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Récits

Une Anglaise à Paris, Nancy Mitford

Ecrit par Marjorie Rafécas-Poeydomenge , le Samedi, 14 Mai 2016. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Payot

Une Anglaise à Paris, 2008 (trad. française Jean-Noël Liaut) et 2010 (version poche), 153 pages, 6,60 € . Ecrivain(s): Nancy Mitford Edition: Payot

 

Dans Une Anglaise à Paris, Nancy Mitford, écrivain et femme du monde anglaise née en 1903, nous offre un voyage inédit dans le temps pour découvrir le Paris d’après-guerre, à travers ses chroniques écrites entre 1948 et 1968. Il est toujours enrichissant d’observer son pays à travers le regard d’un étranger pour apprendre à mieux se connaître, surtout lorsque ce regard est coloré d’humour anglais.

Si comme dans les années 50, les bouquinistes assurent encore une présence rassurante sur les quais de Seine, on ne peut désormais plus surprendre un vitrier qui parcourt Paris avec une lourde vitre sur le dos ou encore mieux, un troupeau de chèvres que l’on trait sur le trottoir. Heureusement les intérieurs des taxis ont changé « depuis la bataille de Marne » (surtout depuis qu’Uber est arrivé). Et nous n’entendons plus les voix assassines des téléphonistes qui disent « Allô ! J’écoute… ». A cette époque, les plus prometteurs des écrivains étaient Mme Colette et Mr Cocteau. Picasso était le peintre incontournable et on allait se distraire dans les pièces de théâtre de Mr Guitry.

Deux oeuvres d'André Velter

Ecrit par Philippe Chauché , le Samedi, 07 Mai 2016. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard, Voyages

. Ecrivain(s): André Velter Edition: Gallimard

 

« Et notre chant invente ses raisons chimériques, ses emprunts cadencés, ses combats volontaires. Etre plus que soi en tout lieu, à toute heure, à toute force, chevalier qui a pris d’assaut ses rêves et n’a pas renoncé… » (Loin de nos bases).

« Du sable, du sel, de l’eau et du vent : désert qui mène à l’océan comme si deux horizons étaient venus se fondre sur une ligne d’écume. Rien que ce rien qui hisse la grand-voile et dispense de tout », Île de Sal, 7 janvier 1998 (Le jeu du monde).

L’écrivain voyage, le poète écrit, marche, chevauche, danse entre les collines et les fleuves. Double regard, double vision, l’une sur les traces de Saint-John Perse, chant, cante jondo, l’autre d’un bout à l’autre du monde, glissant ses mots au fil du territoire. 52 cartes pour se souvenir, pour écrire ce souvenir, cette présence. Où sommes-nous ? A Pékin – mémoire prise au débotté –, à Lisbonne – spleen de soleil perdu dans les embruns – ou encore à Amsterdam – le ciel occupe presque tout l’espace –, à Séville – pour donner des ailes à la vie et mettre un soleil dans le sang –, mais aussi à Amman – je cherche en vain un seul grain de la poussière levée jadis par Lawrence d’Arabie –, c’est ainsi que se questionne le monde et que s’écrivent les jours de l’écrivain voyageur, et il y a toujours une carte postale pour en témoigner.

Le corps de ma mère, Fawzia Zouari

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Vendredi, 06 Mai 2016. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Maghreb, Joelle Losfeld

Le corps de ma mère, mars 2016, 232 pages, 20 € . Ecrivain(s): Fawzia Zouari Edition: Joelle Losfeld

 

Au mois de janvier 2011, alors que la Révolution de Jasmin, ou Révolution de la Dignité, vient d’éclater en Tunisie, Fawzia Zouari revêt la mélia (costume traditionnel) de sa mère, et à son mari qui lui dit en parlant de cette dernière : « Il te faut donc une révolution pour te sentir autorisée à écrire sur elle », elle s’entend répondre : « Maintenant, je comprends. Ce sont les mots qu’elle m’a laissés en héritage, à son corps défendant ».

