Sur la route de Janis Joplin, Jeanne-Martine Vacher (par Guy Donikian)
Sur la route de Janis Joplin, Jeanne-Martine Vacher, Editions Le mot et le reste, 418 pages, parution mai 2025, 29 euros.
Edition: Le Mot et le Reste
« Ce que tu ressens trouvera sa forme », cette citation de Jack Kerouac est pour l’auteure Jeanne-Martine Vacher ce qui traduit bien sa passion pour Janis Joplin. Cet ouvrage est en effet consacré à la chanteuse originaire de Port Arthur dont la brève existence a marqué son époque, le féminisme et le rock !
Elle naît et grandit à Port Arthur, dans un Texas violent, raciste, et terriblement traditionnel. Janis Lyn Joplin voit le jour le 19 janvier 1943. Elle fut tout d’abord une élève tranquille, passionnée de dessin et de peinture. Sa famille l’entoure de toutes les attentions, sa mère Dorothy quitte son travail pour s’occuper d’elle. Elle lui enseigne les premiers rudiments de piano, lui apprend des chansons que la petite Janis chantera.
Sa scolarité en école primaire se déroule tranquillement, puis ce sera le collège jusqu’en 3ème. « Elle est alors une petite fille timide, aux boucles blondes et soyeuses, au corps toujours enfantin. Elle participe à des groupes, à des clubs, joue au bridge, dessine pour le journal de l’école, y écrit parfois. Le dessin est déjà une de ses occupations favorites. A la bibliothèque où elle travaille comme volontaire, elle dessine des affiches destinées aux jeunes lecteurs. »
Elle est alors totalement immergée dans la communauté en adoptant ses valeurs, et ce système sans faille procure à chacun une reconnaissance indispensable. C’est, dans ces années 50, qu’elle va écouter et aimer le blues, le rythm’n blues, le jazz et les débuts de la soul music. Elle aura intégré un noyau protecteur qui lui permettra d’exprimer, par un langage, un accoutrement, une gestuelle, une différence qui n’aura de cesse de s’affirmer.
« Pour Janis, cette conscience d’être « autre » fut première, d’abord constatée, puis revendiquée. Être différente à une époque où tout le monde recherchait la conformité, c’était une provocation sans doute, mais aussi un voile protecteur. Ensuite, face aux violences subies, elle met en scène sa différence, méticuleusement, outrageusement (…). Il y avait dans ce volontarisme appliqué tout l’espace de sa liberté, et la mise en acte de ce que Baudelaire appelle élégamment « l’aristocratique plaisir de déplaire ».
Mais ce noyau protecteur, cette bande qui la protégeait, va se dissoudre et Janis subira le rejet d’une communauté tellement désireuse de conformisme. C’est pourquoi, deux mois avant sa mort, on la voit se promener crânement dans les rues de Port Arthur pour le dixième anniversaire de la classe 60 de son lycée, ce 14 aout 70. « Elle a quelque chose d’une petite fille déguisée qui s’amuse à l’idée de la joyeuse farce qu’elle va faire. Plus tard, dans l’interview, on verra passer dans ces mêmes yeux un fascinant mélange de sentiments, fugitives réminiscences, jubilation d’être là dans ses extravagants atours, émotions ambiguës, rayonnement, malaise, exhibitionnisme et pudeur soudaine, retour à la surface des douleurs passées, car si l’état de star lui donne force, liberté, reconnaissance, il n’abolit pas la sensation de marginalité, au contraire, il la spectacularise, attisant de folles amours sans doute, mais aussi d’autres violents rejets ». Ainsi le rejet, parfois violent, qu’elle a subi à Port Arthur comme ailleurs plus tard ne cessera de la hanter.
Lorsqu’elle commencera à chanter, elle imitera la chanteuse Bessie Smith dont elle reprendra toutes les chansons. Elle fut pour Janis l’ancrage essentiel de son inspiration, jouant des variations subtiles de sa voix pour attirer et séduire le public. On retrouve chez Janis cette faculté d’adaptation à son public, cette harangue oscillant entre élégance et vulgarité, en fonction des attentes dont elle devait bien percevoir les ondes ;
Mais Janis fut aussi peintre, avant d’être musicienne (elle s ‘accompagnait à l’autoharpe avant d’être accompagnée d’un groupe). Elle admire Degas, Braque, Picasso, et elle est fascinée par la vie et l’œuvre de Modigliani. « Peut-être a-t-elle en tête cette profession de foi de Modigliani : Ton seul devoir est de sauver ton rêve » avant de quitter Port Arthur pour Austin où les choses sérieuses, musicalement parlant vont commencer.
Cette réédition du livre de Jeanne-Marie Vacher s’articule autour de 31 jours d’une véritable enquête menée auprès de ceux qui ont approché la chanteuse, une enquête qui met l’accent sur ce qui a prévalu pour mieux comprendre et apprécier celle qui aura, malgré sa courte vie, marqué son époque à plusieurs titres.
Guy Donikian
Jeanne-Marine Vacher a produit des émissions sur France-Culture, fut adjointe de l’administrateur général de l’Opera Bastille et est l’auteure de Jimi Hendrix Variations aux éditions Le mot et le reste.
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