Identification

La Une Livres

Les Animaux dénaturés, Vercors (par Marie-Pierre Fiorentino)

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Mercredi, 03 Mars 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Le Livre de Poche

Les Animaux dénaturés, Vercors, 222 pages, 4,50 € Edition: Le Livre de Poche

 

Le roman s’ouvre sur un infanticide immédiatement revendiqué par Douglas Templemore. Comment ce journaliste de trente-cinq ans, passionné de littérature et jeune époux très amoureux de Frances, est-il devenu assassin ? Tout commença, lors d’une expédition qu’il accompagnait en Nouvelle-Guinée, par la découverte des Tropis. Mais ces êtres sont-ils des hommes ou des animaux ? Les passions vont se déchaîner autour de la question.

 

« Si la cour voulait simplement nous rappeler… la… quoi, la définition de l’homme, la définition ordinaire, enfin celle dont on se sert en général, quoi, la définition légale, juridique… est-ce que… quand même, cela ne déborderait pas les attributions de la cour ?

– Non, dit le juge en souriant ; toutefois, cette définition légale, il faudrait d’abord qu’elle existe. La chose est étrange peut-être, mais le fait est qu’elle n’existe pas » (Chapitre XIV)

Le Jour des corneilles, Jean-François Beauchemin (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 02 Mars 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Québec, Libretto

Le Jour des corneilles, Jean-François Beauchemin, 147 pages, 8,10 € Edition: Libretto

 

Il est fréquent de lire, sous la plume de critiques standardisés, « on ne sort pas de ce roman indemne ». Eh bien, pour une fois, nous allons le dire. Ce livre atteint auditivement, linguistiquement, lexicalement ! Et sa musique stupéfiante reste dans vos yeux et dans vos oreilles pour très longtemps. Plutôt que de vous expliquer pourquoi, voici comment Jean-François Beauchemin nous accueille dans son roman :

« Père avait formé de ses mains cette résidence rustique et tous ses accompagnements. Rien n’y manquait : depuis l’eau de pluie amassée dans la barrique pour nos bouillades et mes plongements, jusqu’à l’âtre pour la rissole du cuissot et l’échauffage de nos membres aux rudes temps des frimasseries. Il y avait aussi nos paillasses, la table, une paire de taboureaux, et puis l’alambic de l’officine, où père s’affairait à extraire, des branchottes et fruits du genièvre avoisinant, une eau-de-vie costaude et grandement combustible » (NDR : Le correcteur du traitement de texte utilisé pour rédiger cet article a souligné 7 mots dans la citation qui précède. Il aurait pu faire mieux !).

La vie joue avec moi, David Grossman (par Anne Morin)

Ecrit par Anne Morin , le Mardi, 02 Mars 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Seuil, Israël

La vie joue avec moi, octobre 2020, trad. hébreu, Jean-Luc Allouche, 329 pages, 22 € . Ecrivain(s): David Grossman Edition: Seuil

 

Trois voix de femme(s) qui viennent se briser et se relancer autour d’un homme-rocher débonnaire, Raphaël (« Dieu guérit »), beau-fils, époux et père. Ce n’est pas à lui qu’elles se content, mais il est là pour filmer, l’accessoiriste, mais aussi en grande partie le révélateur, le signifiant. A-t-on le choix ? A-t-on le droit de choisir ? En a-t-on la réelle possibilité ?

Véra, qui revient en compagnie de sa fille, Nina, de sa petite-fille, Guili, et de son beau-fils, Raphaël, sur l’île pénitentiaire où elle a été captive pendant deux ans et demi, n’a aucun doute à ce sujet : il n’y a pas de place, pas la moindre, pour le regret, pas de place pour un soupçon de doute : il n’y avait rien d’autre à faire, à dire. Elle n’a pas le plus petit regret, d’ailleurs sait-elle ce que c’est ? de n’avoir pas tenté, essayé… de permettre à sa fille, alors âgée de six ans, de vivre avec elle, ailleurs. Il n’est pas impossible de faire le choix – ou de croire qu’on l’a – de trahir son mari mort ou sa fille vivante, ce choix n’est pas nié, tout simplement pour Véra, il n’existe pas, il n’est pas.

Une chose menant à une autre, Joy Setton (par Delphine Crahay)

Ecrit par Delphine Crahay , le Mardi, 02 Mars 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, La Baconnière

Une chose menant à une autre, Joy Setton, novembre 2020, 188 pages, 8 euros. Edition: La Baconnière


Une chose menant à une autre part dans tous les sens. Localement, une idée, un mot, une référence, mène linéairement à une autre – c’est la logique même – mais globalement, cet essai foisonne tous azimuts, du coq à l’âne et du péché originel aux toilettes à compost. Il y est question de littérature, mais aussi de sociologie, de philosophie, de morale, d’histoire, de coutumes, de langue… et toutes ces disciplines, toutes ces perspectives, s’entremêlent en un treillis serré. Deux déambulations s’articulent : celle du corps de l’auteur dans des lieux physiques – le métro, le Jardin des Tuileries… – et celle de son esprit dans les lieux moins tangibles – mais non moins réels – que sont les pensées des autres – Rousseau, Stendhal, Baudelaire, Arendt, Nietzsche…

Œuvres complètes, tome IX, 1905-1907, Joris-Karl Huysmans, Classiques Garnier (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 01 Mars 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Classiques Garnier

Œuvres complètes, tome IX, 1905-1907, édition Jean-Marie Seillan, août 2020, 592 pages, 29 € . Ecrivain(s): Joris-Karl Huysmans Edition: Classiques Garnier

 

Quoi de neuf ? Huysmans. Celui que l’on considérait comme un épigone doué quoique bizarre de Zola connaît un regain de faveur qui, comme toujours, en dit plus sur notre époque que sur l’écrivain lui-même (considérer le succès de Jane Austen, à qui les manuels de littérature ne consacraient que quelques lignes voici cinquante ans). En 2015, Michel Houellebecq avait fait du héros (peut-être le terme n’est-il pas bien choisi) de Soumission un universitaire, spécialiste de Huysmans. Suivirent un beau volume à la Bibliothèque de la Pléiade (2019) et, à présent, un ensemble d’Œuvres complètes (la précédente édition unitaire des textes de Huysmans avait paru il y a près d’un siècle).

Malraux disait que la mort transforme la vie en destin. Qu’en est-il de l’œuvre ? Car nous commençons par la fin, le tome IX, qui rassemble les deux derniers titres de l’écrivain parus de son vivant : Trois églises, et Les Foules de Lourdes. L’espoir n’est jamais tout à fait interdit, mais Huysmans, dévoré par le cancer, avait de bonnes raisons de penser que ces livres seraient les derniers qu’il écrirait. Il s’éloigne du roman, genre qui l’avait fait connaître, même si Les Foules de Lourdes sont en grande partie écrites contre un roman de Zola, son ancien maître.