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Recensions

Jim Morrison, Jean-Yves Reuzeau

Ecrit par Guy Donikian , le Dimanche, 11 Novembre 2012. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Biographie, Folio (Gallimard)

Jim Morrison, 425 pages, octobre 2012 . Ecrivain(s): Jean-Yves Reuzeau Edition: Folio (Gallimard)

 

L’inévitable subjectivité d’une biographie peut s’avérer plus que positive. C’est le cas de celle consacrée au chanteur des Doors, Jim Morrison, par Jean-Yves Reuzeau, pour qui cet ouvrage n’est pas un coup d’essai. L’auteur a le double mérite, outre l’écriture, de présenter Jim Morrison comme le poète qu’il fut tout au long de sa courte vie et comme une réelle et profonde solitude. Il eût été facile de mettre l’accent sur la « bête de scène », de montrer d’abord et avant tout les déboires judiciaires qui vont précipiter sa chute, autant de pièges auxquels l’auteur échappe.

Le poète tout d’abord, celui à qui, dès le plus jeune âge, « la lecture s’impose comme une passion dévorante ». Il découvre très tôt Kerouac, Ginsberg, les philosophes présocratiques le passionnent alors qu’il n’a pas vingt ans. Mais ce sont les poètes qui auront rapidement sa préférence, comme Rimbaud et William Blake. Le côté visionnaire du poète français le retiendra longtemps, jusque dans ses chansons. Lui-même se définissait comme « un homme de mots », sans doute l’aspect le plus important qu’il faille aussi retenir de Jim Morrison. Tous les textes des chansons des Doors seront des poèmes, incantatoires souvent, qu’il met en musique aves le groupe.

Toboggan, Gildas Milin

Ecrit par Marie du Crest , le Dimanche, 11 Novembre 2012. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Théâtre, Actes Sud/Papiers

Toboggan, 2012, 78 pages, 16 € . Ecrivain(s): Gildas Milin Edition: Actes Sud/Papiers

 

Le théâtre contemporain est assez souvent simultanément texte et spectacle vivant. C’est le cas avec Toboggan de G. Milin. En effet l’auteur monte sa propre pièce, en assure la scénographie et la lumière dans une production des Bourdons Farouches alors même que le texte sort en librairie.

Celui-ci nous plonge dans une sorte de « sociale-fiction », même si le phénomène des vieux abandonnés de tous, sans protection sociale aucune, qui survivent en devenant délinquants, espérant ainsi aller en prison, existe bel et bien au Japon. Nous pénétrons dans une jungle urbaine qui, sur le plateau, deviendra une lande de sable. La première didascalie de la scène 1 est explicite : « Béton, terrain vague, ordures, désert ». Un gang de vieux malades approchant les 70 ans, au parcours professionnel plus ou moins chaotique (la liste longue des personnages fonctionne comme un CV impitoyable), apparaît dès le début du texte selon un entrelacement. Le nom des personnages les intègre au monde des bêtes ou à celui des Indiens : Loup ; Louve ; Butor étoilé. Ils sont sauvages, ils lynchent sauvagement un homme dans la scène 1,5,15. Ils se nourrissent comme des animaux, dévorant le contenu de boîtes de conserve.

Marche forcée, oeuvres, 1930-1944, Miklós Radnóti

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Samedi, 10 Novembre 2012. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Pays de l'Est, Poésie, Récits, Phébus

Marche forcée, Œuvres, 1930-1944, trad.hongrois et présentation par Jean-Luc Moreau, Editions Phébus, Collection D’aujourd’hui. Étranger, 2000 . Ecrivain(s): Miklós Radnóti Edition: Phébus

 

« La mort, de notre attente, est la rose vermeille ».

