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La rentrée littéraire

Athos le forestier, Maria Stefanopoulou (par Stéphane Bret)

Ecrit par Stéphane Bret , le Jeudi, 22 Août 2019. , dans La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Bassin méditerranéen, Roman, Cambourakis

Athos le forestier, août 2019, trad. grec René Bouchet, 224 pages, 22 € . Ecrivain(s): Maria Stefanopoulou Edition: Cambourakis

 

La littérature, dit-on, aide à comprendre le passé d’un pays, son histoire, ses drames lointains ou rapprochés. Ce présupposé est largement confirmé par le magnifique récit de Maria Stefanopoulou, qui signe à cette occasion son premier roman, même si cette auteure a déjà produit des nouvelles et essais sur la critique et la violence.

C’est un roman choral, qui expose successivement les points de vue des différents personnages : Athos, qui est forestier dans le Péloponnèse, se cache dans sa cabane car il passe pour mort, ayant échappé aux représailles de la Wehrmacht du 13 décembre 1943 à Kalavryta. Dans ce village ont été massacrés tous les habitants. Son épouse, Marianthi, et sa fille Margarita quittent la localité.

Près de quarante ans plus tard, Lefki, la fille de Margarita, s’installe à Kalavryta pour y créer une Clinique de la douleur car Lefki est médecin. Iokasti, fille de Lefki, représente la quatrième génération après la seconde Guerre mondiale : elle veut résoudre le mystère d’Athos, et se lance dans la forêt à la recherche de son grand-père Athos.

Murène, Valentine Goby (par Jean-François Mézil)

Ecrit par Jean-François Mézil , le Mercredi, 21 Août 2019. , dans La rentrée littéraire, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Murène, Valentine Goby, Actes Sud, avril 2019, 377 pages, 21,80 €

 

Écrire sur le handicap, beau sujet, n’est-ce pas ! Les journalistes es rentrée littéraire ne manqueront pas de s’extasier. Délaissant, comme à leur habitude, la proie pour l’ombre, ils oublieront que le sujet, quelque mérite qu’il ait, ne fait pas à lui seul un roman. Celui-ci commence dans une piscine, comme pour nous donner envie de plonger dans le livre. C’est de François Sandre dont il va être question. Vingt-deux ans. Les parents tiennent un atelier de couture. La mère, Mum Jane, est anglaise. Une sœur plus jeune, Sylvia.

Février 56… ça vous dit quelque chose ? C’est là que, pour François, tout s’arrête ou commence : une rayure sur le disque de sa vie. On retrouve son corps sous une caténaire, « au pied d’un wagon désaffecté au lieu-dit hameau de Bayle », dans les Ardennes. « L’accident électrique est privilégié ». « Un panneau indiquait bien “danger” le long des rails mais avait disparu sous la neige. Les chemins de fer ne sont pas responsables des excès climatiques, voyez-vous. On ne fait pas un procès à la neige ».

Par les routes, Sylvain Prudhomme (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mercredi, 21 Août 2019. , dans La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Gallimard

Par les routes, août 2019, 304 pages, 19 € . Ecrivain(s): Sylvain Prudhomme Edition: Gallimard

 

Le livre des possibles

Ce livre est celui des croisées des chemins. Mais les couper n’implique pas forcément de les suivre. Les rencontres sont souvent fugaces. Mais il arrive qu’à nouveau elles fassent retour, mais à la personne escomptée s’en substitue une autre.

Mais elle vaut tout autant le détour. Si bien que le récit avance par la force de l’amitié comme celle du désir. Il vaque au gré des temps à travers des fêlures qui bombardent le moi. Mais celui-ci se relève. Car tant que la vie est là il n’a pas d’autres choix.

Et Sylvain Prudhomme nous emporte parmi les décombres de ce qui fut exquis et provisoire. Et il fallait peut-être des impasses pour que dans leur fond tout cela respire par-delà le sens concassé.

Des notes s’égouttent ainsi sur le clavier du destin fait de trous entre elles. Restent néanmoins leurs échos. Ils touchent la pulpe du sentir dans les vibrations d’un blues qui monte.

Le Bruit des tuiles, Thomas Giraud (par Guy Donikian)

Ecrit par Guy Donikian , le Lundi, 19 Août 2019. , dans La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La Contre Allée

Le Bruit des tuiles, Thomas Giraud, août 2019, 280 pages, 18,50 € . Ecrivain(s): Thomas Giraud Edition: La Contre Allée

 

Considerant, tel est son nom, sans accent sur le « e », fait partie de ces utopistes sans lesquels le monde n’aurait pas exploré les limites d’une utopie imposées par la nature. Parce ce qu’il s’agit d’une utopie que cet ingénieur économiste polytechnicien français aura voulu vivre et faire vivre.

Nous sommes en 1855. Considerant se rend dans quelques villes françaises pour recruter les candidats à une vie nouvelle. Considerant est un disciple de Fourier, et son projet n’est rien moins que fonder une ville « ex nihilo » pour que chacun puisse rapidement jouir d’une vie plus égalitaire et plus paisible. Ainsi a-t-il acheté des terres dans le « nouveau monde », près d’une ville, Dallas, sans les avoir visitées, grâce à un intermédiaire, pour y bâtir une nouvelle ville qu’on nommera Réunion. Son projet séduit des Français qui parfois n’ont plus rien à perdre et des Suisses intéressés par l’idée d’une vie nouvelle. Ces candidats sont dotés d’un enthousiasme proportionnel au désarroi ou à la misère endurée jusque-là. Réunion, c’est pour eux un nouveau départ qui devrait laisser loin derrière eux jusqu’au souvenir des jours difficiles.

Des jours sans fin, Sebastian Barry

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Vendredi, 16 Novembre 2018. , dans La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Joelle Losfeld, Verdier

Des jours sans fin, janvier 2018, 259 pages, 22 € . Ecrivain(s): Sebastian Barry Edition: Joelle Losfeld

Honneur 2018 de la Cause Littéraire

Sebastian Barry est irlandais et, comme ses ancêtres irlandais, il va et nous emmène en Amérique. Pour y retrouver des Irlandais bien sûr, à commencer par les deux héros de ce roman, Thomas McNulty et John Cole, deux jeunes garçons, amoureux l’un de l’autre, qui cherchent ensemble un destin.

Si Thomas McNulty, le narrateur de ce roman, vous le résumait, il dirait sûrement qu’entre deux massacres d’Indiens et un carnage entre eux, les Blancs découvrent aussi que l’on peut aimer et être heureux. Sebastian Barry nous offre un livre d’amour au milieu des flots de sang du XIXème siècle américain, dans un page-turner passionnant. Par le contraste saisissant entre l’horreur et la possibilité du bonheur, il construit un roman superbe sur l’absurdité des hommes, leur aptitude à entreprendre les cauchemars et à être les premiers à en souffrir.

Le couple Thomas-John est en soi une métaphore de l’Amérique. Entre amour, tendresse, générosité et Guerres, violence, fureur. Pour tout vous dire, ils sont danseurs travestis en femmes dans les périodes où ils sont civils et soldats dans l’armée yankee le reste du temps ! Ce n’est pas commun.