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Etudes

Portrait rouge - A propos de Roger Munier, Vision

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 02 Juillet 2012. , dans Etudes, Les Dossiers, La Une CED

Vision, Roger Munier, Editions Arfuyen, 2012, 80 p. 8,50 €

 

Il n’est pas nécessaire [...] de regarder l’analyse comme un exercice en soi, long, fastidieux, détaillé, rationnel. Car l’analyse n’est pas forcément cette approche globale, cette saisie totale et absolue qu’elle se donne souvent pour but. L’analyse peut être courte, fulgurante, intuitive. Elle n’a pas besoin de porter sur l’ensemble d’une œuvre pour être déterminante. Elle peut s’accrocher immédiatement à un détail apparemment secondaire ; elle est parfois le fait d’une rencontre inspirée, surprenante.

Pierre Boulez

 

J’admire Vision, le dernier livre de Roger Munier, car son idée du vide me touche beaucoup. À cause de cette vie provinciale que je mène ici actuellement où un simple oiseau dans l’écho de la rue, ou le bruit régulier du réveil dans le silence ouaté de la maison, l’odeur de pêche mûre, signalent que quelque chose passe en soulignant que cela disparaît et fait place au vide, à l’éclipse.

Léon Tolstoï, les chemins de la misère

Ecrit par Nadia Agsous , le Jeudi, 31 Mai 2012. , dans Etudes, Les Dossiers, La Une CED

 

Les chemins de la misère, Léon Tolstoï, Editions de l’Herne, 2012, 63 pages, 9,50 €

 

Le 9 février 1909, le Comte Lev Nikolaïevitch Tolstoï écrivait dans son journal :

« Je viens de voir un misérable, un moujik, un ancien soldat, qui s’exprime avec des mots étrangers, inutiles, mais leur sens est le même : la haine à l’encontre des gouvernants, des riches, la jalousie et une façon de se justifier de tout. Un être épouvantable. Qui a fait cela ? Les révolutionnaires ou le gouvernement ? Les deux ».

A travers ce paragraphe, L. Tolstoï décrit un tableau qui s’inspire d’une réalité sociale qui sévit en Russie. C’est ainsi qu’il nous introduit d’emblée dans le thème central de cet essai totalement consacré au monde paysan vivant dans les villages à proximité de sa demeure située près de Toula. Par ailleurs, en centrant son propos sur les paysans et sur leurs conditions de vie extrêmement précaires, il nous informe du contexte politique russe des années 1908 et dévoile son positionnement à l’égard du gouvernement russe, d’une part. Et des révolutionnaires, d’autre part.

A propos de "La mort aux trousses" d'Hitchcock. Deux lectures

Ecrit par Yasmina Mahdi, Didier Ayres , le Mardi, 22 Mai 2012. , dans Etudes, Les Dossiers, La Une CED

1. Synopsis 1959

"La Mort aux trousses"d'Alfred Hitchcock par Yasmina MAHDI

 

Sous le titre français qui sonne comme celui d'un roman policier, on voit au générique le vrai nom anglais, "North by Northwest", enroulé comme un noeud de Moebius, c'est-à-dire une impasse, un nom qui ne veut rien dire. Un titre qui, comme le plan de la plongée vertigineuse du haut du toit de l'immeuble des Nations-Unies à New-York sur le bassin circulaire et le jardin qui s'arrondit en coin, le tout encadré et bloqué par les fenêtres cellulaires du gratte-ciel, se trouve sans issue. Comme un constat. Une vision aveugle. Un angle mort. Le film est célèbre car chacun s'est approprié la course-poursuite d'un homme traqué, se retrouvant seul attaqué par un avion. Détournement du sens ou anticipation de détournements d'avions ? Guerre froide derrière le saupoudrage d'informations, (nocif comme l'épandage), d'images de femmes et d'hommes élégants, impeccables, - sorte de gravure de mode des années 60 -, adeptes du modernisme, (et de l'individualisme), du bien-penser et du bien-manger, agents de la propagande d'un peuple sain d'Amérique ? Continent débarrassé de ses scories, espions venus de l'Est, trafiquants, usurpateurs politiques ?

L'étranger dans l'art (3)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Mercredi, 09 Mai 2012. , dans Etudes, Les Dossiers, La Une CED

 

Les nations européennes se vautrent dans l'opulence la plus ostentatoire. Cette opulence européenne est littéralement scandaleuse car elle a été bâtie sur le dos des esclaves, elle s'est nourrie du sang des esclaves, elle vient en droite ligne du sol et du sous-sol de ce monde sous-développé. Le bien-être et le progrès de l'Europe ont été bâtis avec la sueur et les cadavres des Nègres, des Arabes, des Indiens et des Jaunes. Cela nous décidons de ne plus l'oublier.

"Les Damnés de la Terre", Frantz Fanon

 

Deux dates cadrent étrangement: la mort de Matisse le 3 novembre 1954 et le début de l'insurrection algérienne le 1er novembre 1954. Les poncifs de la "grande nuit orientale", de ses "mystères impénétrables" sapent les traces de l'histoire et la violence de ses rencontres, d'"une nuit sans fin qui met à l'abri" [le sujet] "des réveils de l'histoire". (P. Vaudray) Les arts d'Afrique, d'Asie et d'Océanie, sont exposés dans différents musées, objets éparpillés, privés de leur sens initial, méconnaissables, fragmentaires. Ils survivent comme trophées vêtus de la domination occidentale.

L'étranger dans l'art (2)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Mardi, 24 Avril 2012. , dans Etudes, Les Dossiers, La Une CED

« … le père travaille péniblement ce sucre que le Négrillon boit dans la même tasse avec sa riante maîtresse… ces négrillons et négrillonnes, empanachés et parfumés, on les achète… les reçoit en cadeau… Gouverneurs, intendants, grands colons, armateurs en offrent à tous ceux à qui ils veulent témoigner leur gratitude… Ainsi, les épouses des princes, des ministres, bref des grands de ce monde accueillent-elles dans leurs hôtels ces offrandes tropicales, comme de simples particuliers rangent dans leurs placards des citrons confits, quelques formes de sucre et une barrique de grains de café… On aime à les peindre auprès de grandes dames dont ils font ressortir l’éclat et la blancheur… »

 

L.-S. Mercier

 

Pendant des siècles, l’on fut persuadé que le beau en art était synonyme de blancheur immaculée. Au nom d’un idéal de noblesse et de pureté, – mouvement instauré à la fin du 18ème siècle –, on refusa la polychromie, jugée triviale. La sensibilité romantique et la naissance du courant orientaliste marquèrent, certes, un pas nouveau vers une reconsidération de différents types humains, mais accompagné d’un pittoresque colonialiste.