Nous revenons alors au printemps 2007, où sa mère se meurt dans un hôpital de Tunis. Nue, parce que dans la tradition berbère une femme est nue lorsque ses cheveux sont découverts, aveugle, elle est entourée de sa famille au sens le plus large du terme, jusqu’aux bédouins du Nord et du Sud qui sont venus lui dire un dernier adieu et se perdent dans les couloirs de l’hôpital. Mais parmi tous ces gens, il n’y a personne pour lui « raconter » sa mère. Encore moins les hommes à propos desquels sa mère disait : « Á défaut d’hériter de nos secrets, les hommes héritent de notre mort, puisqu’il leur revient de marcher seuls derrière notre cercueil ».

Monsieur Léon, juif russe, Daniel Chambon

Ecrit par Gilles Brancati , le Jeudi, 05 Mai 2016. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Monsieur Léon, juif russe, Les Éditions de Paris, avril 2014, 185 pages, 16 € . Ecrivain(s): Daniel Chambon

Les Russes ont cette coutume : ils vont pique-niquer sur la tombe de leurs défunts pour entamer avec eux un dialogue. C’est ainsi que commence ce récit. L’auteur vient chercher auprès de son grand-père décédé, l’histoire de sa famille. Et Evsei-Leib Doubrovsky ne se fait pas prier pour raconter sa vie et celle de ceux qui l’ont entouré, parents, enfants, oncles, tantes, cousins…

Les juifs, en Russie, sont cantonnés dans une zone dite « zone de résidence », leurs droits sont restreints et ils sont victimes de pogroms. Comme toujours ils sont les victimes expiatoires d’une humanité sans repères dès que quelque chose va mal. Evsei-Leib, jeune homme, s’enfuit pour la France, pays d’accueil, où il sait qu’il sera accueilli par ceux qui l’ont précédé. Pour affirmer sa volonté de s’intégrer, il prend le prénom de Léon et s’engage dès le début de la Grande Guerre. Elle ne voudra pas de lui à cause de sa santé précaire et le réformera.

Il travaille comme tailleur, comme tous les autres parce que le métier s’apprend de père en fils et que tant d’autres voies leur sont interdites. C’est l’époque du sur-mesure et la naissance du prêt-à-porter. Après le décès de Rachel, sa première épouse dont il a eu un fils, Jean-Charles, la Belle Jardinière, en avance sur son époque, lui confie du travail et l’envoie à Stamboul où il rencontre Anna qu’il épouse et donnera naissance à un garçon et deux filles.

Cadavres en sursis, Philip Mechanicus

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Lundi, 02 Mai 2016. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Histoire

Cadavres en sursis, éd. Notes de Nuit, avril 2016, trad. néerlandais Daniel Cunin, 300 pages, 21 € . Ecrivain(s): Philip Mechanicus

 

Entre journal intime et mémoire collective, Cadavres en sursis restera une œuvre capitale sur les camps de la mort. Refusant une attitude passive face à la vie, l’auteur lutta jusqu’au bout, porté et emporté par elle en refusant l’issue qui était pourtant inéluctable. Il fit de la mort des autres en prélude à la sienne le moyen de témoigner en pleine connaissance d’un processus tragique dont il montra tout ce qu’il avait de répugnant. Et c’est un euphémisme.

A l’origine le camp de Westerbork était sensé héberger des réfugiés juifs allemands. Après l’invasion de la Hollande par les Nazis, le camp passa sous leur administration. Dès ce moment il devint le corridor (à diverses strates) pour « transvaser » (écrit Mechanicus) les juifs hollandais de leur pays d’origine vers camps de Pologne. Sous couvert officiel d’« émigration », les juifs furent donc portés de toute la Hollande via Westerbork vers le massacre de masse jusqu’à la fin de 1944.