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Roman

Œuvres complètes, Franz Kafka, La Pléiade (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Lundi, 08 Octobre 2018. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue allemande, Nouvelles, La Pléiade Gallimard

Œuvres complètes, Franz Kafka, La Pléiade, Gallimard, octobre 2018, Tome I, Nouvelles et récits ; Tome II, Romans, trad. allemand 60 € et 55 € jusqu'au 31/03/19 . Ecrivain(s): Franz Kafka Edition: La Pléiade Gallimard

 

Franz Kafka et les célibataires endurcis

Le héros de Kafka est un homme, sans monde, sans famille. C’est un « fils » déshérité, un homme perdu au milieu du monde ou de rien – ce qui est pour lui un peu la même chose. Face à lui – et non seulement dans la Lettre au père – la figure de ce dernier est celle du despote. Elle se développe suivant les œuvres de diverses manières.

Parfois il s’agit du géniteur mais le plus souvent c’est une entité, une machine qui réduit le héros à « un point minuscule » comme le rappelle Robert Lapoujade dans Les existences moindres. Le héros – du moins ce qu’il en reste – est par excellence dépossédé de tout et de lui-même. Sa vie quoique tragique n’est même plus une destinée mais une suite d’instants.

Cette nouvelle édition par ses traductions plus nerveuses et précises montre un être dont le corps lui-même n’est plus sa propriété. Assis, il est plus proche de sa chaise que de lui-même.

La gouvernante suédoise, Marie Sizun (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 05 Octobre 2018. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Folio (Gallimard)

La gouvernante suédoise, mai 2018, 320 pages, 7,80 € . Ecrivain(s): Marie Sizun Edition: Folio (Gallimard)

 

Voilà bien un roman, style saga familiale, plein de rebondissements, à l’intrigue noueuse comme un « nœud » narratif, le style même d’un bon livre romanesque d’été, si l’auteur n’avait puisé à sa propre histoire pour en donner une matière quasi fictionnelle. On ne révélera rien de la chute – digne de romans à l’eau-de-rose, alors que c’est pure réalité historique.

La narratrice conte ainsi les histoires de sa famille, d’origines suédoise et française, doublement scandinave (le lecteur s’en rendra compte s’il lit jusqu’au bout). On est dans les années 1867-1868 lorsque démarre l’intrigue. Nous nous contenterons de dire qu’un émigré français, devenu professeur de sa langue à Göteborg, fait la rencontre décisive de sa future femme, qui lui donnera cinq enfants. La narratrice descend de ce Léonard et de sa femme Hulda. Il s’agira pour le couple d’engager très vite une gouvernante, Livia (Olivia), suédoise, d’où le titre.

Les aventures de Mao pendant la Longue Marche, Frederic Tuten (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 04 Octobre 2018. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Gallimard

Les aventures de Mao pendant la Longue Marche (The Adventures of Mao on The Long March), traduit de l’américain par Maurice Rambaud, Gallimard 1974. 195 p. . Ecrivain(s): Frederic Tuten Edition: Gallimard

L’expression « OVNI littéraire » a été tellement galvaudée qu’on peut hésiter à l’utiliser encore. Cependant cette image s’impose pour ce roman (??), cet épisode de l’Histoire (??), cet exercice de style (??), cet essai sur l’art (??) que Frederic Tuten écrivit dans les années qui suivirent le vent de folle liberté qui soufflait sur le monde occidental, dans les années 70.

Ce livre bouscule de manière inouïe tous les codes du romanesque ou de la narration. On y trouve enchâssés les uns dans les autres, des paragraphes, d’Histoire de la Chine pendant la Longue Marche entreprise par Mao-Tsé-Toung et son Armée Rouge au début des années 30, des passages romanesques ayant pour cadre la même période — Mao est un formidable personnage de roman en vérité —, des pages de considérations sur l’Art moderne et sa création, des pastiches formidables de grands écrivains américains — Faulkner, Malamud, Dos Passos, Hemingway, Lowry, Kerouac, des citations de pages entières d’Emerson (Walden) ou de Joyce. Et, au passage, des considérations où le discours intellectuel sur l’art ou la littérature en prend pour son grade ! Et c’est souvent à se tordre de rire.

Les hautes lumières, Xavier de Moulins (par Marjorie Rafécas-Poeydomenge)

Ecrit par Marjorie Rafécas-Poeydomenge , le Jeudi, 04 Octobre 2018. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Jean-Claude Lattès

Les hautes lumières, octobre 2017, 377 pages, 19 € . Ecrivain(s): Xavier de Moulins Edition: Jean-Claude Lattès

 

La hargne d’avoir un enfant n’est-elle pas la meilleure façon de tuer un couple ? Ce roman décrit le parcours à bout de souffle de Nina, coiffeuse de Bondy, et Tahar, chauffeur de taxi marocain, désarmés face à la procréation. On assiste à un choc culturel, entre la vision occidentale qui médicalise les problèmes d’infertilité de façon froide et administrative et la culture marocaine où la famille de Tahar est prête à donner un enfant de leur chair, pour créer le bonheur de ce couple et désenrayer enfin la fatalité. Mais faut-il vouloir à tout prix défier le destin ?

Entre les pics d’hormones et les lourdeurs administratives pour adopter un enfant, Nina devient obsessionnelle et se sent enfermée dans ce destin cloisonné par son utérus mal formé. L’auteur nous surprend par sa description si réaliste de ce que ressent une femme en plein bouleversement hormonal provoqué par la FIV. Broyée par l’engrenage de la procréation sans poésie, Nina se sent comme une vache bovine. A chaque piqûre, elle « est brutalement ramenée à sa condition. Elle se traite de grosse mère en grimaçant devant son reflet. (…) – Meuh ! Elle rigole pour de vrai devant la glace, pleure pour de vrai, nerveuse comme un pur-sang dans un corps de baleine ».

Eléni, ou Personne, Rhéa Galanaki (par Christelle d'Hérart-Brocard)

, le Mardi, 02 Octobre 2018. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Bassin méditerranéen, La rentrée littéraire, Cambourakis

Eléni, ou Personne, août 2018, trad. grec René Bouchet, 380 pages, 20 € . Ecrivain(s): Rhéa Galanaki Edition: Cambourakis

 

Bravant règles et interdits dans son pensionnat, Eléni Altamura-Boukoura croque frénétiquement ses camarades et tout ce qui l’entoure, et prolonge cet exercice, la nuit, à la lueur de bougies volées. Si sa mère désapprouve sévèrement cette excentricité, son père, le célèbre marin et capitaine de Port Ioannis Boukouris (qui a fait helléniser son nom libanais), non seulement s’en amuse, mais encourage les ébauches de sa fille adorée, son aînée et sa préférée, jusqu’à lui offrir des cours particuliers avec le célèbre peintre italien, Raffaello Ceccoli. Mais ces petites transgressions et largesses prennent une tournure beaucoup plus sérieuse et inquiétante le jour où la jeune fille émet le souhait de se rendre en Italie afin d’étudier la peinture, de parfaire ses connaissances et de réaliser pleinement sa vocation artistique. C’est là que la figure héroïque du père, fantasque et charismatique en public, se réalise aussi dans l’intimité, avec une grandeur d’âme et une noblesse tutélaire hors du commun. Aussi, lorsqu’il accepte d’accompagner sa fille à Rome, dans un contexte politique troublé et incertain, amorce-t-il en même temps qu’il le scelle le destin exceptionnel de la première femme peintre grecque qui, au XIXème siècle, est allée étudier en Italie :