Identification

Critiques

La joie, Charles Pépin

Ecrit par Marjorie Rafécas-Poeydomenge , le Samedi, 11 Juillet 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Allary Editions

La joie, février 2015, 184 pages, 17,90 € . Ecrivain(s): Charles Pépin Edition: Allary Editions

Quand on se saisit d’un roman écrit par un philosophe, on redoute souvent que le récit soit trop « cerveau gauche » et analytique. Or à la lecture des premiers chapitres de La joie, cet apriori tombe et laisse place à de douces émotions. On sent vibrer le temps présent. La joie est là pour sublimer le quotidien, même le plus blafard des hôpitaux. La mère du personnage principal, Solaro, est mourante. Pourtant, cette triste nouvelle ne l’accable pas. Il continue à savourer son quotidien. Le bruit de la tasse sur le zinc d’un bar et la force de la caféine lui donnent envie de chanter. Il se « répète que c’est bon, c’est bon d’avoir un corps ».

Le début du livre est donc prometteur, on adhère tout de suite au concept de la joie du temps présent. Mais le scénario ressemble trop (de façon sûrement volontaire) à l’histoire de Meursault de L’Etranger de Camus. En effet, à la mort de sa mère, Solaro tue un homme sans raison particulière. Le reste du récit se passe au tribunal et en prison. Rien de révolutionnaire dans le scénario, mise à part la ferme intention de l’auteur de démontrer que la joie aide à surmonter l’adversité et même la mort. Ce petit clin d’œil à l’Etranger de Camus et au thème de l’absurde, n’est pas toujours joyeux et on frôle parfois la lassitude. Mais Charles Pépin tient son sujet jusqu’à bout et nous démontre à quel point, la joie, cette « force mystérieuse » est une excellente thérapie.

Poèmes du visage derrière la fenêtre, Louis Raoul

Ecrit par Marie-Josée Desvignes , le Samedi, 11 Juillet 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie

Poèmes du visage derrière la fenêtre, Ed. de la Crypte, coll. Les voix de la Crypte, 2014 . Ecrivain(s): Louis Raoul

 

Dans les Poèmes du visage derrière la fenêtre, de Louis Raoul, domine l’élément eau, eau du ciel et des pluies de printemps, eau mouvante, transformatrice, eau qui meurt/ avec le souvenir d’une pierre d’enfance/ ou d’une grenouille de Bashô. La fenêtre ou la vitre, motif récurrent dans chaque poème, comme autant de reflets dans l’eau de ce visage en attente, celui du poète qui contemple depuis l’autre côté de la vitre, au matin ou le soir, d’une saison l’autre, perdu dans la chanson de l’air, dans l’attente, la solitude des jardins :

D’ici

Je vous devine

Femme à venir

vous n’avez d’enfant

que la parole

je vous devine

cachée sous l’orage

Sentences et fragments, Epictète

Ecrit par Yannis Constantinidès , le Vendredi, 10 Juillet 2015. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Bassin méditerranéen

Epictète, Sentences et fragments, traduction, présentation et notes Olivier D’Jeranian, Manucius, 2014, 138 pages, 10 euros . Ecrivain(s): Epictète

 

On est d’emblée intrigué par la manchette quelque peu racoleuse de l’éditeur : « Épictète inédit ». Aurait-on miraculeusement retrouvé l’un des quatre livres disparus des Entretiens (Diatribes) du philosophe stoïcien de l’époque impériale, une des pertes irrémédiables de l’Antiquité ? Il s’agit en réalité de fragments de ces livres cités par d’autres auteurs ou de sentences qui lui sont attribuées, sans aucune garantie d’authenticité, le tout traduit à partir de la vieille édition de Schenkl (1894), libre de droits.

