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Critiques

Deux ans, huit mois et vingt-huit nuits, Salman Rushdie (2nde critique)

Ecrit par Marc Michiels (Le Mot et la Chose) , le Vendredi, 07 Octobre 2016. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Actes Sud, La rentrée littéraire

Deux ans, huit mois et vingt-huit nuits, septembre 2016, trad. anglais Gérard Meudal, 320 pages, 23 € . Ecrivain(s): Salman Rushdie Edition: Actes Sud

« Elle vit l’aube approcher et discrètement elle se tut »,

Les Mille et Une Nuits

 

Dans son dernier roman paru aux éditions Actes Sud, Salman Rushdie règle ses « contes » en un rien de temps : « Raconter le passé, c’est aussi raconter le présent ». Un livre à mettre entre toutes les mains !

Deux ans, huit mois et vingt-huit nuits est un conte qui oppose la tradition du fantastique dans la littérature orientale à la tradition occidentale de l’irréalisme tout en interrogeant notre vie contemporaine à la lumière de l’histoire, de la mythologie ou d’une théogonie qu’en Occident nous ne connaissons que trop peu. Un livre sur la folie et la raison, sur la « normalité » ou sur les « étrangetés » qui, si les unes ou les autres prennent le dessus, conduisent les hommes à leur destruction, irrémédiablement. Seule l’acceptation des différences permet l’équilibre des contraintes et, en quelque sorte, l’absence de la déraison !

Les larmes, Pascal Quignard (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 06 Octobre 2016. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Grasset, La rentrée littéraire, Histoire

Les Larmes, septembre 2016, 215 p. 19 € . Ecrivain(s): Pascal Quignard Edition: Grasset

 

Le « roman » annoncé est à entendre au sens le plus ancien, une succession de contes ayant pour fil rouge deux personnages, deux frères, dont les prénoms sont étroitement enlacés en une anagramme : Nithard et Hartnid. Pascal Quignard, dont on sait la fascination pour les temps anciens – « Dernier Royaume » est une formidable suite de réflexions à la manière des Essais de Montaigne et se nourrit sans cesse de l’Antiquité – nous livre en cet opus un brillant collier de récits, contes, anecdotes, faits, qui nous plonge dans le Moyen Âge des Carolingiens.

La continuité avec « Dernier Royaume » est évidente. Quignard poursuit sa quête du sens de la vie des hommes et des femmes à travers ses narrations. Il construit un univers onirique et philosophique, dont chaque élément illustre une donnée éternelle de l’humanité. Tout ce livre en est tissé.

« La princesse Berehta répondit au comte d’Angilbert devenu père abbé de l’abbaye de Saint-Riquier :

C’était mieux avant, Emmanuel Darley

Ecrit par Marie du Crest , le Jeudi, 06 Octobre 2016. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Théâtre, Actes Sud/Papiers

C’était mieux avant, 56 pages, 7,70 € . Ecrivain(s): Emmanuel Darley Edition: Actes Sud/Papiers

 

 

« Vive la farce ! »

Deux familles. Les Jambon et les Champagne dont le patronyme annonce l’appartenance à deux classes sociales opposées. Emmanuel Darley organise selon une forme miroir une farce politique grotesque autour d’elles : un père et une mère, un fils (côté Champagne) et une fille (côté Jambon), les prénoms des personnages rajoutent encore à la prédestination de leur nom patronymique, une dimension caricaturale. Le couple des Champagne se vouvoie comme ont pu le faire les familles bourgeoises tandis que les Jambon s’abandonnent à la familiarité… Ainsi : Raoul, le père Jambon, Pierrette la mère, et Ginette la fille. La chienne Pépette les escorte dans l’écho même de son diminutif. Ernest Champagne marié à Anne-Sophie et père du délectable Charles-Antoine.

Pas de couteaux dans les cuisines de cette ville, Khaled Khalifa

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Mardi, 04 Octobre 2016. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Pays arabes, La rentrée littéraire, Sindbad, Actes Sud

Pas de couteaux dans les cuisines de cette ville (Lâ sakâkîna fi matâbikhi hâdhihi-l-madîna), septembre 2016, trad. arabe Rania Samara, 256 pages, 21,80 € Edition: Sindbad, Actes Sud

 

 

Je suis la péniche, parce que je suis le câble et le flotteur et que si je relâchais mon attention un seul instant, elle coulerait et serait entraînée par le courant…

Naguib Mahfouz, Dérives sur le Nil (1966/1989)

 

Les corniches avaient été neuves autrefois ; elles avaient brillé d’un éclat aussi vif que la honte qui les faisait bouder maintenant, ternies et méprisées de tous. Les fenêtres n’avaient pas toujours été aveuglées, les portes n’avaient pas toujours rappelé la méfiance et le silence d’une cité longtemps assiégée. (…) Autrefois, on y avait résidé, tandis que maintenant, on y était en prison.

James Baldwin, Un autre pays (1960/62)

IntranQu’îllités n°4 - Boîte noire des imaginaires, Revue littéraire et artistique

Ecrit par Marc Ossorguine , le Mardi, 04 Octobre 2016. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Revues, Zulma

IntranQu’îllités n°4, Passagers des vents, juin 2016, dirigée par James Noël, 280 pages, 25 € Edition: Zulma

Que voilà une belle et riche revue. Si vous ne la connaissiez pas (ce qui était notre cas avant de tourner les pages de ce quatrième numéro), sachez que son point d’ancrage, autant que d’encrage (entre encre et rage) est l’île d’Haïti, plus riche de poètes que bien d’autres coins du monde. Avec comme maître à bord James Noël – qui nous avait déjà offert il y a quelques mois une précieuse anthologie de la poésie haïtienne contemporaine – c’est à travers l’exploration tous azimuts du monde des îles que nous sommes emportés. Îles réelles ou imaginaires, politiques autant que poétiques, littéraires et fantasmées ou rêvées. Rêvées et révoltées, aussi. De tous pays, de toutes générations, leurs voix et leurs images nous plongent dans des mondes rapidement ignorés de nos habituelles cartes – géographiques, mentales ou de hasard.

Impossible d’énumérer toutes les escales proposées tant il y en a. Pour autant qu’il s’agisse d’escales. Peut-être autant de points inaccessibles sur les routes marines de tous les exils, là où les frontières se font si confuses que l’on s’y noie. Par milliers et dizaine de milliers parfois, entre les rives de l’indifférence et du fatalisme, du cynisme et de la charité impuissante (1). Ici, qu’importent les cartographies politiques, littéraires… qui lamentablement tracent leurs frontières entre les corps comme dans les têtes. Lamentablement mais hélas trop efficacement.