Il était une fois un jeune homme qui marchait vers le nord. Il ne mangeait ni ne buvait. Il ne toucha pas au pain que lui jeta un boulanger. Il ne put y toucher. On cassait les bras qui se tendaient. Il était une fois un homme plein d’espoir qui avait pour compagnons de voyage des hommes qui étaient abattus parce qu’ils étaient pieds nus ou parce qu’ils avaient gardé leurs chaussures. Il était une fois un homme qui voulut malgré tout continuer. Il ne pouvait ni manger, ni boire. Ce qui retint son attention, un soir de magnifique coucher de soleil, ce fut un peu de maïs séché, qui était éparpillé sur le sol, et qui l’appelait. Sans manger ni boire. Le cochon qu’il vit au loin voulut bien lui laisser un peu de son modeste repas (bouillie de maïs). Il était une fois un homme qui marchait en direction du nord. Il vit son ami musicien (qui n’avait guère plus de vingt printemps dans ses chaussures – il les avait gardées –) recevoir une balle dans la nuque parce qu’il ne voulait pas se défaire de son violon (dont il se servait pour vivre). Il le vit se relever, marcher en boitant vers un arbre, et s’écrouler, obéissant au chant d’une mitraillette, lequel avait immédiatement suivi ces aboiements : Der springt noch auf (Il remue encore).

Les 1001 conditions de l'amour, Farahad Zama

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 08 Novembre 2012. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Jean-Claude Lattès

Les 1001 conditions de l’amour, The many conditions of love, trad. de l’anglais Perrine Chambon, 2012, 428 p. 19 € . Ecrivain(s): Farahad Zama Edition: Jean-Claude Lattès

 

Les rapports amoureux et les relations au sein du couple ne sont jamais chose simple en ce monde complexe qu’est l’Inde d’aujourd’hui.

Rehman et Usha d’une part, Aruna et Ramanujam d’autre part, en font la douloureuse expérience dans ce deuxième roman de Farahad Zama.

Rehman est musulman, Usha est hindoue. Cette appartenance à deux communautés qui ne se supportent pas constitue, d’entrée de livre, une source inéluctable, prévisible, d’obstacles et de tracas, dont on retrouve le schéma dans une bonne partie des films de Bollywood.

Aruna appartient à une famille pauvre. Ramanujam, médecin, de milieu bourgeois, subit volontiers l’influence de sa sœur, une personne acariâtre qui méprise Aruna. Ce triangle, tout aussi récurrent dans la cinématographie indienne, laisse espérer, dès que ces personnages prennent vie narrative, de désastreuses scènes de ménage…

Certaines n'avaient jamais vu la mer, Julie Otsuka (2ème recension)

Ecrit par Stéphane Bret , le Mardi, 06 Novembre 2012. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, USA, Roman, Phébus

Certaines n’avaient jamais vu la mer, trad. USA par Carine Chichereau, 142 pages, 15 € . Ecrivain(s): Julie Otsuka Edition: Phébus

La lecture de certains romans s’apparente, parfois, à une révélation douloureuse, une évocation puissante, grave. Celui de Julie Otsuka Certaines n’avaient jamais vu la mer est de ceux-là : c’est l’odyssée de jeunes japonaises, à qui on a promis de se marier en émigrant aux Etats-Unis pour rejoindre leurs compatriotes déjà établis en Amérique, et censés leur apporter le bonheur conjugal, l’accès à l’aisance matérielle. Hélas, ces candidates naïves sont cruellement déçues. Elles le sont dès leur traversée en bateau, accomplie dans les pires conditions, plus proche des transports d’esclaves que d’un voyage ordinaire. A leur arrivée, elles endurent des conditions de travail atroces, sont violées par leurs maris, êtres frustes, rustres, dont les métiers réels sont bien moins prestigieux qu’annoncés à leur départ du Japon.

Ce récit, c’est toute une chronique de la vie de ces immigrants japonais des années trente aux Etats-Unis, dont la cohabitation avec les Américains est difficile, parsemée d’embûches, dont l’éloignement culturel des deux civilisations n’est pas la moindre. La maîtrise de la langue anglaise par ces femmes est laborieuse, elles ne parviennent à apprendre que quelques mots durant leur séjour.