Si les Entretiens, et surtout le Manuel qu’en a tiré le bon Arrien – qui fut le Platon d’Épictète, ce dernier n’ayant rien écrit, suivant en cela l’exemple de Socrate – ont fait l’objet d’innombrables éditions, ces Sentences et fragments sont en effet inédits en français. Doit-on pour autant se réjouir immodérément, comme le traducteur, de cette « découverte d’un trésor que rien ne cachait vraiment à nos yeux » (avant-propos, p. 12) ? Cet enthousiasme compréhensible du prospecteur paraît toutefois quelque peu exagéré à la lecture de ces bribes pieusement recueillies par les habituels compilateurs des textes de l’Antiquité (Stobée, Aulu-Gelle, etc.). Les sentences sont pour la plupart assez plates (celle-ci, par exemple :

Le Puits, Iván Repila

Ecrit par Marc Ossorguine , le Vendredi, 10 Juillet 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Espagne, Denoël

Le Puits (El niño que robó el caballo de Atila) octobre 2014, traduit de l’espagnol par Margot Nguyen Béraud, 112 pages, 11 € . Ecrivain(s): Iván Repila Edition: Denoël

Avec cet Enfant qui vola le cheval d’Atila (titre original), Iván Repila nous propose un premier roman dont le moins que l’on puisse dire est qu’il est à la fois atypique, énigmatique et fort. Personnellement, sans doute l’un des livres les plus étranges et puissants qu’il m’ait été donné de lire depuis des années.

Deux frères se retrouvent prisonniers d’un puits, tout ce que l’on sait d’eux c’est qu’il y a le grand et le petit. Poussés dans le puits, dans un lieu où personne ne passe, il n’ont aucun moyen d’en sortir. La nourriture qu’ils ont avec eux, le grand se refuse d’y toucher car il doivent la rapporter à la maison, à leur mère. Cela ressemble bien à un conte, une version sombre et réaliste d’un conte que l’on aurait pu lire ou entendre il y a fort longtemps, que l’on a oublié et qui nous revient par bribes.

Le grand et le petit survivent dans le puits, jour après jour, se nourrissant de ce qu’il peuvent y trouver, de ce qui peut y tomber. En haut, quelques regards se penchent parfois vers eux, curieux mais impuissants. Regards de loups et peut-être d’hommes aussi, curieux mais certainement pas bienveillants. Les jours se succèdent et les deux frères survivent au delà de l’imaginable. Le grand se souciant de sa forme physique pour pouvoir, le moment venu, faire sortir le petit, le propulser hors du puits vers la lumière et la vie. En attendant, leur monde se réduit à quelques souvenirs du monde et surtout à un univers humide et sombre, impropre à la vie, mais où ils survivent malgré tout.

Che Guevara, Alain Foix

Ecrit par Stéphane Bret , le Vendredi, 10 Juillet 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Biographie, Folio (Gallimard), Histoire

Che Guevara, mai 2015, 368 pages, 9 € . Ecrivain(s): Alain Foix Edition: Folio (Gallimard)

 

Il est toujours malaisé d’évoquer la vie de l’une des nombreuses icônes du XXe siècle. Che Guevara, de son nom complet Ernesto Guevara de la Serna, en est une. Ses portraits figurent parmi les plus célèbres du monde et ce personnage a largement contribué à populariser la légende des guérilleros sud-américains. Dans le cours de sa vie, brève mais riche et remplie d’événements nombreux, des composantes semblent avoir joué un rôle décisif et influencé le cours de sa vie : son voyage en Amérique latine effectué avec son ami Alberto Granados en 1952. Ils découvrent sur une vieille motocyclette usagée la misère de ce continent, ses injustices, les terribles problèmes de santé auxquels le Che, médecin de formation, est très sensible. C’est une révélation, la mise en évidence de l’existence d’une injustice concrète, donnée, dont Ernesto avait pris connaissance, mais d’une manière théorique. C’est un voyage initiatique, mais aussi une réponse à ce qui va occuper sa vie entière : l’établissement d’une justice sociale, d’une espèce d’impératif catégorique révolutionnaire, qui va l’inciter à l’exemplarité, mais aussi parfois à la dureté et à l’exercice d’une impitoyable répression, notamment lorsqu’il doit fusiller, en plein maquis, des traîtres ou des révolutionnaires trop tièdes, ou les faire fusiller par ses compagnons d’armes pour que tout le monde ait les mains sales…