Les occupations, Côme Martin-Karl
Les occupations, février 2013, 208 pages, 17 €
Ecrivain(s): Côme Martin-Karl Edition: Jean-Claude Lattès
Les conduites de nos ancêtres pèsent-elles sur nos vies et nos actes quotidiens ? Peut-on les corriger a posteriori ? C’est à cette question d’une actualité quasi permanente que se consacre Côme Martin-Karl dans son premier roman Les occupations. L’auteur joue d’entrée sur le caractère polysémique du mot occupation. Celui-ci désigne une activité, et aussi une période sombre de notre histoire nationale. Dans la langue anglaise, il signifie « profession ».
Deux personnages charpentent le roman : Marcel Miquelon, qui est un gratte-papier subalterne au service de la Propagandastaffel durant l’Occupation. Il est chargé de lire tout ce qui paraît, de le faire reformuler par les candidats à la publication, ou de prescrire purement et simplement l’interdiction des œuvres incriminées.
Pierre Miquelon, son petit-fils, connaît une enfance sans histoires ni aspérités. Il vit son adolescence au début des années 80 qui le mène vers la filière technico-commerciale qu’il quitte quelque temps plus tard faute d’affinités solides pour ce domaine. Il rencontre, dans une école commerciale, Thierry, jeune marginal. Ce dernier a vécu en Allemagne, il a été en contact avec des gourous issus du paranormal. En même temps que son attirance pour Thierry, Pierre découvre son homosexualité et décide de vivre avec Thierry. Après moultes péripéties, ils se séparent et Pierre est invité chez ses parents avec lesquels il est retourné vivre, dans l’Aude. Il y retrouve les archives de son grand-père Marcel. Celles-ci contiennent force détails sur ses activités de censeur ; on y apprend ainsi qu’il a demandé à Jean-Paul Sartre de modifier le texte de sa pièce Les mouches, que son grand-père a sérieusement songé à se reconvertir lorsque la Libération approchait. Il découvre que celui-ci a été fusillé, la justice d’alors, parfois expéditive, n’ayant pas admis ses arguments pour le disculper…
Ce roman contient également des réflexions éclairantes sur l’Occupation, son climat : « C’est à ce genre de détail qu’on comprend combien le terme “occupation” est pertinent dans son exactitude à désigner ce moment de l’histoire de France. Et renvoie dans le même mouvement au profond emmerdement d’un peuple astreint au couvre-feu (…) et à la recherche désespérée de choses à foutre».
Les deux personnages, à deux générations d’intervalle, ont pour point commun « ce désir de ne pas aller trop haut pour ne pas tomber trop bas ». Ce parallélisme générationnel est singulier ; il pose bien la question de la solidarité, ou de l’absence, des actions d’êtres liés par une attache familiale.
Stéphane Bret
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