– Quand et avec qui allez-vous au cinéma (seul, en couple, en famille, avec des amis…) ?
En matinée (souvenir inoubliable, enfant, de La Nuit du chasseur de Laughton) ou le soir. Plus souvent le soir. Seul ou en couple. Mais être au cinéma, dans ce noir chaud, accueillant, qui est (excitation et légère angoisse) comme le prélude d’une survenue, d’un accouchement miniature (l’accouchement d’une émotion), être au cinéma, c’est : ne jamais être seul, n’est-ce pas ? Puisque l’émotion que l’on éprouve est à la fois hautement singulière et universelle, étant partagée, du moins supposément, par toutes les personnes présentes. L’on est tous ensemble, toujours, et la solitude à laquelle nous convie la salle de cinéma, lorsque l’on y va seul, nous le fait confusément sentir, ressentir, à chaque instant, même quand cette constatation n’affleure pas, n’embrasse pas la conscience mais demeure nichée dans le profond inintelligible. Être au cinéma me fait toujours songer au sermon de John Donne mis en exergue par Hemingway dans Pour qui sonne le glas : « La mort de tout être humain me diminue, / Car je suis concerné par l’humanité tout entière ».