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Recensions

Savannah dream, Cécilia Dutter

Ecrit par Laurent Bettoni , le Mardi, 12 Février 2013. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Roman, Albin Michel

Savannah Dream, 2013, 216 pages, 16 € . Ecrivain(s): Cécilia Dutter Edition: Albin Michel

 

Cécilia Dutter vient de recevoir le prix Oulmont de la Fondation de France pour son précédent roman, Lame de fond (paru chez Albin Michel) et elle nous propose déjà son dernier opus, Savannah Dream, chez le même éditeur. Quelle santé ! Quel rythme ! Et de rythme, justement, le récit n’en manque pas.

À travers cette histoire d’adultère qui se joue dans le Vieux Sud des États-Unis, là où la moiteur des corps rivalise avec celle du climat, l’auteur convoque ses thèmes chéris, jusqu’alors traités séparément dans sa bibliographie : l’amour, le désir, la philosophie, la spiritualité. Tout cela peut-il faire bon ménage ? Sous l’orchestration magistrale de Dutter, oui. Et sans provoquer ni le moindre ennui, ni le moindre mal de tête, ni le moindre alourdissement de paupières. Pour quelle raison ? Parce que l’écriture et la construction narrative nous tiennent en haleine du début à la fin. Fin que l’on aurait souhaité – la chose est assez rare pour être signalée – voir arriver plus tard. Savannah Dream se dévore donc avec la même gourmandise que l’un de ces biscuits chocolatés et longilignes qui nous font dire : « Vous pourriez pas les faire un peu plus longs ? »

Les riches heures, Claire Gallen

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Samedi, 09 Février 2013. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Roman, La Brune (Le Rouergue)

Les riches heures, janvier 2013, 192 p. 18 € . Ecrivain(s): Claire Gallen Edition: La Brune (Le Rouergue)

 

Un jeune couple qui a connu et profité des riches heures de la spéculation immobilière, des placements juteux à défaut d’être parfaitement légaux, se retrouve, crise financière oblige, ruiné, menacé par la justice, contraint d’abandonner un train de vie dispendieux pour affronter des fins de mois précaires et de claquer leurs dernières économies dans des vacances au Lavandou.

Leur union peut-elle résister, quand les sentiments qu’ils éprouvent l’un pour l’autre reposent, et ce, dès l’origine, sur des valeurs artificielles et des faux-semblants, quand leurs origines sociales, leurs goûts et centres d’intérêt profonds ont toujours été discordants, mais en apparence soudés par la fascination de l’argent facile ?

Passer de la frime à la réalité, du mensonge à la sincérité, peut coûter cher sur tous les plans. L’orgueil, l’image de soi – ils vont en faire la cruelle expérience – n’en sortent pas indemnes.

« Vider l’appartement n’a pas suffi. Il a fallu demander un geste aux parents d’Anna. J’en vomissais, mais c’était ça ou les huissiers […] ils nous ont remis une enveloppe pleine de billets […] Ils rachetaient leur fille. J’en crevais de honte ».

Il était une rivière, Bonnie Jo Campbell

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 07 Février 2013. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, USA, Roman, Jean-Claude Lattès

Il était une rivière (Once upon a river), Trad (USA) Elisabeth Peellaert, janvier 2013. 394 p. 22 € . Ecrivain(s): Bonnie Jo Campbell Edition: Jean-Claude Lattès

 

Si Margo ne parsemait pas sa route d’aventures érotico-sentimentales, on pourrait dire de ce livre qu’il nous replonge dans un style, un univers, un genre littéraire que beaucoup d’entre nous ont dû connaître et aimer dans leur adolescence. On regarde du côté de « Jody et le faon » de Marjorie Kinnan Rawlings, ou encore de Tom Sawyer de Mark Twain. Tous les ingrédients y sont. A commencer par le titre du livre qui emprunte la fameuse formule des contes pour enfants : Once upon … Il était une fois.

