Verger, etc…, Pascal Commère (par Laurent Fassin)
Verger, etc…, Pascal Commère, Éditions Fata Morgana, octobre 2022, 64 pages, 14 €
Ecrivain(s): Pascal Commère Edition: Fata Morgana
Des notes prises au fil du temps dans des carnets, puis relues sans hâte afin d’en retenir juste assez qui puissent donner lieu à un volume, ainsi est né Verger, etc… L’ouvrage, rehaussé de monotypes – des arbres exposés aux saisons, imaginés par Joël Leick – aurait pu aussi bien s’intituler Portrait de l’artiste en brin d’herbe. Car l’artiste en question, le romancier, le poète Pascal Commère, s’il ne hausse jamais le ton, procédant par touches nettes et légères, aime son pays, aime sa terre et sait nous en faire partager la gravité, l’équilibre et l’animation paisible.
Par ce livre lentement mûri et bien pensé, les gens de peu (qui s’inscrivent dans la mémoire dès l’enfance) s’animent et nous émeuvent. Au gré de la lecture, revit aussi, dans son intimité, celui qui sut aussitôt distinguer, à la lecture du premier recueil, Les Commis (Éditions Folle Avoine, 1982, réédition par Le Temps qu’il fait, 2007), une voix personnelle, attachée à ses racines. André Frénaud, pour ne pas le nommer – dont « l’expressionnisme lyrique » (sic) mériterait une reconnaissance plus grande –, nous est restitué ici d’un trait vigoureux : « Toute sa vivacité surgissait (…), l’accent de sa voix devenait plus roulant, retrouvant ainsi la tournure de parler de sa Saône-et-Loire ».
De lui, nous dit Pascal Commère, émanait une « clarté, si ce n’est une lumière, d’autant plus vive qu’elle semblait prendre racine dans les sombres régions de son visage. Je n’y décelais pas plus d’ombre toutefois que sur la façade gardée intacte de cette belle demeure qu’il restaurait avec une méticulosité semblable à celle avec laquelle il continuait à bâtir son œuvre. De fait, cette lumière toute matérielle rejoignait dans mon esprit celle que j’avais cru percevoir à la lecture de ses poèmes : une lumière habitée, jusqu’au plus profond, du charbon des mines de son pays natal ».
Une sensibilité à ce qui est fugitif, à l’éphémère (auquel notre attention n’accorde guère de prix le plus souvent), inspire cet écrivain tôt marqué par l’absence (Chevaux, son premier roman, éditions Denoël, 1984) et qui sait la valeur d’un sourire complice, d’un regard ou d’un moment : « Le soleil ce matin est sorti en même temps que les agneaux. Ou l’inverse. Les yeux oublient ». En creux, entre les lignes, la nostalgie perce, mais sans insistance : « J’avais un oiseau. Un bois flotté en fait, rapporté l’an passé du Lac de Pannecière. Je l’avais poli durant tout un dimanche. Son ombre sur le sol était fière, coupante. Lointaine aussi. Sans le vouloir Maïa a marché dessus, cassé l’une de ses ailes. Je n’ai plus d’oiseau ».
L’esprit malicieux, Pascal Commère touche le lecteur par des traits savoureux ; à ce jeu, les bêtes, y compris celles qui apparaissent aux humains minuscules, ont souvent sa préférence : « Inutile de songer à se mettre en ménage avec une fourmi. Elle déménage sans cesse ». Comme en passant, il montre l’étendue d’une palette riche en couleurs : « La coccinelle, ce n’est tout de même pas sa faute si des points sur sa robe font qu’on la remarque d’emblée. Elle, si discrète par nature ».
Bon an mal an, la terre mérite à ses yeux l’attention, la constance, voire le principal de nos efforts. Grâce à elle, le poète trouve les images qui éclairent simplement sa démarche : « J’aime que les notes sur la page dessinent une manière de jardin, avec ses raies, ses allées entre les planches. Non point le tissu serré d’une parcelle de céréales ou le tricot griffu d’un carré d’herbes, mais un canevas, sans le moindre souci de remplissage, de continuité moins encore ».
Laurent Fassin
Né en 1951 en Côte d’Or, Pascal Commère est un amoureux des paysages de sa région et de la littérature. Collaborateur à la NRF et dans plusieurs revues, il a publié une vingtaine de livres et de nombreux textes critiques consacrés à des écrivains et poètes tels qu’André Frénaud ou Gustave Roud.
Après avoir donné À l’orée de forêts profondes (récit préfacé par Lionel Bourg, photographies de Serge Lapaz, Cognac, éditions Le Temps qu’il fait, 1987), Laurent Fassin a fondé la revue Légendes (1988-1999). Plusieurs de ses textes ont paru en revues (Théodore Balmoral, Conférence, Cahiers Bernard Lazare, La Cause littéraire, etc.). Depuis La Maison l’île, un recueil de poèmes rehaussés d’encres de Chine d’Elisabeth Macé (Trocy-en-Multien, éditions Conférence, 2017) et, plus récemment, un essai intitulé Le Beau, L’Art Brut et le Marchand (L’Atelier contemporain, 2022), Laurent Fassin se consacre entièrement à l’écriture et à la peinture.
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