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Ecriture

Akousmate, suis-je ?, par Nadia Agsous

Ecrit par Nadia Agsous , le Mercredi, 17 Août 2016. , dans Ecriture, Nouvelles, La Une CED

 

« Ma petite-fille, demain, tu grandiras ! Belle et instruite tu seras ! Pendant que le temps gravera ses empreintes sur ta peau douce et luisante, tu prendras alors conscience que toi seule es maîtresse de ta destinée. De tes deux mains que j’ai embrassées, caressées, cajolées et bénies, tu te libèreras des chaînes millénaires ! Fière, lucide et rebelle, tu affranchiras ces femmes qui guettent le retour de Shah’Razade qui s’en allée vers des ailleurs cléments. Il y a de cela une éternité !

Kane ya makane !

Je me souviens encore de ce cri animal que le roi Shah’Riyât lança dans son palais lorsqu’au petit matin, il découvrit la disparition de celle qui avait aimanté son corps et humanisé son cœur ».

Ainsi parla ma grand-mère sur son lit de mort. Et avant de rendre l’âme, dans cette chambre imprégnée d’une forte odeur de fatalité, de sa main tremblante, elle me fit signe de m’approcher de son corps à moitié endolori. Et elle murmura à mon oreille :

Voulfe 4 & 5 (Fin), par Joëlle Petillot

Ecrit par Joelle Petillot , le Mardi, 05 Juillet 2016. , dans Ecriture, Nouvelles, Ecrits suivis, La Une CED

 

- 4 -


Victoire arriva au concert légèrement en avance, décidée à ne pas en perdre une miette et fin prête pour l’inconfort des chaises ecclésiastiques, tant il est vrai que le prix de l’illumination se mesure dans toutes les églises du monde à l’intensité d’un mal de fesses carabiné.

Elle s’assit et ouvrit le programme remis par une dame maussade en chemisier à jabot moisi.

Couperin, Bach, Rameau. Et le Tic-Toc Choc en finale.

Elle jeta un œil distrait à la photo de l’artiste, dont le gentil sourire flouté lui parut charmant, autant qu’on pût l’augurer d’un noir et blanc reproduit avec une mauvaise photocopieuse.

Voulfe (2 & 3), par Joëlle Petillot

Ecrit par Joelle Petillot , le Mardi, 28 Juin 2016. , dans Ecriture, Nouvelles, Ecrits suivis, La Une CED

 

-2-

 

Elle s’éveilla le lendemain avec l’arrière-gorge râpée. Elle avait dû ronfler, mais quelle importance, puisque personne d’autre qu’elle n’occupait sa couche… Au fait, mais si !

Encore ensommeillée, elle se redressa un peu et le vit. Il n’avait pas bougé d’un pouce, couché à côté de ses pieds avec la même tranquillité que sur son paillasson la veille. Il aurait coincé une pancarte entre ses deux pattes de devant – dont l’une noire et étoilée –, avec je suis à la bonne place peint en rouge, que sa confiance n’eût pas semblé plus aveuglante.

Victoire, contente comme tout de le trouver là, se leva avec un vaste sourire, et dit en passant près du chien qui n’avait pas bronché : « T’es une bonne nature, toi ».

Osty et autres livres, par Clément G. Second

Ecrit par Clément G. Second , le Lundi, 27 Juin 2016. , dans Ecriture, Nouvelles, La Une CED

C’est celle que je connais le mieux, et pour moi la plus belle. Elle semble se plaire entre mes mains qu’elle ne quitte pas, me dis-je en souriant. J’ai demandé à la prendre sur la petite table basse près d’une bougie éteinte et caresse sa couverture, entrouvre la tranche pour glisser un œil au petit bonheur vers les planches d’enluminures familières, me laisse aller à quelques mots sur sa place dans une maison. Magda semble surprise ; je lui dis que j’ai moi aussi possédé une Bible Osty. Elle m’était chère. Je priais souvent sur elle, en relisais des passages pendant mes années pieuses. Un de mes trop nombreux déménagements m’en a séparé. Fauchée ou bien égarée, jamais su. Je ne m’en suis jamais racheté une, par tiédeur sans doute, peut-être aussi par attachement nostalgique à l’exemplaire d’alors. Magda a trop de finesse pour ne rien deviner de ce nouveau coup de foudre pour une Bible perdue par Bible interposée. Elle m’observe, à la fois grave et amusée. Il reste un fond de whisky dans son verre, le troisième si je compte bien. Pour moi, j’ai dit stop au deuxième, histoire de ne pas trop perdre en lucidité. Elle tient le sien dans sa main gauche, le fait un peu tourner, songeuse, penchant vers lui un visage marqué. De l’autre, elle porte à ses lèvres une nouvelle Stuyvesant rouge dont elle tire de souples bouffées. Ses mains tremblent par moments. Je me suis tu, prêt à continuer à l’écouter sur ce qu’elle voudra, le Livre, les livres, la vie, son couple avec Michaël (les belles années ou ce qu’au téléphone elle a appelé la débandade, la fin), que sais-je encore ; prêt aussi à partager son silence, n’étant pas venu pour l’interviewer mais pour la revoir.

Voulfe (1), par Joelle Petillot

Ecrit par Joelle Petillot , le Samedi, 25 Juin 2016. , dans Ecriture, Nouvelles, La Une CED

 

Elle le trouva couché sur son paillasson, au moment de sortir pour les courses du jour.

Recroquevillé, mais serein ; le regard d’un qui sait avoir sa place où il se trouve.

Scotché à son collier, un petit mot de Virginia… Elle aurait dû s’y attendre.

Virginia avait pris ce chien sur les conseils d’amis désireux d’en finir avec une déprimée chronique, d’expression funèbre et portée à geindre en permanence.

A en juger par la précision calendaire du papillon arrimé à la bête, ça avait duré trois jours.

Je l’ai acheté lundi, mais ce mercredi je pars au Brésil. Merci de t’en occuper.

P.S. J’ai rencontré un brésilien.

Après une brève seconde d’empathie compassionnelle pour tous les brésiliens, Victoire lâcha sa lecture et regarda vraiment la bête.