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Pour une vie plus douce, Philippe Routier

Ecrit par Paul Martell 14.01.12 dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Roman, J'ai lu (Flammarion)

Pour une vie plus douce, 6,10 €

Ecrivain(s): Philippe Routier Edition: J'ai lu (Flammarion)

Pour une vie plus douce, Philippe Routier

Sorti en 2009, le livre de Philippe Routier trouve une résonnance particulière, aujourd’hui, en pleine crise économique sous fond de dettes d’Etats. Son sujet principal, le surendettement, n’est pas sans rappeler l’ouvrage d’Emmanuel Carrère, D’autres vies que la mienne. Mais à la différence de ce dernier qui avait une approche quasiment documentaire des choses, en se plaçant du côté des juges chargés de traiter ce type de cas, donc avec une certaine distance, Philippe Routier se met du côté des endettés, les suit dans leur quotidien, et donne une véritable incarnation au sujet.

Au début du livre, le père du narrateur sort de prison après y avoir passé sept ans. On apprendra plus tard que c’est parce qu’il a cherché à tuer son fils. Mais celui-ci lui a pardonné. Il attend même son père à sa sortie de prison, non pas pour régler des comptes, mais pour l’aider à reconstruire sa vie et à repartir de l’avant. « J’ai la certitude que mon père m’a toujours profondément chéri, même si, plus tard, son acte effarant […] en ferait douter un jury d’assises ».

Dès lors, Philippe Routier va s’attacher à remonter aux causes de cet emprisonnent. « Ecorché vif, mon père ne le fut jamais qu’aux coudes, pour avoir rampé vers une place au soleil qui ne cessait de reculer devant lui ». Pour se faire cette « place au soleil », le père achète, achète encore, achète toujours.

D’abord, il y a eu le pavillon à Sartrouville, financé grâce à un emprunt, puis le mobilier, obtenu de la même manière. Ensuite, une tronçonneuse, une centrale vapeur, un abonnement à Paris Turf… Tout, mais aussi n’importe quoi, comme une fausse cheminée dont il n’a que faire et qu’il ne peut d’ailleurs même pas utiliser. « Ils bâtissent leur avenir sur des lignes de crédit ». Ses acquisitions, il les finance par des crédits à la consommation, notamment contractés sur Internet, où il peut disposer en quelques clics d’un pécule. Après, le père se retrouve à jongler entre ses échéances, à trouver des combines, créant une « épouvantable addiction ».

Il se retrouve embringué dans un système qui le dépasse. Il veut en quelque sorte acheter son bonheur, comme si son bien-être ne pouvait passer que par la possession matérielle. Et peu importe ce qu’il achète, seul compte l’acte d’achat, comme si c’était un moyen d’exister en soi dans ce monde capitaliste. Vous n’êtes que parce que vous consommez, vous n’existez pas pour vous-mêmes, mais en fonction des objets que vous possédez.

Mais un jour les débiteurs viennent réclamer leurs dus. Il faut bien trouver des solutions, mais des solutions il n’y en a guère, ou alors elles le poussent de plus en plus loin dans la déchéance, vers une inexorable descente aux enfers : la maison est vendue, il devient de plus en plus difficile de se nourrir autrement qu’en faisant les poubelles des supermarchés…

Il voulait tout avoir et il n’aura plus rien.

Pour une vie plus douce pose beaucoup de questions, mais ne livre que peu de réponses. Au lecteur de se faire sa propre opinion. C’est ce qui fait la force de Philippe Routier. Il ne prend pas de haut les gens, il est avec eux, embringué dans cette aventure, il les suit, mais ne les juge pas.

Pour une vie plus douce n’est pas seulement un livre à sujet de société, c’est aussi une belle histoire d’amour entre un fils et son père. Le fils pardonne l’acte le plus monstrueux que peut commettre un père sur son enfant, car il comprend les raisons de son geste, le considère presque comme un geste d’amour. Un homme qui se retrouve acculé, il est allé trop loin et n’a d’autre choix que de pencher pour la solution du désespoir.

C’est un grand livre sur le pardon. On peut faire des erreurs, mais un rachat est possible. Si l’on ose le parallèle, on pourrait dire que le fils donne du crédit à son père. Pour une vie plus douce est un livre profondément humaniste, qui évite de tomber dans le misérabilisme, en ajoutant une touche d’humour ici et là.

Au fond se conjugue la forme, et une construction subtile et inattendue. Philippe Routier surprend, ne nous emmène pas forcément où on l’attend. Le style est précis. La langue est dense, le livre est très narratif, avec peu de dialogues, et cela ne lui en donne que plus de force et d’ampleur.

A noter que Pour une vie plus douce est « librement » adapté au cinéma par Cédric Kahn  sous le titre,Une vie meilleure, avec Guillaume Canet et Leïla Bekhti dans les rôles principaux.


Paul Martell


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A propos de l'écrivain

Philippe Routier

Né en 1958 en Allemagne, Philippe Routier vit et travaille à Paris. Il a écrit Le Passage à niveau (2006), Le veilleur du Britannia (2008), Pour une vie plus douce (2009) et Noces de verre (2012), tous parus chez Stock.

A propos du rédacteur

Paul Martell

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