Identification

Petite, Sarah Gysler (par Lionel Bedin)

Ecrit par Lionel Bedin 11.06.19 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Récits, Editions des Equateurs

Petite, juin 2018, 190 pages, 18 €

Ecrivain(s): Sarah Gysler Edition: Editions des Equateurs

Petite, Sarah Gysler (par Lionel Bedin)

 

Sarah Gysler est née « au milieu des années nonante » à Lausanne, « exactement quarante-huit jours après que Kurt Cobain eut été retrouvé mort dans sa maison de Seattle ». Coïncidence ? En tout cas comme la promesse d’un récit rock’n’roll…

Première partie : la colère.

Mais l’enfance de Sarah ne l’est pas tellement rock’n’roll. Quand elle a trois ans, ses parents « cessent légalement de s’aimer ». Premier choc. Le deuxième vers l’âge de huit ans, quand elle apprend qu’elle a des « origines ». Ça se voit sur sa figure : sa mère est algérienne. « En Algérie, c’est une plus-value d’avoir un passeport suisse, en Suisse c’est un malus d’être arabe ». Éternel problème : être étrangère partout. Puis d’autres événements s’enchaînent : les gardes alternées, le chantage de la mère (« j’aurais mieux fait d’avorter »), la maladie du père.

Et « à l’âge de dix ans, je n’avais toujours pas d’amis humains ». Les résultats d’un test d’orientation envoient Sarah un peu plus dans les cordes. Sonnée. « Ma vie ne m’appartient plus ». Tout semble écrit. Ou décidé, décidé par d’autres, par des parents qui pourtant « malheureux comme des pierres » semblent pousser leurs enfants à emprunter la même voie : « obéir – produire – consommer ». Cette première partie est une grosse et profonde colère. Jusqu’au moment où Sarah se dit : « Et puis au pire, on meurt ».

Deuxième partie : sur la route.

« C’est sans doute grâce à mon métissage que, plus tard, j’ai choisi la route ». C’est aussi grâce (ou à cause) de la lecture des Vagabonds du rail de Jack London. Il semblait possible de partir, seule, en stop, sans argent, de croire à son étoile, de fréquenter les autres vagabonds – qui semblent plus fraternels que les passants dans une rue de Lausanne. Il semble possible de vaincre ses peurs. Il semble possible de faire autre chose, de mener la vie dont on rêve. Un doigt posé au hasard sur un globe terrestre décide de la destination. Cette seconde partie du récit est une sorte de « roman » d’apprentissage, et montre ce que peut apporter une décision (partir) et ses conséquences : des réponses aux questions. Que faire de sa soif de liberté ? La « route » peut-elle sauver ? Peut-on dépasser ses peurs, transformer sa colère en odyssée ? Du voyage, Sarah apprendra beaucoup, par exemple la solitude, mais aussi l’entraide. « Le fait d’avoir besoin d’aide m’a forcée à aller vers les autres ». Et les autres ne rechignent pas tous à apporter leur aide. Peut-être parce que « la gratitude et la générosité rendent heureux ». Autre notion pas vraiment inculquée dans sa jeunesse et dans son environnement : « On oublie derrière nos écrans que l’humain est avant tout un animal social. Les vagabonds ont pour mission de nous le rappeler ».

Petite, récit écrit par une jeune auteure, est fort, touchant et maîtrisé dans sa première partie. La deuxième partie est plus décousue, comme peut l’être un voyage sans but… Laissons le lecteur et la lectrice voyager et revenir du cap Nord avec Sarah. Et peut-être repartir avec elle, pour une autre aventure humaine, car elle aura sans nul doute d’autres « routes » à raconter.

 

Lionel Bedin

 


  • Vu : 1895

Réseaux Sociaux

A propos de l'écrivain

Sarah Gysler

 

Sarah Gysler est en voyage… Petite est son premier livre. On peut suivre ses aventures sur son site ou sa page Facebook.

 

A propos du rédacteur

Lionel Bedin

 

Lire tous les articles de Lionel Bedin

 

Lionel Bedin réside à Annecy (Haute-Savoie). Il est président de l’association La Route bleue (www.laroutebleue.net) pour la promotion de la littérature de voyage, il a créé les éditions Livres du Monde (www.livresdumonde.fr) et il est l’auteur d’une Brève histoire de la littérature de voyage.