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Le gardien de Téhéran, Stéphanie Perez (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux 16.05.23 dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Roman, Plon

Le gardien de Téhéran, Stéphanie Perez, éd. PLON, mars 2023, 235 pages, 20 €

Edition: Plon

Le gardien de Téhéran, Stéphanie Perez (par Patrick Devaux)

 

En 1967 les rues de Téhéran sont en liesse. Reza Pahlavi se fait empereur en intronisant par la même occasion l’impératrice Farah. Le peuple, lui, souffre et les opposants du régime sont traqués par la Savak. L’impératrice Farah inaugure, en grandes pompes, le Musée de Téhéran où seront exposées les toiles de plusieurs impressionnistes et des peintres modernes, tel Warhol, Pollock, etc.

Cyrus est engagé comme chauffeur pour véhiculer les œuvres. Cyrus se pose en observateur d’un monde qui change tandis que son amie Azadeh, opposante au régime, est arrêtée : « L’Iranien moyen n’a jamais assisté à un tel show dans le pays, la collision entre les deux mondes est brutale. Les souverains ne sont-ils pas déconnectés de la réalité ? Il se demande si tout ne va pas trop vite, si cet Ouest inaccessible n’est pas une vision caricaturale qu’on leur jette à la figure sans ménagement ».

L’auteure fera d’habiles raccourcis entre l’Art et la révolution qui éclate : « Le chemin tortueux de ses pensées le conduit vers la toile de Pollock et la fureur de ses taches colorées. La puissance de cette colère serait-elle en réalité celle de son peuple qui ne demande qu’à éclater ? Les couleurs en furie sont-elles prêtes à s’échapper de leur cadre étriqué ? ».

Malgré les deux ans de prison encourus par son amie Azadeh, la maïeutique de l’Art va exercer sur le jeune chauffeur une fascination qui ne se démentira plus lorsque viendra la révolution et le régime de Khomeiny avec toutes ses outrances. Progressivement, Cyrus se retrouvera seul à veiller sur les toiles qu’il enferme dans une cave en cachant les œuvres qui pourraient être détruites par le nouveau régime autoritaire. Après la prise en mains du musée par les ayatollahs, Cyrus fait mine de rentrer dans le rang en manipulant les miliciens du régime prêts à détruire les œuvres « litigieuses ». Les miliciens peu avertis de la valeur des œuvres les comparent à des dessins d’enfant. Ensuite les directeurs de musées, proches du régime, vont se succéder jusqu’à ce qu’intervienne un Japonais désirant acquérir Nature morte à l’estampe japonaise, de Gauguin, révélant ainsi indirectement la valeur des œuvres. Cyrus convainc alors les autorités de préserver les toiles pour leur valeur marchande.

Outre qu’elle donne pratiquement un genre de cours sur l’Histoire de l’Art de haut vol, l’auteure fait la part belle à la lutte toujours en cours, à travers la personne d’Azadeh, pour libérer la société de l’oppression. Cette dernière ne croit ni en Marx ni en Mahomet et, munie d’un appareil photo offert par son ami Cyrus, témoigne tandis que lui craint pour sa vie : « Il tremblait pourtant de peur, quand elle partait en cachette prendre ses photos interdites. Mais pour ranimer la flamme dans ses yeux perdus, il a vite compris. En lui offrant cet appareil, il allait lui redonner la vie ».

Hélas, la tragédie, malgré l’Art, se fera jour tandis qu’avec Cyrus et sans doute bien d’autres Iraniens et Iraniennes, l’espoir reste de mise avec ces vers d’Hafez, poète mythique du XIVème siècle, prônant la tolérance : « Et je me suis écrié : “ô Fortune, le soleil est levé et tu dors encore !” Et la Fortune m’a répondu : “Malgré tout, ne désespère pas !” ».

 

Patrick Devaux

 

Stéphanie Perez, Grand reporter à France Télévisions pour les journaux de France 2 et France 3. Concentrée actuellement sur l’actualité en Ukraine et en Iran. Employeur : France Télévisions. Le gardien de Téhéran est son premier roman.

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A propos du rédacteur

Patrick Devaux

 

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Patrick Devaux est né en Belgique sur la frontière avec la France, habite Rixensart, auteur d’une trentaine d’ouvrages auprès d’éditeurs divers en poésie, quelques prix d’édition, 3 romans parus dont 2 aux éditions Les Carnets du Dessert de Lune; 2 recueils de poésie récents (2016 et 2017) parus aux éditions Le Coudrier ; membre de l’AEB (association des écrivains Belges) et de l’AREAW (association royale des écrivains et artistes de Wallonie), il a aussi de nombreux contacts en France ; il anime une rubrique « mes lectures » sur le site de la revue Vocatif www.moniqueannemarta.fr de Nice depuis 2013 et fréquente de près ou de loin les écrivains du groupe de l’Ecritoire d’Estieugues de Cours la Ville  et de l’association LITTERALES de Brest ; publie aussi dans diverses revues de poésie. Fréquente aussi les réseaux sociaux, faisant ainsi connaitre la poésie d’auteurs moins connus ou disparus.