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Maghreb

Ce que je sais de Monsieur Jacques, Leila Bahsain (par Abdelmajid Baroudi)

Ecrit par Abdelmajid Baroudi , le Lundi, 18 Août 2025. , dans Maghreb, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Albin Michel

Ce que je sais de Monsieur Jacques, Leila Bahsain, Albin Michel 2024, 224 p. 19,60 € Edition: Albin Michel

 

Il va sans dire que la notion du corps traverse les écrits littéraires, en l’occurrence le roman. Sa présence dans les récits est à mon avis une contribution et ajout à ce que la philosophie, la psychanalyse et l’anthropologie ont développé sur cette notion. La relation au corps, le corps sujet, le corps texte et nature, le corps en tant que communicateur et acteur de corporéité, tous ses aspects démontrent que les messages que peut transmettre le corps sont parfois plus audacieux et plus clairs que la langue. D’autant plus que la relation du corps avec le sujet pris dans sa dimension identitaire suscite le questionnement. Suis-je mon corps ? L’identité de la personne est-elle d’ordre corporel ? Si c’est le cas, quels sont les caractères selon lesquels on identifie le corps ? Quelle est la relation entre le corps et la liberté ? Autrui, préserve-t-il cette relation ou bien la chosifie-t-il ?

Mon objectif est de capitaliser sur la complexité de ces questions en vue de tenter de dégager la dynamique de ce réseau conceptuel qui tourne autour de la notion du corps dans le roman Ce que je sais de Monsieur Jacques, écrit par la romancière Leïla Bahsain. (1)

Il fait nuit chez les Berbères, Mohamed Nedali (par Abdelmajid Baroudi)

Ecrit par Abdelmajid Baroudi , le Dimanche, 15 Juin 2025. , dans Maghreb, Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Folio (Gallimard), Editions de l'Aube

Il fait nuit chez les Berbères, Mohamed Nedali. Ed. de l’Aube 2025. 280 p. 19 € Edition: Editions de l'Aube

 

Le rapport à la terre dans Il fait nuit chez les berbères se construit dans la langue, en l’occurrence la langue amazighe. Tizi ounddam (le col du poète) marque la transition. On n’est plus dans la relation d’une langue à une géographie qui nous renvoie à une altérité dans laquelle l’animal est le trait d’union qui relie l’espace à l’Homme. Ifri n’izem (la caverne du lion), Tizi n’tscourte (le col du perdrix), tous ces lieux marquent l’altérité que seule la langue amazighe détient l’histoire et les secrets. Il se trouve que Tizi ounddam représente la transition, le passage de la nature à la culture, en assignant à la géographie une connotation humaine. Il s’est avéré que l’espace exprime sa subjectivité et s’installe une fois pour toute dans la créativité.

L’académie française définit l’acculturation comme suit : « Adoption progressive par un groupe humain de la culture et des valeurs d’un autre groupe humain qui se trouve, relativement à lui, en position dominante. Par extension. Adaptation d’un individu à une culture étrangère. »

Cœur berbère, Habiba Benhayoune (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 27 Mars 2025. , dans Maghreb, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman

Cœur berbère, Habiba Benhayoune, Editions Ardemment, 2022, 210 pages, 19 €

 

Cette autobiographie empreinte d’une profonde sincérité constitue une lecture aussi prenante que celle d’un roman sous bonne tension narrative, tant la vie que raconte l’autrice se compose d’une succession de péripéties, de petits et de grands drames, et de dévoilements d’intimités familiales propres à susciter la compassion, la colère, l’empathie.

Aouïcha, la narratrice, plusieurs fois arrachée, plusieurs fois déracinée, plusieurs fois transplantée, inscrit son existence personnelle aux épisodes instables dans le destin collectif de tribus amazighes rifaines plus ou moins contraintes au nomadisme par les aléas de contextes historiques chaotiques dans une Afrique du Nord coloniale et post-coloniale.

Les parents ont quitté leur Rif natal sous protectorat pour rejoindre en exil en Algérie « française » d’autres membres, nombreux, de la communauté berbère du Maroc. Aouïcha naît donc à Mers-El-Kébir en pleine guerre d’indépendance puis grandit dans un coin isolé de la côte méditerranéenne algérienne où le père s’est installé en se donnant la profession de pêcheur.

Aux ventres des femmes, Huriya (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Mercredi, 04 Septembre 2024. , dans Maghreb, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman

Aux ventres des femmes, Huriya, Editions Rue de l’Echiquier, août 2024, 320 pages, 22 €

 

Après Entre les jambes, publié en avril 2021, un premier roman contestataire, provocateur, qui lui a apporté une immédiate notoriété, Huriya, écrivaine franco-marocaine, récidive avec ce récit tout autant percutant des quinze premières années de l’existence quotidienne de la fille cadette d’un boucher polygame et tyrannique tirant des préceptes de l’intégrisme islamique la légitimité de son odieux comportement domestique.

L’histoire se déroule dans un état islamique non identifié, dans le quotidien de quoi on peut reconnaître ici et là des éléments socio-culturels, socio-religieux, socio-linguistiques propres à telle ou telle communauté régionale du monde arabo-musulman.

Les Terrasses d’Orsol, Mohammed Dib (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Jeudi, 16 Mai 2024. , dans Maghreb, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Zulma

Les Terrasses d’Orsol, Mohammed Dib, éditions Zulma, février 2024, 192 pages, 9,95 € Edition: Zulma

Hors lieu / décentrement

Mohammed Dib, né à Tlemcen en 1920 (capitale de l’art andalou), décédé en 2003 à La Celle-Saint-Cloud, poète, romancier, dramaturge, a reçu de nombreux prix prestigieux (Académie française, Francophonie, Mallarmé, Découvreurs de la Ville de Boulogne/Mer, etc.). L’auteur fait partie intégrante du patrimoine des littératures française et algérienne.

Son roman, Les Terrasses d’Orsol, commence par la voix d’adresse d’un voyageur pressé, qui consigne des faits et des observations dans un journal, tâche officielle qui lui a été commandée par l’Etat. Mohammed Dib nous entraîne d’abord dans le soliloque fou d’un récitant sans nom ni prénom, lequel déambule et se perd dans les impasses et le rhizome de la ville de Jarbher. Il se trouve soudainement enveloppé de « nappes secrètes », entouré de forces occultes d’un onirisme noir, cauchemar de Lovecraft. Le romancier use d’un procédé « psychogéographique », assimilé à une sorte de dérive situationniste. En spéléologue, le protagoniste tente de retrouver des traces, une issue et une sortie possibles dans ce curieux itinéraire détourné.