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Portrait craché, Jean-Claude Pirotte

Ecrit par Guy Donikian 06.10.14 dans La Une Livres, La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, Récits, Le Cherche-Midi

Portrait craché, août 2014, 192 pages, 16,50 €

Ecrivain(s): Jean-Claude Pirotte Edition: Le Cherche-Midi

Portrait craché, Jean-Claude Pirotte

 

Jean-Claude Pirotte nous a livré ici un volume à titre posthume qui vaut testament, et la raison essentielle de cet ouvrage tient dans ses mots : « les livres relient à tous les passés mémorables (…) car les livres font échec au temps ». Ce poète, trop peu lu, qui publia aussi des essais, et des romans, n’a eu de cesse d’écrire la vie sous l’angle de l’émerveillement ; ses poèmes résonnent de cet amour du vivre et du désespoir qu’il engendre naturellement.

Pirotte nous apprenait son cancer en 2013 dans son roman Brouillard, et il disparaît en mai 2014. Dans ce texte, Jean-Claude Pirotte procède au « recensement de ses douleurs », il « rentre en lui-même » pour saisir, comprendre la maladie et pour mieux sentir ce corps qui, poursuit-il, est encore vivant, malgré la présence de cette anarchie cellulaire. Pourtant son visage déformé, tordu par la maladie, l’empêche de boire ou de fumer. Son menton est souillé par le café qu’il boit difficilement.

« Mais les livres l’entourent à nouveau » et lire est chez lui comme une respiration. Il n’a plus la compagnie de tous ses livres, mais quelques uns l’ont suivi, comme Joubert qu’il cite à plusieurs reprises. « Rien n’est plus triste que d’être privé d’un livre de chevet » écrit-il, et de citer Léon-Paul Fargue ou Marcel Arland.

Reste que la douleur n’oblitère en rien sa capacité à s’indigner d’une époque, la nôtre, « l’universelle entreprise de décervelage a gagné les campagnes les plus lointaines et les lieux les plus improbables. C’est le règne du père Ubu ». Et de rappeler son attachement à ses livres et de dénoncer les méfaits du progrès : « le progrès technologique a même annulé l’enfance. Je suis un décadent occidental, tout entier attaché à ses anciennes images, et ses vieux jouets ». Et plus loin il revient encore sur la « malédiction de l’informatique accueillie déjà comme une précieuse avancée de l’information. Tout et tout de suite, c’est-à-dire rien et jamais ».

Jean-Claude Pirotte a ainsi fouillé les aspects de sa personne qui finalement se révèlent par la maladie. Ici rien de larmoyant bien sûr, rien non plus de pathétique, seulement le besoin de la justesse des mots, de la précision d’une syntaxe, le besoin impérieux d’écrire, parce qu’écrire reste essentiel tout comme lire, deux modes que Pirotte maîtrisait à l’évidence. Et lire Pirotte, au-delà de l’hommage qu’on lui doit, c’est vivre encore.

 

Guy Donikian


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A propos de l'écrivain

Jean-Claude Pirotte

 

Jean-Claude Pirotte (1939-2014) était poète, romancier et peintre. Il a entre autres publié Brouillard en 2013, Place des Savanes en 2011, Hollande, poèmes et peintures en 2003 au Cherche Midi.

 

A propos du rédacteur

Guy Donikian

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