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Les Chroniques

In the house that Jack built, Dickens, Griffith et la Révolution (par Augustin Talbourdel)

Ecrit par Augustin Talbourdel , le Mardi, 15 Décembre 2020. , dans Les Chroniques, La Une CED

Osons une affirmation qui pourrait surprendre : Orphans of the Storm (1921) est une adaptation cinématographique de A tale of two cities (1859). Allons plus loin : c’est probablement la meilleure adaptation du roman de Dickens. Certes, Griffith s’inspire d’abord d’une pièce de théâtre française d’Adolphe d’Ennery et Eugène Cormon, Les Deux Orphelines (1877), aussi connue à l’époque que le roman de Dickens et adaptée quinze fois à l’écran. Il semble que le cinéaste ait fait ce choix par défaut. À l’origine, Griffith désirait tourner une adaptation du roman de Dickens, chose faite quelques années plus tôt, en 1917, par Frank Lloyd. En tournant Orphans of the Storm, sans doute Griffith avait-il encore à l’esprit A tale of two cities, si bien que le film peut passer pour dickensien, alors même qu’un seul incident du film n’est véritablement tiré du roman de Dickens (II, 7) : l’enfant tué par le carrosse de « Monseigneur », dans le faubourg Saint-Antoine, que Griffith présente comme « an historical incident » dans un carton. Au-delà des nombreuses proximités que l’on peut établir entre le roman et le film, la véritable dette de Griffith envers Dickens réside dans la représentation de la Révolution française.

Dune, le Mook, Sous la direction de Lloyd Chéry (par Yann Suty)

Ecrit par Yann Suty , le Lundi, 14 Décembre 2020. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Dune, le Mook, Sous la direction de Lloyd Chéry, Editions L’Atalante & Leha, novembre 2020, 256 pages, 22,50 €

 

 

Certains livres déchaînent des passions, des fantasmes, créent autour d’eux une vaste communauté de fans qui échangent, s’invectivent, échafaudent des théories. Plus on glose autour d’une œuvre, plus elle est sujette à différents niveaux de lecture année après année, génération après génération, plus il est tentant de croire qu’on tient une œuvre à part.

Dune, le roman de Frank Herbert publié en 1965, jouit de ce statut culte. Culte car adoré d’un petit groupe, même si, en l’occurrence, les fans de la saga intergalactique sont légion. Le livre a été vendu à des millions d’exemplaires à travers le monde et la sortie prochaine d’une nouvelle adaptation cinématographique, par Denis Villeneuve, devrait encore renforcer sa notoriété et attirer de nouveaux lecteurs.

Le fil et la trame suivi de Par quels secrets passages, Danièle Corre (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Jeudi, 10 Décembre 2020. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Poésie

Le fil et la trame suivi de Par quels secrets passages, Danièle Corre, éditions Aspect, 2020, 110 pages, 17 €

« Tenir le fil de nos trames / qui parfois nous lâche », écrit la poète Danièle Corre, qui nous rappelle que le poème peut être ce recours existentiel pour « calmer la blessure ». Si le temps peut ravauder les carences, le manque, les « trous » qui forment les cahots de notre cheminement (« Les doigts courent / vers le fil de leur folie /ils connaissent / leur néfaste puissance »), seul le poème évite l’effondrement au bord du « vertige » sur le fil duquel nous (re-)tenir pour avancer « le cœur criblé ». La navette des mots tisse le patchwork de nos fragments d’existence, que le Langage poétique recoud, tisserand d’une « toile de résistance » à portée de nos voix quand elles entreprennent – à l’instar de la fleur rimbaldienne dans Aube – de dire le nom du Vivre vrillé au sens d’une quête initiatique. Encore faut-il amorcer notre avancée existentielle sur le bon chemin, celui qui impulse l’élan et soutient la dynamique de nos marches où « chaque pas te donnera vigueur / chaque geste nommera la joie », loin des « chemins des douaniers / où la mer rôde / dérobant sa puissance au vent, / redoublant l’immensité », loin des sentes trompeuses « posant sur la bouche / un bâillon d’ombre (la « bouche d’ombre », écrivait Rimbaud) / qu’il te faudra arracher ».

Une terre où trembler, Hélène Fresnel (par Eva Philippon)

Ecrit par Eva Philippon , le Mercredi, 09 Décembre 2020. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Une terre où trembler, Hélène Fresnel, Editions de Corlevour, février 2020, 112 pages, 16 €


Une âme en quête d’alliance

Figurant dans la sélection finale du Prix Guillaume-Apollinaire Découverte, pour son premier recueil, Une terre où trembler, édité aux éditions de Corlevour, Hélène Fresnel sublime une rupture amoureuse tant par l’architecture très minutieuse de son ouvrage que par la force sidérante de ses images.

Une terre où trembler se présente comme un cycle en trois temps de poèmes resserrés, taillés à vive arête dans l’informe de la douleur née de l’absence et de la perte de l’homme aimé. Un « je » labile et protéiforme, fondant souvent sa solitude dans un « nous », s’adresse à celui qui est parti, l’Absent, dont le mutisme creuse une béance dans laquelle ne peut que s’engouffrer la souffrance. Cette voix esseulée, bordée du silence blanc de la page, s’évertue à trouver, au fil d’un trajet de cinq années, « un je ne sais quoi de stable / Au-delà des fractures ». Ce vers à l’orée du recueil dit toute la fragilité de l’entreprise.

Chair papier, Juliette Brevilliero (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 08 Décembre 2020. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Poésie, Editions Galilée

Chair papier, Juliette Brevilliero, éditions Galilée, septembre 2020, 96 pages, 12 €

 

Inclusion

Je ne souhaite pas débattre de l’intérêt de l’écriture inclusive sur la qualité de l’expression qui pourrait en découler. Ici, avec ce recueil somme toute un peu étrange, je crois que le mot « inclusion » donne à penser en quoi écrire est une aventure du dedans, et qui rencontre parfois ou qui narre la relation de l’écrivaine à la physiologie, au caractère aqueux de ses métaphores, ou à une écriture-femme. D’ailleurs, cette dernière n’est pas qu’un concept féminin, mais celui aussi du chercheur et poète Philippe Tancelin qui concluait il y a quelques années à l’existence d’un « elle » (d’un L, d’une aile) dans l’écriture, donc une écriture-elle.

Avec les poèmes de Juliette Brevilliero, l’on côtoie la sécrétion, la cavité sexuelle, la force nerveuse et biologique du corps. Cette inclusion, ce détour par l’intérieur du corps, expression valvulaire, où l’on suit le mouvement d’une invagination qui décrit une tension de ce qui inclut la matière du doigt dans un gant, puis qui reconduit le gant à sa forme initiale, cette opération vise à inclure le corps dans l’écriture. Est-ce une tentative pareille à celle du corpoème de Jean Sénac ? Je ne sais.