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Les nombres, Viktor Pelevine

Ecrit par Cathy Garcia , le Mardi, 09 Décembre 2014. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Russie, Roman, Alma Editeur

Les nombres, traduit du russe par Galia Ackerman et Pierre Lorrain septembre 2014, 380 pages, 19 € . Ecrivain(s): Viktor Pelevine Edition: Alma Editeur

 

Qu’arrive-t-il à un homme quand il soumet sa vie et son destin tout entier au pouvoir d’un nombre ? C’est ce que fait Stopia, alias Pikachu pour les intimes, antihéros de ce roman amoral qui est avant tout une impitoyable satyre d’une ex-URSS décadente et libérale, qui n’a cependant pas lâché les bonnes vieilles méthodes de l’époque KGB.

« Je me demande bien Tchoubaïka, pourquoi on traite la bourgeoisie libérale de libérale. Elle est porteuse d’une idéologie totalitaire extrême. Si on l’y regarde de près, tout son libéralisme se réduit à la permission donnée aux travailleurs de s’enculer à volonté pendant leurs heures de repos » et Tchoubaïka répondait : « Excusez-moi Zouzia, mais c’est un grand pas en avant si on compare avec le régime qui percevait même cette activité comme sa prérogative ».

Ainsi, après quelques tâtonnements, c’est au numéro 34 que Stopia va confier la totalité de sa vie, de ses choix, décisions et orientations, privés ou professionnels, et le 43 deviendra donc par conséquent l’anti-nombre, le nombre d’entre tous dont il faudra le plus se méfier.

Ubu roi, Nicole Caligaris

Ecrit par Marc Michiels (Le Mot et la Chose) , le Lundi, 08 Décembre 2014. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Belfond

Ubu roi, septembre 2014, 208 pages, 17 € (existe aussi en ebook, 11,99 €) . Ecrivain(s): Nicole Caligaris Edition: Belfond

 

Avant d’évoquer le roman Ubu roi de Nicole Caligaris, il est nécessaire de revenir sur la singularité de la collection Remake aux éditions Belfond. Le remake est une « pratique » classique au cinéma, cette collection aurait également pu s’appeler Palimpseste, mais non…

N’y aurait-il alors pas de nom pour définir ce concept pour les écrivains ? Ces écritures ne seraient-elles qu’une « vision », une version pâlotte de l’original ? Mais non !

La collection est dirigée par Stéphane Bou et comporte à ce jour les ouvrages suivants : Le retour de Bouvard et Pécuchet de Frédéric Berthet et Le Bonhomme Pons de Bertrand Leclair. Il faut saluer et défendre sans relâche cette démarche, cette pensée du multiple, de la transmission et de l’imagination portée par des auteurs inventifs qui ont su trouver par le reflet d’une tonalité discordante, miroir lumineux des interprétations, une réalité intérieure des corpuscules de la pensée :

Kif, Laurent Chalumeau

Ecrit par Patryck Froissart , le Samedi, 06 Décembre 2014. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Grasset

Kif, octobre 2014, 457 pages, 22 € . Ecrivain(s): Laurent Chalumeau Edition: Grasset

 

Certains parleront, après avoir lu ce roman, de langue littéraire évoluée, ou pour le moins évolutive. D’autres y verront d’intolérables, de scandaleuses atteintes à la « belle » langue française.

Kif n’échappera ni à l’une ni à l’autre de ces critiques.

Mais le lecteur qui ouvre un livre avec l’espoir d’y vivre quelques heures de pur plaisir aimera l’audace linguistique de l’auteur et la contextualisation réaliste que le langage utilisé procure à l’histoire.

L’histoire, c’est celle de petits malfaiteurs dont la nullité opératoire n’a d’égale que leur absence de scrupules et la médiocrité de leurs ambitions délictuelles. On croit revoir Les Pieds Nickelés. On a des réminiscences de San Antonio. On est dans le registre de la cinématographie du genre « Faut pas prendre les oiseaux du bon Dieu pour des canards sauvages ». Bref, on se marre.

Alaska, Melinda Moustakis

Ecrit par Marc Ossorguine , le Samedi, 06 Décembre 2014. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, USA, Récits, Gallmeister

Alaska (Bear Down Bear North), octobre 2014, traduit de l’américain par Laura Derajinski, 216 pages, 22,50 € . Ecrivain(s): Melinda Moustakis Edition: Gallmeister

 

L’Alaska est pour nous une terre bien lointaine, un pays méconnu, surtout habité par la neige et quelques ours. Nous imaginons aussi qu’il y traîne quelques prospecteurs. Le pays que nous fait découvrir Melinda Moustakis avec ce recueil de nouvelles est bien un pays où les choses peuvent devenir des expériences limites, extrêmes. Entre les jours et les nuits interminables, le froid et les rivières puissantes comme les saumons qui les peuplent, les forêts immenses où vivent et meurent les élans et où se perdent les chiens, les humains doivent batailler pour vivre, survivre et tout simplement trouver leur place.

L’Alaska dans laquelle l’auteur nous entraîne n’est pas vraiment celle que l’on propose aux touristes, pas plus que celle de ceux qui viennent y travailler pour en repartir dès que possible. Hors de la grande ville, Anchorage, nous côtoyons ceux qui toujours ont vécu là, qui toujours continueront d’y vivre. Ici, la vie se réduit souvent à l’essentiel et on n’y a rarement le temps d’y faire de la littérature, même si entre cuites et bagarres, entre pêche et poisse, il y a aussi place aux récits que l’on ressasse au fur et à mesure que s’égrènent les vies.

Au nom des Indiens, Une histoire de l’évangélisation en Amérique espagnole, Bernard Lavallé

Ecrit par Vincent Robin , le Samedi, 06 Décembre 2014. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Histoire, Payot

Au nom des Indiens, Une histoire de l’évangélisation en Amérique espagnole, octobre 2014, 432 pages, 29 € . Ecrivain(s): Bernard Lavallé Edition: Payot

 

Les relations historiques réservent quelquefois des présentations qui défient une logique très conventionnelle. Certains usages sémantiques qualifiant des situations globales procurent également ce sentiment. Ainsi, pour la vieille Espagne du Moyen Âge finissant, et par un étrange concours d’appellations, la Reconquête précéda-t-elle assurément la Conquête. Manière en quoi le Musulman almohade y perdit d’ailleurs aussi son latin. Charles Quint, un souverain qui, par comble, ne parlait pas un traitre mot de la langue de ses sujets, deviendrait ensuite et pourtant le premier monarque fédérant les Espagnols sous sa couronne. Egalement, désignerait-on sans tarder par « Indes » le continent américain. Colomb, un Génois alors plutôt italien, serait à cette occasion le tout premier conquérant ibérique, et sa nouvelle route des épices serait autrement celle de l’or. Si l’on considère cette fois le cas d’Eglise durant ces mêmes chroniques, tout aussi renversé pourrait se voir un certain agencement des choses et, pour ainsi dire même, l’ordre des ordres.