui entre en résonance avec les mots malgré leur chute.