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La Une CED

Quelques questions à Fouad El-Etr, éditeur, traducteur, poète et écrivain (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 18 Novembre 2021. , dans La Une CED, Les Dossiers, Entretiens

 

Philippe Chauché, La Cause Littéraire : Vous avez publié cette année votre premier roman chez Gallimard : En mémoire d’une saison de pluie. Un roman bien singulier, qui donne une part belle au style, un roman que nous avons qualifié de luxuriant et d’éblouissant tant il s’attache à une forme romanesque que nous qualifierions d’un autre temps. Roman d’amour et d’amitié, qui offre au lecteur une plongée romanesque étourdissante, par la richesse de sa langue. Un roman héritier de vos écrits poétiques et de vos traductions de poètes ?

 

Fouad El-Etr : Ce roman est l’aboutissement d’un travail au long cours, un work in progress, dont une première version fut écrite d’un jet en 1962, au retour d’une escapade avec quelques amis aux vacances de la Toussaint. Quatre esquisses pour un portrait, en 1956 à quatorze ans, quand j’étais en Seconde au Lycée Français d’Alexandrie. En mémoire d’une saison de pluie fut plutôt la matrice de toute ma poésie, avant d’être nourri en retour, soixante années durant, de l’écriture et d’une vie de poésie.

Arsène Lupin, gentleman-cambrioleur & Arsène Lupin contre Herlock Sholmès, Maurice Leblanc (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 17 Novembre 2021. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

Arsène Lupin, gentleman-cambrioleur & Arsène Lupin contre Herlock Sholmès, Maurice Leblanc, édition d’Adrien Goetz, Folio Gallimard, septembre 2021, 336 & 352 pages, 5,70 €

Arsène Lupin est, pour l’amateur de séries télévisées de 2021, l’inspiration d’un personnage incarné par Omar Sy, Assane Diop, dans une série à succès, Lupin ; pour qui se tient éloigné du téléviseur et a souvent suivi les recommandations de Francis Lacassin, c’est un personnage créé en 1905 par Maurice Leblanc, et dont les aventures se succèdent jusqu’à la mort de son créateur en 1941. C’est surtout un représentant d’une certaine élégance, d’un certain savoir-vivre, et un personnage paradoxal dans une catégorie du roman policier née depuis peu, celle dont le personnage principal est un surhomme face à une police dont Ganimard, l’ennemi juré de Lupin, pourrait être le parfait représentant : « Il a d’excellentes qualités moyennes, de l’observation, de la sagacité, de la persévérance, et même de l’intuition. Son mérite est de travailler avec l’indépendance la plus absolue » (Arsène Lupin contre Herlock Sholmès). Bref, du Chevalier Dupin créé en 1841 par Edgar Allen Poe à Arsène Lupin, il n’y a qu’une lettre qui change ; l’esprit, génial et quelque peu facétieux, est quasi inchangé, et tant pis si l’intention semble opposée, Lupin étant de l’autre côté de la barrière. Et certes, Lecoq (Emile Gaboriau) et Sherlock Holmes (Conan Doyle) font partie de sa généalogie ascendante – de même que Rouletabille (Gaston Leroux) fait partie de sa généalogie descendante.

Le festin des hyènes, Fabienne Juhel (par Martine L. Petauton)

Ecrit par Martine L. Petauton , le Mardi, 16 Novembre 2021. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

Le festin des hyènes, Fabienne Juhel, Le Rouergue, Coll. La Brune, octobre 2021, 208 pages, 18,80 €


On connaît Fabienne Juhel, et les fers au feu de ses beaux livres : servis par une belle écriture parfaitement maîtrisée, l’art de raconter une histoire, des envolées souvent frisant un rien le fantastique, des personnages que le lecteur n’a garde d’oublier, des tableaux historiques bien calés dans un décor précis comme au cinéma. Et puis, la « musique Juhel », à mi-chemin entre réalisme et lyrisme de bon aloi, parfumé au meilleur du poétique…

Dans ce dernier livre – pas le moins abouti – la caméra se transporte en Afrique noire, époque actuelle, l’Est, au bord d’un lac du grand rift, mais on devrait pouvoir trouver du similaire dans l’Ouest sub-saharien.

On savait hélas, la persistance du « vagin denté » de sinistre mémoire, et de l’ablation du clitoris des petites filles ; nous voilà dans le « festin des hyènes » ; hyènes, nom donné à ces jeunes ou moins jeunes hommes dont la « tâche » si ce n’est le devoir ancestral, est de déflorer les vierges, pour les préparer à leur vie future de femme et de mère – le « kusasa fumbi »… C’est donc un livre qu’on lira dans le silence du citoyen qui est à l’évidence convoqué d’un bout à l’autre du livre, en creux, toujours.

L’acteur, Hélène Revay (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 15 Novembre 2021. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques, Théâtre

L’acteur, Hélène Revay, Les éditions Sans Escale, octobre 2021, 70 pages, 13 €

 

Plus l’homme avance, moins il aura à quoi se convertir (Cioran)

 

Soliloque

En parcourant cette pièce, j’ai été vite persuadé que Samuel Beckett avait influencé la matière de ce travail. On y reconnaît la syntaxe d’un désespoir, la trace de présences innommables, sans nomination objective, l’absurdité donc de l’existence humaine. Cette impression est restée durable. Hélène Revay a suivi un cursus de philosophie à la Sorbonne, et sachant cela mon intuition a été définitive.

Cela dit, il reste à décrire la relation du lecteur à la pièce de théâtre, lecture dans un fauteuil. L’action n’est pas ici négligée, et on attend très nettement de voir la situation du personnage, de l’acteur, évoluer. Et l’on accepte bien aussi la mise en abîme du théâtre au théâtre, car le personnage n’hésite pas à dire qu’il est acteur et qu’il est dans un théâtre.

Nouveau Départ (La saga des Cazalet, IV), Elizabeth Jane Howard (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 12 Novembre 2021. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

Nouveau Départ (La saga des Cazalet, IV), Elizabeth Jane Howard, La Table Ronde/Quai Voltaire, octobre 2021, trad. anglais, Cécile Arnaud, 624 pages, 24 €

 

Un petit empire

Elizabeth Jane Howard poursuit le quatrième volume de sa saga familiale, dans un style narratif qui s’immobilise souvent dans la contemplation et la description de détails d’une infinie préciosité. La plupart des membres de la famille Cazalet s’installent à Londres : les trois frères, Hugh le veuf, père de Polly, Simon et Williams ; Edward le sensuel, père de Louise, Teddy et Lydia, et Rupert, le revenant, père de Clarissa, Neville et Juliet. Seule reste à Home Place, avec « sa rocaille et ses roses », la Duche, car le Brig va décéder. Et tapis ici, les rancœurs, les rejets, les maladies, la décrépitude et la mort. Les récits rétrospectifs permettent de se familiariser ou de retrouver chacun des personnages, lesquels régressent ou évoluent, au caractère plutôt conservateur, dans l’après-guerre, de 1945 à 1947, au milieu des démobilisés, des disparus, d’« un million de personnes sans logis ». D’où l’importance de la nourriture, des objets chers et chéris, comme ce « petit mouchoir de dentelle blanc », symbolisant l’ancrage affectif au milieu de la pénurie d’un Londres dévasté.