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Sur le pouce, Un petit doigt pour la main, un pas de géant pour l’humanité, Mathieu Vidard (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal 09.07.24 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Grasset

Sur le pouce, Un petit doigt pour la main, un pas de géant pour l’humanité, Mathieu Vidard, Grasset, avril 2024, 304 pages, 20 €

Edition: Grasset

Sur le pouce, Un petit doigt pour la main, un pas de géant pour l’humanité, Mathieu Vidard (par Didier Smal)

 

C’est la curiosité qui pousse à ouvrir cet ouvrage : mais qu’y a-t-il donc de si prenant et varié à dire sur le pouce qui justifie qu’on y consacre trois cents pages chez un éditeur non spécialisé dans les publications scientifiques ? Corollaire : le pouce peut-il être un sujet d’étude digne d’intérêt et, surtout, de partage ? Cette curiosité, à laquelle on ne parvient jamais à dire « Pouce ! », est désormais satisfaite : on sait tout sur le « doigt apportant du réconfort aux enfants ou la partie d’une pince qui a changé la face de l’humanité en nous rendant, au quotidien, un nombre incalculable de services », ayant été confronté à une forme de réjouissant épuisement du sujet d’ordre quasi oulipien, épuisement non dénué de poésie occasionnelle et d’humour aussi omniprésent que sous-jacent.

En effet, on a envie d’écrire que tout le monde pourrait y trouver son compte, en termes de vulgarisation scientifique mais aussi en termes d’Histoire et d’histoires ou de lexicographie, dans Sur le pouce, puisque Vidard propose vingt-huit brefs chapitres comme autant de points de vue sur le pouce, avec une logique certaine sous-tendant leur organisation : l’auteur convoque des connaissances tant liées à la paléontologie qu’à la génétique, évoque l’évolution de nos connaissances sur… l’évolution, puis la place qu’occupe le pouce dans l’affect ou le cerveau (revenant sur l’iconographie célèbre dérivée des travaux de Penfield), pour embrayer sur l’utilisation mais aussi la signification du pouce sur les réseaux sociaux. Dans une troisième partie, ou plutôt dans les dix derniers chapitres, Vidard passe du Petit Poucet à Under my thumb (les amateurs des Stones peuvent ici enrichir leur bibliographie), d’une analyse historiographique de l’usage du pouce pour décider du sort des gladiateurs à un Essai de Montaigne, puis il dérive vers le pouce communiquant, dans la langue des signes ou pour l’auto-stop (mais attention, car « en Iran ou en Thaïlande, c’est une insulte équivalente au doigt d’honneur ») ou encore un recueil d’expressions relatives à ce doigt spécifique, pour ensuite évoquer les poucettes, circulaire d’un général André à l’appui, et le Pouce de César, célébré par Philippe Sollers, pour conclure sur une question d’ordre scientifique : « Vers un pouce mutant ? ».

Tout, tout, tout, vous saurez donc tout sur le pouce, avec une prédilection pour des informations tout à fait inutiles pour briller en société, voire brillant par leur aspect anecdotique ou même monomaniaque (on imagine Vidard rédigeant de petites fiches sur le sujet au fil de ses lectures). Mais c’est ça qui fait toute la force et le plaisir de Sur le pouce : cet essai a un aspect tout à fait gratuit, réjouissant (on revient à cet adjectif) au fond, et l’on préfère s’y confronter à « se tourner les pouces » même si l’on se doute que Vidard, lui, a dû se « fouler les pouces » pour le rédiger. Plus sérieusement, sous des dehors facétieux (nul ne fera croire qu’on consacre trois cents pages au pouce, surtout en évoquant sa propre addiction enfantine à ce doigt, sans sourire à quelque idée qui traverse l’esprit ou à l’atterrement potentiel du lecteur), Sur le pouce, dans sa première partie, est un excellent ouvrage de vulgarisation, dont l’auteur a fait en sorte de mettre à la portée de chaque lecteur des notions scientifiques parfois complexes ; ensuite, il faut l’accepter comme la visite d’un cabinet de curiosités intellectuelles liées au pouce, quasi un exercice de style. Lu comme ça, en se demandant il est vrai jusqu’où Vidard va pousser le bouchon, Sur le pouce est un ouvrage plaisant, dont l’auteur n’a nullement à « se mordre les pouces ».

 

Didier Smal

 

Mathieu Vidard (1971) a présenté l’émission La Tête au carré sur France Inter et présente Science grand format sur France 5. Il est aussi directeur de la Collection Terre & Sciences, chez Grasset, où il a notamment publié Le Carnet scientifique.



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A propos du rédacteur

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Didier Smal, né le même jour que Billie Holiday, cinquante-huit ans plus tard. Professeur de français par mégarde, transmetteur de jouissances littéraires, et existentielles, par choix. Journaliste musical dans une autre vie, papa de trois enfants, persuadé que Le Rendez-vous des héros n'est pas une fiction, parce qu'autrement la littérature, le mot, le verbe n'aurait aucun sens. Un dernier détail : porte tatoués sur l'avant-bras droit les deux premiers mots de L'Iiade.