Tu la baises, Anne Perrin (par Jean-Paul Gavard-Perret)
Tu la baises, 2019, 148 pages, 14 €
Ecrivain(s): Anne Perrin Edition: Z4 éditions
Anne Perrin et le vertige de l’amour
Se retrouve ici la problématique chère à Beckett : le livre aux frontières de toute constitution digne de ce nom. Du cadavre de la vie de L’Innommable, quelque chose bouge encore en un lieu à la fois d’avant et d’après-monde. A ce titre, si toute œuvre est une machine à remonter le temps, dans ce livre elle ne peut fonctionner qu’en détraquant ce qui existait avant elle.
Existe ainsi un vertige littéraire. La fiction laisse apparaître une expérience décisive de la perte poussée à bout en une sempiternelle pénombre, là où Anne Perrin tente de fuir la narration classique à travers des fragments d’histoires et d’images sourdes, afin que surgisse un corpus « sonore » au besoin en manque d’hygiène bien-pensante. Là où prise de court, la narratrice croit attraper l’amour bien qu’elle sache confusément que c’est là une farce suprême.
Le Tu la baises d’Anne Perrin répond à un nœud où l’entente de deux êtres est elle-même mise en question. Le vertige de l’amour devient pour l’auteure l’action de continuer tant que faire se peut en sarabandes (au mieux), en foirades (au pire). C’est un parcours entre le stable et l’instable pour toucher à ce silence, là où l’inconscient ne cesse de vociférer. Dès lors par la cruauté et la crudité du sexe se distille proche d’un innommable en lieu et place d’un immanquable.
Jean-Paul Gavard-Perret
Anne Perrin est née le 15 mars 1966 à Genève. Technicienne de théâtre, assistante de réalisation, auteure et metteur en scène, elle obtient son diplôme de l’Ecole Supérieure des Arts Visuels de Genève en 1991.
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