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Les Livres

Jours de Mai, Jean-Baptiste Harang

Ecrit par Stéphane Bret , le Mercredi, 02 Mai 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Récits, Verdier

Jours de Mai, février 2018, 109 pages, 13,50 € . Ecrivain(s): Jean-Baptiste Harang Edition: Verdier

 

Jours de Mai n’est pas une histoire détaillée de Mai 68, ni une tentative d’élucidation des significations de ce mouvement, imprévu, multiforme. Non, c’est une série d’articles, un par jour, sur le mois de mai, écrits dans Libération cinquante ans après l’événement. Chaque article d’une journée est accompagné d’une mini-revue de presse de l’époque, et c’est pour le moins comique. Ainsi apprend-on que le 5 mai, Le Figaro s’émeut de l’inconduite de ces manifestants : « Etudiants, ces jeunes ? Ils relèvent de la correctionnelle plutôt que de l’Université ». Ce même jour, Georges Pompidou et Maurice Couve de Murville, ministre des Affaires étrangères, visitent la ville historique d’Ispahan, en Iran. Le 7 mai, Alain Geismar annonce « Nous sommes prêts à négocier avec le gouvernement », tandis que la presse annonce l’ouverture de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis en construction depuis quatre ans. On trouve d’autres détails, révélateurs, de la tension sociale de cette époque, déjà perceptible depuis un an ou deux. Les ouvriers de Sud-Aviation séquestrent leur patron, Monsieur Duvochel, qui sera libéré quelque temps plus tard.

La fin de Mame Baby, Gaël Octavia

Ecrit par Dominique Ranaivoson , le Lundi, 30 Avril 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard

La fin de Mame Baby, août 2017, 170 pages, 16 € . Ecrivain(s): Gaël Octavia Edition: Gallimard

 

Voici un texte surprenant : construit avec la plus extrême précision, son mécanisme vous rend totalement dépendant des révélations que la romancière instille à petites doses du début à la fin. Suspense donc, mais aussi analyse psychologique, fresque sociale, le tout sur le ton apparemment anodin voire simpliste du récit d’une jeune infirmière qui rend visite chaque jour à une vieille alcoolique recluse. C’est que la jeune Gaël Octavia, déjà dramaturge, novelliste et poète sait monter un scénario aux rouages serrés et des personnages qui ne se dévoilent qu’au rythme des étapes de ce qui s’apparente à une démonstration.

Revenons au cadre : une cité à peine décrite (des immeubles laids, un centre commercial, des « tours vertigineuses ») qui se réduit à son terme générique, « le Quartier » et qui fonctionne comme un monde à part dans lequel restent ceux qui y sont nés. Et là, vivent en circuit fermé des personnages et des institutions : les jeunes et leurs bandes violentes, les femmes qui se retrouvent dans leur « Assemblée » et l’église évangélique, en plein essor, conduite par des hommes admirés et autoritaires.

Dans le café de la jeunesse perdue, Patrick Modiano

Ecrit par Fedwa Ghanima Bouzit , le Lundi, 30 Avril 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Folio (Gallimard)

Dans le café de la jeunesse perdue, 176 pages, 6,60 € . Ecrivain(s): Patrick Modiano Edition: Folio (Gallimard)

 

Les cafés de la jeunesse perdue, ces lieux de transit. Ces lieux où l’on tente d’égarer ses doutes et ses incertitudes. On y est bruyant et fantasque pour mieux couvrir les pensées anxieuses qui nous rongent. On se gonfle d’égo, on mime l’âge adulte alors que l’on n’est qu’adulescent, peut-être le restera-t-on toujours. On prend des postures intelligentes, on se tient le menton, on lève les yeux au plafond, on regarde dans le vide… On est persuadé que l’on a un talent unique à dévoiler au monde, que l’on finira peintre, écrivain ou intellectuel.

On croit tous en l’éternité du café. C’est le rituel quotidien qui rythme nos journées. On y entre aux mêmes heures, on s’installe aux mêmes tables. Le café est départagé en territoires bien distincts que l’on apprend à respecter. On y fait des connaissances que l’on croit tout aussi éternelles. On croit connaître ces personnes sur le bout des doigts, mais tout comme nous, elles se tissent des identités factices, fantasmées, projetées dans un avenir incertain.

L’Au-delà du monde, Brigitte Maillard

Ecrit par Philippe Leuckx , le Lundi, 30 Avril 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie

L’Au-delà du monde, Librairie Galerie Racine, 2017, 50 pages (belle photo d’une Tête de jeune Bigoudène par l’auteure), 15 € . Ecrivain(s): Brigitte Maillard

 

 

« Attendre le monde », « porter le soir », « allez » : une poésie revitalisante qui s’énonce là. Les impératifs suivent et enjoignent à l’activité, celle de l’esprit, celle du corps : INVENTE-TOI !

« Le temps est une histoire

(entre nous)

un déplacement de vent »

Laisse monter ce chant de mémoire

(…)

Centre, Philippe Sollers

Ecrit par Philippe Chauché , le Mardi, 24 Avril 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard

Centre, mars 2018, 128 pages, 12,50 € . Ecrivain(s): Philippe Sollers Edition: Gallimard

 

« C’est maintenant l’œil du cyclone, le centre du tourbillon. Tout est d’un calme si extraordinaire que je n’ai plus rien à comprendre. Quelques phrases d’autrefois traînent encore, mais ne s’inscrivent pas, ma main les refuse. La seule vraie couleur est le blanc ».

Centre est un précieux roman écrit dans l’œil du cyclone, du centre du tourbillon contemporain. Un roman placé sous la protection d’étranges étrangers qui ont pour noms Freud et Lacan – Un juif athée, un catholique baroque, deux aventuriers de la vérité vraie –, et sous le regard complice de Nora, douée pour les langues et la psychanalyse, une voix vivante qui sait se taire quand il faut. Le narrateur sait de quoi il parle, il sait qu’écrire entraîne et engendre une résistance, que ses phrases font naître une vitalité, une joie profonde, et permettent de voir et d’entendre ce qui se joue, se noue et se dénoue sur un divan, qui est celui du Monde.