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Théâtre

Oswald de nuit, triptyque, Samuel Gallet

Ecrit par Marie du Crest , le Vendredi, 01 Février 2013. , dans Théâtre, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Espaces 34

Oswald de nuit, triptyque, 2012, 50 p. 11 € . Ecrivain(s): Samuel Gallet Edition: Espaces 34

Le Rock est poème - le rock est théâtre

 

Au fond, le théâtre n’a jamais cessé d’être poétique, en vers ou en prose : Racine, Claudel… Il est poésie dans son verbe et poésie en acte : visions de Wilson, Living theatre… Samuel Gallet pense son texte à la fois comme musique, rythme, sons et voix ; il dédie son texte aux musiciens Baptiste Tanné et Melissa Acchiardi. La musique et la poésie sont sœurs. Oswald de nuit sonne comme un écho au si beau Gaspard de la nuit de Bertrand. Et Samuel Gallet se place sous l’ombre tutélaire de Rilke dans son épigraphe.

Oswald, l’être plutôt que le personnage, porte un nom qui claque comme celui d’un assassin américain, bien loin de la douceur du fiancé de Zénaïde de Tardieu. Oswald est au centre du premier volet du triptyque, l’Ennemi sera le second, et peut-être Rosa le panneau central. Vocabulaire de peinture, pourquoi pas puisque le texte ne s’enferme pas dans les conventions dramatiques. Par exemple, le nom des personnages en didascalies n’apparaît qu’une fois lors d’un dialogue Lucie/Oswald (5-pp.22-23), de longs passages en italiques décrivent le personnage dans une logique strophique et incantatoire avec des retours réguliers à la ligne à la façon d’un leitmotiv :

Communiqué N°10, Samuel Gallet

Ecrit par Marie du Crest , le Mardi, 15 Janvier 2013. , dans Théâtre, Les Livres, Recensions, La Une Livres

COMMUNIQUE N°10 Editions espaces 34, 2011, 90 pages, 12,50 € . Ecrivain(s): Samuel Gallet

Samuel Gallet a choisi une citation de la poétesse argentine A. Pizarnik comme seuil à sa pièce de théâtre Communiqué n°10. Faut-il trouver refuge ou pas dans la réalité vraie, telle est l’interrogation posée à l’œuvre qui suivra ? La réalité de la pièce nous replonge dans des évènements qui ont lieu à la fin de 2005. Des émeutes ont débuté en Seine-Saint-Denis dans les banlieues et ont gagné d’autres territoires périurbains du pays. Dans la pièce, un chauffeur de 28 ans, Hassan, veut venger la mort de son jeune frère Lakhdar tué par un vigile, Damien, au moment où il volait un véhicule sur un parking. La ville sans nom, architecture de no man’s land, sert de décor à des émeutes, menées par un groupe d’enfants qui régulièrement lancent sur les ondes des messages, des communiqués de guerre civile et urbaine. Il y en aura dix. Générations révoltées, enfants de travailleurs maghrébins exploités. Samuel Gallet nous plonge dans une dramaturgie de friches, de zones périphériques, plongées dans les ténèbres. Toutefois la « vérité » comme force supérieure introduit une parole surnaturelle et métaphysique, celle d’un vieil homme  qui dit et redit : « Je suis mort oui ou non ». Dans un cimetière, à la fin de la pièce, il devient le père de Hassan, celui qui prononce la parole tragique parodoxale : « C’est pas les morts qu’il faut venger Hassan mais les vivants qui demeurent et que les morts regrettent ».

L'amour de Phèdre, Sarah Kane

Ecrit par Marie du Crest , le Mercredi, 19 Décembre 2012. , dans Théâtre, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Iles britanniques, L'Arche éditeur

Amour de Phèdre, traduit de l’anglais Séverine Magois, 76 p. 10 € . Ecrivain(s): Sarah Kane Edition: L'Arche éditeur

Les débuts de Sarah Kane sur la scène théâtrale anglaise furent retentissants ; sa première pièce Blasted (Anéantis) montée au Royal Court theatre en 1995 provoqua le scandale en raison de sa violence supposée. Sa dernière pièce, 4.48 Psychosis, fut une œuvre posthume publiée en 2000 après son suicide au King’s college hospital. Œuvre foudroyante aux sept pièces radicales.

S. Kane est née en 1971 dans l’Essex et étudie le théâtre à l’université de Bristol. Son œuvre est aujourd’hui lue, traduite et jouée dans le monde entier.

