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La Une CED

Histoire du scandale, Jean Claude Bologne, par Michel Host

Ecrit par Michel Host , le Mardi, 12 Juin 2018. , dans La Une CED, Les Chroniques, Chroniques Ecritures Dossiers, Chroniques régulières

Histoire du scandale, Jean Claude Bologne, Albin Michel, février 2018, 300 pages, 20,90 €

 

De la crucifixion aux femen

 

« …je reste convaincu que la notion de scandale s’est maintenue au cours des âges parce qu’elle correspond à une nécessité de notre culture occidentale, sinon de l’âme humaine » Jean Claude Bologne

« La multiplication des scandales a fini, pour un certain nombre d’électeurs, par jeter le discrédit sur la démocratie représentative », J.C. B.

« … le scandale n’a peut-être qu’une fonction dont découleraient toutes les autres : nous tenir en permanence en éveil… », J.C. B.

« Le scandale ne se résume pas au fait scandaleux : il suppose sa publicité et une réaction du public qui l’intègrent dans un processus dynamique où chaque concept trouve sa place », J.C. B.

Les enfants de Vallabrègues, Gilles Brancati, par Murielle Compère-Demarcy

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Lundi, 11 Juin 2018. , dans La Une CED, Les Chroniques

Les enfants de Vallabrègues, Gilles Brancati, éditions Chum, février 2018, 211 pages, 17 €

 

Ce livre de l’auteur Gilles Brancati marque d’emblée son territoire par son ouverture sur la tentative de suicide d’un prisonnier atypique. Sylvan Sorgues, incarcéré depuis plus d’une quinzaine d’années, vient de s’ouvrir les veines à l’aide d’un scalpel. Nous apprenons par l’intermédiaire d’un témoin de la scène, le co-détenu Jacob Lerish surnommé « la Juive », que Sylvan est un homme tolérant et féru de lectures à tel point qu’il a donné le goût des livres et de la connaissance à son compagnon de cellule pourtant cas difficile, « à la mauvaise réputation », « violeur récidiviste de fillettes de treize à quinze ans ». Sylvan Sorgues, l’anti-héros de ce roman qui en a pris pour « vingt-cinq piges » pour le meurtre d’Alice, est en fait un homme atypique, incarcéré aux « belles manières », intelligent, qui a même demandé « à bosser à la bibli pour les livres, et pour les faire lire à tous les arriérés qui sont ici et pas pour faire le mariole » comme le rapporte dans son bloc-notes Jacob Lerish. Un prisonnier à part qui ne « juge » pas ses collègues de prison (toujours Jacob Lerish : « C’est pas une raison suffisante pour s’en prendre aux gosses, mais ce n’est peut-être pas entièrement de ta faute, que tu disais »). Ce schéma inhabituel éveille la curiosité du lecteur qui d’emblée éprouve l’envie de connaître davantage l’histoire de cet étrange inculpé, et entre dans l’univers de l’intrigue dès le premier chapitre.

La rébellion universelle - L’Espoir à l’arraché, Abdellatif Laâbi, par Didier Ayres

Ecrit par Didier Ayres , le Vendredi, 08 Juin 2018. , dans La Une CED, Les Chroniques

L’Espoir à l’arraché, Abdellatif Laâbi, Le Castor astral, juin 2018, 144 pages, 14 €

 

 

Je ne connais Abdellatif Laâbi que par ce recueil que j’ai reçu il y a peu. Je l’avais rencontré il y a longtemps dans un séminaire de troisième cycle sur les lettres francophones à Bordeaux, et j’ai gardé en mémoire – moi qui ne connaissais pas l’œuvre du poète – un être à la fois grave et inquiet. Et je retrouve cela dans les poèmes que publie cette année Le Castor astral. J’y vois en effet une période de la vie de l’auteur, qui a été incarcéré et torturé au Maroc, événements qui, on l’imagine, ont été marquants. Je dis cela sans déflorer le caractère puissant de ces poèmes en vers qui, avec une certaine banalité d’expression, relatent cette expérience de la douleur qui est, il me semble, universelle.

Théâtre du vrai et du faux Opéra Panique, Alejandro Jodorowsky, par Didier Ayres

Ecrit par Didier Ayres , le Jeudi, 07 Juin 2018. , dans La Une CED, Les Chroniques, Théâtre

Opéra Panique, Alejandro Jodorowsky, Métailié, mai 2018, 96 pages, 7 €

 

Comment aborder cette pièce d’Alejandro Jodorowsky, théâtre auquel revient l’auteur après une longue interruption, en essayant de démêler le discours latent de cette comédie et ses buts, sans en détruire l’originalité ? Car bien que l’on puisse aisément rapprocher ce texte du Godot de Beckett ou de Ionesco, et mettre à profit la théorie de l’absurde qui a si bien réussi à ces auteurs, on ne dirait pas tout tant cette pièce est globale, et parle faux pour dire vrai et vrai pour dire faux. Oui, nous sommes bien au cœur de l’absurdité humaine et sa manière folle de réagir, mais ici un petit peu au-delà du monde « vrai », au sein de la compétition, de la guerre, du couple, du débat idéologique et même spectateur d’une scène qui évoque à sa manière délurée et cependant profonde Le Fils de Saul de  László Nemes. Donc nous sommes ici au niveau littéraire de Godot ou encore de Pour un oui ou pour un non, même si l’on rit plus, on s’interroge plus en atteignant sensiblement une vérité absolue que seule la vie est capable de réunir et d’assembler sous un masque grotesque.

Sacrée bavure, Par Catherine Dutigny/Elsa

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Mercredi, 06 Juin 2018. , dans La Une CED, Ecriture, Nouvelles

 

La rue de Pigalle est déserte. La pluie glacée laque les pavés disjoints. Un panneau publicitaire, veuf de plusieurs lettres affiche son slogan aussi clairement qu’un rébus directement sorti des pages de l’Almanach Vermot. Le « J » et le « F » y pendent lamentablement, comme les testicules d’Enoch Poznali, dit La Volga, après son exécution. Les flonflons du Front populaire ne feront pas, ce soir, chavirer le cœur du quartier interlope. Inutile de chercher sous une porte cochère, dans l’embrasure d’un hôtel de passe, les appâts d’une putain aux jambes gainées de soie.

Un œil attentif, scrutant les encoignures noires pourrait surprendre quelques silhouettes furtives, un pan d’imperméable, deux ombres discutant dans une tire, la flamme d’un briquet à essence.

Une oreille, tout aussi attentive, percevrait derrière les volets clos du cabaret, au numéro 66, les éclats de voix et résonances de la grand-messe des marlous de la Butte.