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Les Chroniques

Le théâtre est dans le pré (1) (par Marie du Crest)

Ecrit par Marie du Crest , le Mercredi, 02 Septembre 2020. , dans Les Chroniques, La Une CED


Le monde du théâtre, celui du spectacle vivant, a disparu soudainement de nos vies en mars dernier : les représentations ont été annulées, les salles ont été désertées, les festivals ont renoncé à l’été. Aujourd’hui encore, le théâtre vit une forme de quarantaine. Pourtant il faut recommencer à vivre, à jouer, à écouter.

Le Collectif Le Lieu-Dit, autour de Philippe Labaume (auteur, metteur en scène et codirecteur du théâtre du Verseau à Lyon), installé dans la campagne du Beaujolais vert, à Claveisolles, a décidé de réinventer le spectacle, loin de la ville, face à un paysage de collines boisées, de petites routes qui serpentent, créant en quelque sorte une saison estivale (en juillet-août) autour de formes diverses : lecture collective du public et de l’auteur Samuel Gallet ; adaptation ; cirque ; musique…

Aladin et Sindbad chez Libretto (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 01 Septembre 2020. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Le Roman d’Aladin, Phébus/Libretto, 2002, trad. arabe, René R. Khawam, 222 pages, 8,70 €

Les Aventures de Sindbad le Marin, Phébus/Libretto, 2001, trad. arabe, René R. Khawam, 256 pages, 9,50 €

 

Nous avons été dupés, dans notre grande majorité, et nous dupons de même nos enfants et nos petits-enfants. Cette duperie a pris et prend pourtant place à un moment de grande intimité, de grande confiance, celui de l’histoire avant d’aller au dodo. Que de versions avons-nous subies et faisons-nous subir, d’autant que l’industrie éditoriale s’en est mêlée (ah ! l’invention de la littérature enfantine !…) après que Walt Disney a déjà fait des ravages, de contes édulcorés, remaniés, arrangés à une sauce censément destinée à plaire aux enfants du XXIe siècle. Notre seule excuse est que ce n’est pas nous qui avons commencé, Perrault l’emperruqué poudré avait déjà commis quelques remaniements à destination de la Cour de Louis XIV, car il fallait plaire, et lorsqu’on veut plaire, on ment.

Le Mythe de l’État, Ernst Cassirer (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 31 Août 2020. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Gallimard

Le Mythe de l’État, Ernst Cassirer, Gallimard, Coll. Tel n°428, février 2020, trad. anglais (USA) Bertrand Vergely, 406 pages, 13,90 €

 

Le Mythe de l’État fait partie de ces livres qui portent pour ainsi dire inscrites sur le front les circonstances particulières de leur rédaction, ne serait-ce que par la langue dans laquelle ils ont été composés. Né en 1874, Ernst Cassirer était issu d’une famille d’industriels juifs aussi assimilés à l’Allemagne qu’il est possible de l’être. Éditeur de Kant et de Goethe, il incarnait les valeurs et les traditions de l’université allemande, jusque dans leurs aspects quelque peu ridicules, à nos yeux en tout cas, en matière de decorum. Cassirer croyait à la permanence de ces valeurs, de ces traditions, d’un ordre de l’esprit et, comme tous ceux qui croient à ce genre de choses, il se trompait. Après 1933, il s’exila au Royaume-Uni, en Suède, puis aux États-Unis. Il était né sous Bismarck, alors que le cheval était le seul moyen de transport terrestre alternatif à la marche. Il mourra pendant l’effondrement du IIIe Reich, alors que d’autres exilés allemands fignolaient les bombes atomiques qui seront lâchées par avion sur le Japon. Cela dit assez l’ampleur des bouleversements qu’il vécut. Le Mythe de l’État fut rédigé en anglais, la langue de l’exil.

Les douze tribus d’Hattie, Ayana Mathis (par Sandrine Ferron-Veillard)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Vendredi, 28 Août 2020. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Les douze tribus d’Hattie (The twelve tribes of Hattie, 2012), Gallmeister, 2017, trad. anglais (USA), François Happe, 321 pages, 9,80 € . Ecrivain(s): Ayana Mathis

 

Cet été, je serai parisienne. Un titre ou une intention. J’ai décrété que je devais écrire. Connaître mes voisins. Décrire mes voisins, partager avec eux davantage, organiser même une rencontre, pour ceux qui restent, désirer mieux les comprendre tel l’avocat qui chercherait des circonstances pour. Et puis non ! j’ai craqué. Sans doute à cause de l’absence d’épaisseur entre nous.

J’ai balancé toutes ces louables intentions dès le lendemain matin, affirmant haut et fort que je n’avais aucun désir de les côtoyer. Car assurément la vie en collectivité n’était pas leur principale motivation, valeur ou vertu, il faudra que je réfléchisse davantage au mot approprié. Encore un mode d’emploi oublié du plus grand nombre !

J’ai failli te manquer, Lorraine Fouchet (par Pierrette Epsztein)

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Vendredi, 28 Août 2020. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

J’ai failli te manquer, Lorraine Fouchet, Héloïse d’Ormesson, juin 2020, 368 pages, 20 €

 

Dans un récit précédent, Lorraine Fouchet se concentrait sur la figure du père. Dans J’ai failli te manquer, elle adopte la forme du roman pour exorciser les démons qui ont envenimé ses relations compliquées avec sa mère. Après la mort de celle-ci, l’auteur réussit cette prouesse de transmuer les conflits persistants qui ont jalonné leurs rapports, en un récit réjouissant et pouvoir enfin respirer et exister par et pour elle-même à travers l’écriture qui devient son lieu d’accueil. Pour cela, l’auteur en tisserande des mots va broder une tapisserie dont on verra les deux faces : l’endroit, celle bien lissée, bien ordonnée, offerte au regard, et l’envers, celle bien cachée, qui laisse transparaître tout ce qu’on veut cacher : les nœuds, les défauts, les méprises, les ratés.

Lorraine Fouchet réussit à élaborer une stratégie d’écriture tout à fait originale et très habile. Le roman est structuré autour de trois voix : celle de la mère, le personnage central ; celle de la fille, qui devient une caisse de résonnance ; le troisième moteur de cette saga est le mari, mais aussi le père, une figure fantôme omniprésente, qu’il est impossible d’effacer car il sert de tampon et de médiateur entre les deux personnages féminins.