 

Phèdre est le théâtre. Phèdre est le tragique, l’humanité tragique, la féminité tragique. Tragédie grecque d’Euripide, tragédie latine de Sénèque, tragédie classique de Racine, opéra baroque de Rameau, opéra de Massenet…

Le tragique de la tragédie redit et transforme la question de la violence du désir et de la parole de ce désir. Il faut arriver à avouer. Les anciens écrivent de la poésie mythologique : Hippolyte sert Artémis contre Vénus chez l’auteur grec. Racine met en vers les cris de ses personnages toujours rattrapés par le destin et les dieux. Les modernes n’ont plus recours à la tragédie, l’homme est encore plus livré à lui-même, tragiquement nu.

Starling. Programme, Eric Arlix

Ecrit par Marie du Crest , le Vendredi, 07 Décembre 2012. , dans Théâtre, Les Livres, Recensions, La Une Livres

Programme, Arlix Starling, éditions MAC/VAL collection fiction, non paginé, 3 € . Ecrivain(s): Eric Arlix

Le texte Programme est d’abord un joli petit volume qui tient dans la main, peut-être comme un programme (de théâtre). Il est édité par le musée d’art contemporain du Val-de-Marne. Un auteur et un artiste se répondent. L’auteur s’appelle Arlix (son prénom a disparu) et l’artiste s’appelle Starling (lui aussi sans prénom). D’une certaine manière, leurs deux patronymes donnent naissance à un nouvel individu. La première de couverture du petit livre blanc de la collection fiction est illustrée par un dessin simple, peut-être des poutres de gymnaste, des bancs les uns derrière les autres, des haies d’athlétisme… que l’identité du duo rompt. A l’intérieur du livre, nous retrouvons en page simple ou en double page, en face du texte, une série d’échelles ou d’échafaudages, renvoyant à des installations de Starling. Ces architectures redoublent le parcours que doit suivre TU, parcours constitué d’escaliers, de rambardes, de coursives, de pont suspendu. Le texte dialogue encore avec les œuvres de Starling : Tu doit à un moment s’asseoir sur une chaise en aluminium du designer Eames, allusion implicite à la chaise que Simon Starling transforma en vélo. Tous deux adhèrent à la célèbre citation de Lavoisier : « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme (épigraphe du texte d’ailleurs). Nous sommes donc dans un entre-deux visuel et textuel. Pourtant nous devons entrer dans Programme. Le texte s’organise autour de 5 balises de mail qui sont autant de jalons dans la progression et du texte et de l’itinéraire-programme. Quelque chose comme un jeu vidéo avec ses niveaux. Ainsi de 1 à 2 :

Hier ou après-demain, Patrik Ourednik

Ecrit par Marie du Crest , le Mardi, 20 Novembre 2012. , dans Théâtre, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Allia

Hier et après-demain, propos de cinq survivants traduit et adapté par Benoît Meunier & Patrik Ourednik, 2012, 126 p., 6,20 € . Ecrivain(s): Patrik Ourednik Edition: Allia

Si vous allez sur le site www.2012fin.com, vous découvrirez un compte à rebours qui, à la seconde près, nous rapproche de la fin du monde annoncée par quelques esprits tourmentés pour le 21/12/2012. Patrik Ourednik, avec ironie, s’accapare ce vieux thème eschatologique. La pièce est sous-titrée « propos de cinq survivants ». Il semblerait bien en effet que le monde se soit « évaporé » au-dehors. Le cinéma hollywoodien a exploité le filon de la grande catastrophe à maintes reprises, donnant presque toujours dans ce que Delettre, l’un des personnages de la pièce appelle « le grandiose » :

« Soleil agonisant, ciel couvert de météorites, foules hystériques (…) enfants en pleurs errant dans les villes… ».

Seul Lars von Trier avec son film Melancholia pense autrement la destruction du monde. Ourednik, lui, se souvient du début de Huis clos même s’il ne réunit que des hommes au nombre de trois, tous quadragénaires ordinaires. Et l’Enfer sartrien ici devient le décor banal d’une maison composée de quelques éléments de mobilier au bout d’une route. Derrière la porte qui s’ouvre de l’intérieur ou de l’extérieur (la question taraude les personnages), le monde a disparu. L’unique effet perceptible de cette catastrophe, c’est le rétrécissement de l’espace qui, au fil des scènes s’accroît. Il n’y a pas trace de chaos. La pièce est parfaitement structurée en 4 scènes suivies d’un épilogue.