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La Une Livres

Hommage à Philippe Sollers

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 25 Mai 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Gallimard

Edition: Gallimard

Photographie Francesca Mantovani © Éditions Gallimard.

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Je ne tiens pas du tout à mourir, mais, s’il le faut physiquement, j’accepte, comme prévu, qu’on enterre mes restes au cimetière d’Ars-en-Ré (Sollers en Ré), à côté du carré des corps non réclamés, des très jeunes pilotes et mitrailleurs australiens et néo-zélandais, tombés là, en 1942 (pendant que les Allemands rasaient nos maisons), c’est-à-dire, pour eux, aux antipodes ;

Simple messe catholique, à l’église Saint-Etienne d’Ars, XIIe siècle, clocher blanc et noir servant autrefois d’amer aux navires, église où mon fils David a été baptisé ;

Sur ma tombe, 1936-20…, cette inscription : Philippe Joyaux Sollers, Vénitien de Bordeaux, écrivain ;

Si un rosier pousse pas trop loin, c’est bien. (Philippe Sollers).

Philippe Sollers, que nous pensions immortel, s’est éteint. C’est une perte immense pour la littérature et pour l’édition. De Tel Quel à L’Infini, d’Une curieuse solitude (1958) à Grall (2022) qui s’ouvrait sur cette parole de Jean : « Alors entre aussi l’autre, arrivé le premier au tombeau. Il voit, et il croit », il aura marqué son temps, qui est devenu le nôtre.

Divorce à l’anglaise, Margaret Kennedy (par Marie-Pierre Fiorentino)

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Jeudi, 25 Mai 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Iles britanniques, Roman, La Table Ronde

Divorce à l’anglaise, Margaret Kennedy, La Table Ronde, avril 2023, trad. anglais, Adrienne Terrier, Anne-Sylvie Homassel, 396 pages, 24 € Edition: La Table Ronde

« Eliza […] se rendait compte – peu à peu mais irrémédiablement – que les Canning ne formaient plus une famille. Ils étaient désormais cinq individus sans existence commune ».

 

Ce que divorcer veut dire

Sur la couverture, dessinée par Mathieu Persan – jaune sur fond vert, un vert de la crudité des impeccables pelouses britanniques – deux fauteuils vides, dos à dos, et des nuages derrière les fenêtres interrogent : faut-il persister, malgré le confort qu’elle procure, dans la vie commune si celle-ci n’est devenue qu’un décorum au parfum étouffant comme celui d’un bouquet disproportionné ? Alec et Betsy Canning ont décidé que non. Ils vont donc divorcer. Betsy l’annonce par lettre à Mrs Hewitt, sa mère. Et voilà qu’une situation claire et simple, un divorce à l’amiable, se transforme en affaire assez complexe pour qu’il y ait de quoi en faire un roman tragi-comique dans lequel l’auteur ne discute pas le bienfondé de ce divorce ni du divorce en général mais s’attache à explorer, avec minutie, ce qu’est psychologiquement, socialement et matériellement, un divorce.

Les Bourgeois de Calais, Michel Bernard (par Stéphane Bret)

Ecrit par Stéphane Bret , le Jeudi, 25 Mai 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Roman, La Table Ronde - La Petite Vermillon

Les Bourgeois de Calais, Michel Bernard, La Table Ronde, Coll. La Petite Vermillon, avril 2023, 240 pages, 8,40 € . Ecrivain(s): Michel Bernard Edition: La Table Ronde - La Petite Vermillon

 

Quand on nomme le nom d’Auguste Rodin, on pense très spontanément à ses œuvres les plus connues, Le Penseur, ou encore L’Âge d’airain. Le roman de Michel Bernard décrit la rencontre et les liens qui se nouent au fil du récit entre Auguste Rodin, sculpteur déjà consacré et reconnu, et Omer Dewavrin, Maire de Calais. Nous sommes en 1884, à l’approche du centenaire de la Révolution. Omer Dewavrin souhaite faire ériger un monument en hommage aux Bourgeois de Calais, ces six hommes qui offrirent les clés de la ville aux Anglais pendant la guerre de Cent ans, en 1347, épargnant ainsi à la ville de Calais une probable dévastation par les troupes ennemies.

Dès la première rencontre, rue de l’Université, siège de l’atelier de Rodin, une nécessité esthétique s’impose à ce dernier : rappeler les couleurs du ciel flamand, les nuages de la mer du Nord : « Il affirma que ces hommes d’autrefois, ces Français du Moyen Âge, les avaient vus, ce ciel, ce soleil, cette mer, comme lui, comme tous les Calaisiens ».

Faits divers, Bernard Delvaille, Seghers, 1976, repris dans Œuvre poétique (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Mercredi, 24 Mai 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie, La Table Ronde

Faits divers, Bernard Delvaille, Seghers, 1976, repris dans Œuvre poétique, La Table Ronde, 2006, 487 pages, 29 € Edition: La Table Ronde

Notule sur Faits divers de Bernard Delvaille

 

À la mémoire de Dominique Preschez (1954-2021)

 

Avec Faits divers, Bernard Delvaille, né en 1931 à Bordeaux (comme Jean de la Ville de Mirmont) et mort à Venise en 2006 (comme Frederick Rolfe), essayiste et diariste de talent par ailleurs (1), a sans doute publié son recueil le plus personnel et abouti, sinon le plus accessible. Les quelque soixante poèmes qui composent le livre sont courts, voire lapidaires (une vingtaine de vers pour les plus longs). Le vers se caractérise lui-même par sa brièveté, réduit à trois ou quatre mots. Cette disposition, jointe à l’irrégularité rythmique, à l’absence de titres (à de rares exceptions près), de ponctuation et de rimes, au relâchement épisodique et délibéré de la syntaxe, donne à la voix de l’auteur un ton vite identifiable.

L’Étoile brisée, Nadeije Laneyrie-Dagen (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 24 Mai 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Folio (Gallimard)

L’Étoile brisée, Nadeije Laneyrie-Dagen, Folio, février 2023, 832 pages, 9,70 € Edition: Folio (Gallimard)

 

En 1472, « Isabel de Castille avait commencé de détester ceux qu’elle appelait les assassins du Christ ». À Santoña, craignant (à juste titre) un « massacre », Shimon Cocia, barbier de son état, ordonne à ses deux fils, Yehonana et Yehoyakim, de prendre la route. Désormais « Joaquín et Juan », l’un partira vers le Nord, « Tolosa », l’autre restera dans le petit port de Getaria. Les deux, ont, cousu dans la doublure de leur cape, « un triangle en cuivre doré, la moitié d’un sceau de Salomon, la figure en étoile qui formait le symbole des Juifs ». Ils partent, s’inventent une nouvelle vie, et ces deux vies permettent à Nadeije Laneyrie-Dagen de peindre une fresque aussi réaliste que vue à hauteur d’homme (et de femme) de l’Europe entre 1472 et 1525, avec un brio sans nulle faille et un allant narratif qui fait que, comme lorsqu’on lisait Les Rois Maudits, on dépasse allègrement l’heure à laquelle il eût été raisonnable d’éteindre les feux.