La rivière bien sûr et d’abord. Il s’agit de la Stark, affluent de la Kalamazoo qui se jette dans le lac Michigan. La géographie déjà nous mène dans les contrées célèbres de la littérature (Hi Jim Harrison !). Elle est présente tout au long de ce roman, lieu pullulant de vie au rythme des saisons. Margo, l’héroïne, va la parcourir sans cesse, chassant, pêchant, cherchant sa mère qui l’a quittée quelques années plus tôt, la laissant seule avec son père qui vient d’être tué lors d’une altercation entre voisins. La rivière, comme chemin initiatique et lieu de toutes les magies naturelles.

D’emblée, le décor est planté, fascinant, écrin qui a porté tant d’œuvres et d’auteurs en Amérique :

Le coeur de l'homme, Jón Kalman Stefansson

Ecrit par Yann Suty , le Mardi, 05 Février 2013. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Pays nordiques, Roman, Gallimard

Le cœur de l’homme (Hjarta Mannsins), trad. de l’islandais Eric Boury, 2013, 452 p. 22,90 € . Ecrivain(s): Jon Kalman Stefansson Edition: Gallimard

 

« Où résident le bonheur et la plénitude, si ce n’est dans les livres, la poésie et la connaissance ? »

Après le magnifique Entre ciel et terre, prolongé par La Tristesse des anges, qui était déjà un ton en-dessous, Jón Kalman Stefánsson conclut sa trilogie avec Le cœur de l’homme. Disons-le tout de suite : c’est l’épisode le plus faible.

L’intrigue de ce troisième opus commence là où celle du deuxième se terminait. Jens le postier et le gamin ont manqué de ne pas sortir vivants de la tempête de neige qu’ils ont bravée. Ils ont été recueillis par le médecin d’un village. Le gamin se réveille avec l’impression de revenir soudain à la vie. Il n’est d’ailleurs pas certain d’être toujours vivant.

« As-tu décidé si tu voulais vivre ou mourir ? s’enquiert cette femme ou plutôt cette jeune fille. Elle est rousse, les cheveux des défunts sont roux. Je ne sais, répond-il, je ne suis pas sûr de connaître la différence, et je ne suis pas non plus sûr qu’elle soit si grande ».

L’hiver cède bientôt la place au printemps et à l’été. La nature devient moins hostile. On ne risque pas la mort en sortant de chez soi.

La nuit du loup, Javier Tomeo

Ecrit par Cathy Garcia , le Mardi, 05 Février 2013. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Roman, Espagne, Christian Bourgois

La nuit du loup, Janvier 2013, traduit de l’espagnol par Denise Laroutis, 150 p. 15 € . Ecrivain(s): Javier Tomeo Edition: Christian Bourgois

 

Voici une bien drôle d’histoire, serait-on tenté de dire. Dans une ambiance inquiétante qui frôle le fantastique, Javier Tomeo nous fait assister tout au long de La nuit du loup à une longue et étrange discussion. Cela se passe une nuit de 30 novembre, une date qui n’est pas anodine, cependant le sujet n’est pas là. Le sujet, ce sont deux hommes partis faire un petit tour après le repas, et qui tous deux, à une cinquante de mètres de distance l’un de l’autre, se foulent malencontreusement la cheville. Les voilà donc immobilisés là, dans la lande déserte. Tout proches, et cependant hors de vue, à cause d’un virage qui sépare Macarío, le premier, réfugié sous un abribus, d’Ismael, le deuxième, assis plus loin au bord de la route. Macarío vit à cinq cents mètres à peine de là, c’est un retraité solitaire, poète lyrique et un peu bizarre. Ismael, qui s’est foulé la cheville quelque temps après Macarío, est un assureur qui devait passer une nuit à l’hôtel du village, après avoir vendu quelques assurances-vie à des villageois faciles à convaincre. Un homme qui ne fait rien de plus que son métier, en somme, un citadin, marié, dont la seule bizarrerie serait d’aimer les films de vampires et de loups-garous, ce qui ne peut que nourrir l’imagination un peu plus qu’il ne le faudrait dans une telle situation.