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Essais

La grandeur Saint-Simon, Jean-Michel Delacomptée (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Dimanche, 05 Février 2012. , dans Essais, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Biographie, Gallimard

La Grandeur, Saint-Simon. Gallimard (L’un et l’autre). Novembre 2011. 222 p. 19 € . Ecrivain(s): Jean-Michel Delacomptée Edition: Gallimard

 

C’est un chemin étroit et rare qui est emprunté par ce livre, et de façon plus générale, par cette collection « L’un et l’autre » de Gallimard. Disons d’abord ce que cela n’est pas : ce n’est pas une biographie. Le titre de ce livre particulier aurait pu le laisser entendre. Une biographie de Saint-Simon. Ce n’est pas non plus une œuvre de fiction. Et n’étant ni l’un ni l’autre, on retrouve le nom de la collection : c’est « l’un et l’autre ».

A la fois mises en situation fictionnelles, dialogues fictionnels, événements mineurs fictionnels et pourtant tout ce récit des années « Mémoires » de Saint-Simon s’appuie sur une solide et rigoureuse connaissance biographique de l’homme Saint-Simon et de l’œuvre saint-simonienne.

On y retrouve avec délectation l’observateur génial des mœurs de la cour et des courtisans du temps de Louis XIV et Louis XV. Le moraliste intransigeant et militant qui, à sa manière, dénonce déjà les travers d’une monarchie qu’il voit avec préscience en train de scier la branche sur laquelle elle est assise.

Les Centuries, Thomas Traherne

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 21 Novembre 2011. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Arfuyen

Les Centuries, Editions Arfuyen, septembre 2011, trad. de l'anglais par Magali Julien. 17€ . Ecrivain(s): Thomas Traherne Edition: Arfuyen

Peut-on attirer l'attention des lecteurs sur une oeuvre remarquable du répertoire anglo-saxon, et qui ne concerne pas, à notre sens, que les lecteurs de littérature mystique. Regardons si vous le voulez le livre que publie Arfuyen dans sa très belle collection Ombre. Il s'agit, en vérité, d'une prose rare et qui fut d'accès difficile longtemps, y compris dans sa langue maternelle (on reconnaît là le talent de Gérard Pfister, le fondateur des cahiers d'Arfuyen, qui scrute avec une lucidité sans pareille les textes de cette espèce). Ainsi le public francophone peut goûter à un texte très original de Thomas Traherne, mystique gallois du XVIIème siècle traduit ici par Magali Jullien et présenté par Jean Mambrino.

Les Centuries, livre extraordinaire des années seize cents au pays de Galles, passent notre nouveau siècle avec une vigueur incomparable, comme celle que provoquent parfois l'altitude, ou les grandes joies imaginées des jardins suspendus, des sommets. C'est donc avec ce programme que nous appellerons "holderlinien", que ce poème touche à l'excellence et au vital. On pourrait même aventurer l'idée hardie que ces strophes préfigurent, dans sa conception de la déité, le Grand Horloger des Lumières, tant tout y paraît brillant, organisé, presque rationnel.

Environs et mesures, Pierre Senges

Ecrit par Anne Morin , le Samedi, 11 Juin 2011. , dans Essais, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Gallimard

Environs et mesures, Le Promeneur Gallimard, 2011, 101 p. 15 € . Ecrivain(s): Pierre Senges Edition: Gallimard


Ce tout petit livre est un compromis entre précis de géographie et imprécis de cartographie imaginaire. Il raconte comment, du moins jusqu’au tout début du XXème siècle, des hommes – souvent plus « scientifiques » que poètes – ont tenté de situer dans le monde sensible des lieux aussi improbables et au moins aussi évanescents que le paradis, l’ultima Thulé, l’Atlantide ou la porte des enfers, les lieux d’errance d’Ulysse étant, peut-être, les plus faciles à repérer.

Au-delà de la mystique, du rêve, de l’imagination, cela démontre aussi comment l’homme, si sage ou si fou soit-il – ce qui revient parfois au même –, cherche à encadrer et, dans le même élan et le même temps, paradoxalement, à repousser les abords de l’autre, l’ailleurs, l’au-delà. L’altérité du « pays où l’on n’arrive jamais » ou d’où l’on ne revient jamais si tant est qu’on y soit arrivé, véritable trou noir, intervalle entre deux événements.

Sur le haschich, Walter Benjamin

Ecrit par Guy Donikian , le Dimanche, 05 Juin 2011. , dans Essais, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Langue allemande, Christian Bourgois

Sur le haschich. 2011. Traduit de l’allemand par Jean-François Poirier. 128 p. 6 € . Ecrivain(s): Walter Benjamin Edition: Christian Bourgois


Il faut saluer la réédition des textes intitulés « sur le haschich » de Walter Benjamin par Christian Bourgois dans la collection «Titres ». Ces textes sont des notes prises par l’auteur ou par les participants aux protocoles, séances durant lesquelles la prise de drogue, haschich ou mescaline, avait pour but l’observation et la retranscription des effets sur la pensée.

Derrière la description parfois aride de ces effets, ou derrière quelques fulgurances dans la succession des images et des pensées, on ne peut occulter « la volonté de savoir » qui aura animé le philosophe. Non pas un simple savoir répondant à une légitime curiosité, (on ne peut pas ne pas penser à Baudelaire) mais un savoir qui s’inscrit dans le projet révolutionnaire pour lequel il veut mettre en œuvre les « terra incognita » de la pensée que peuvent révéler ces expériences.

On est loin, ici, de la consommation actuelle du haschich, qui correspond plus à une volonté de « rêver la vie plutôt que de la vivre », la révolution de Benjamin se fondant essentiellement sur le renversement d’un ordre établi, ordre qu’aujourd’hui on ne remet pas en question avec le haschich, mais qu’on oublie grâce à l’euphorie qu’il engendre.

Eros au pays de la balle jaune, Franck Evrard

Ecrit par Arnaud Genon , le Samedi, 21 Mai 2011. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Hermann

L’érotique du tennis, préface de Denis Grozdanovitch, 2011, 22 € . Ecrivain(s): Franck Evrard Edition: Hermann

Peut-être se souvient-on de la lettre T de L’Abécédaire de Gilles Deleuze où le philosophe conceptualisait brillamment les jeux de Borg et de Mc Enroe. Le suédois, affirmait-il, était le représentant des principes populaires, incarnait le style d’un tennis de masse (lift, fond de court, balle haute) alors que l’américain, autre grand créateur du monde de la balle jaune se faisait le héraut d’une pratique aristocratique car inimitable (art de déposer la balle). Le tennis, selon Deleuze, était donc avant tout un sport dans lequel se posait le « problème du style ».

Même si cette « problématique » est évoquée par Franck Evrard, l’angle d’approche théorique du tennis se situe pour lui ailleurs : dans son érotique1. Alors que ce sport a souvent été  le véhicule de « valeurs hygiéniques et éthiques » (p.15), il choisit de l’appréhender comme « un spectacle sexué qui séduit par sa monstration de corps dénudés, accessoirisés, qui trouble par l’ambiguïté de ses danses sensuelles » (p.17). Mais son analyse ne s’arrête pas là : « Si une érotique du tennis se fonde nécessairement sur les rapprochements réels ou métaphoriques entre Eros (et ses motifs comme l’amour, le désir, le corps ou la séduction) et l’univers du tennis, elle ne peut occulter la dimension littéraire de la fiction et de la représentation » (p.20).