Le jardin du mendiant, Michael Christie
Le jardin du mendiant (The Beggar’s Garden), trad. de l’anglais (Canada) par Nathalie Bru, 6 septembre 2012, 312 p. 21,50 €
Ecrivain(s): Michael Christie Edition: Albin MichelNuméro d’urgence
Une vieille dame ne cesse d’appeler les urgences dans l’espoir que le secouriste pour lequel elle a eu un coup de cœur vienne à nouveau à son chevet. Mais le nouvel envoyé n’étant pas celui qu’elle espérait, elle menace de se suicider… en retenant sa respiration.
Rebut
En regardant à la télé un reportage sur les SDF, Earl reconnaît son petit-fils Kyle. Il décide de le retrouver. Mais quand il le voit, il ne peut se décider à l’aborder et décide de le suivre…
Goodbye porkpie hat
Un accro au crack dialogue avec le fantôme de Robert Oppenheimer, l’inventeur de la bombe atomique.
La reine des bocaux et des boîtes
Bernice tient une boutique de charité. Pour sa retraite, sa sœur lui propose de venir s’installer chez elle, dans un bungalow au fond de sa propriété.
Le figurant
Un handicapé du cerveau et son colocataire se font engager comme figurants pour un film.
Un compagnon idéal
Dan se découvre un intérêt soudain et insatiable pour les chiens. Il achète un berger andalou. Mais il n’imagine pas encore que la bête va l’amener à faire des rencontres avec des humains, des vrais, ceux dont il a tendance à fuir la compagnie…
Le roi Saül
Saül est un détective autodidacte. Il a repéré « l’Assassin » et veut le confondre. Mais il y a un petit problème : Saül est interné dans un hôpital psychiatrique où il a passé quasiment toute sa vie.
Le silence
Finch est un voleur de voitures. Sa spécialité, ce sont les berlines dont il apprécie particulièrement le silence des moteurs. Finch a quatorze ans.
Le jardin du mendiant
Un banquier que sa femme a quitté décide de devenir le manager d’un clochard pour l’aider à faire la manche avec plus d’efficacité.
Tout au long des neuf nouvelles de son recueil, le canadien Michael Christie s’intéresse aux laissés pour compte de Vancouver, ceux qui vivent en marge de la société. Il donne (redonne) une identité, un passé, une histoire, mais aussi un futur à ces anonymes que l’on a tendance à ne plus voir ou à éviter.
Michael Christie ne s’appesantit cependant pas sur leur sort. Il ne fait pas dans le sentimentalisme bon marché. Ici les mouchoirs ne sont pas de sortie, l’émotion (trop facile) n’est jamais recherchée. L’auteur reste sobre, presque clinique, en recourant surtout à la description distanciée, avec une pointe d’ironie qu’il n’utilise qu’avec parcimonie.
Il regarde ses personnages, à la manière d’un entomologiste, sans les juger.
Des personnages humains, trop humains, plein de failles, d’incertitudes, de doutes, qui deviennent très vite d’excellents compagnons de lecture.
Parfois, certains reviennent d’une nouvelle à l’autre. Ils sont évoqués au détour d’une phrase, de manière allusive. L’auteur nous donne ainsi un nouvel éclairage sur une situation qu’on a lue (ou que l’on va lire). Le tout ne forme malheureusement pas un grand roman, né de l’agrégation de nouvelles liées par un fil conducteur. Il s’agit plutôt de clins d’œil.
On regrettera quelques longueurs inutiles, digressions ou flash-back qui n’apportent pas d’eau au moulin, ne servent pas l’intrigue mais s’insèrent plutôt comme des mini-nouvelles au sein des nouvelles.
Malgré d’indéniables qualités, le défaut majeur des nouvelles du Jardin du mendiant ce sont ses chutes, comme s’il manquait toujours ce petit quelque chose qui permette d’achever son histoire. Non pas un coup de théâtre, mais une petite torsion qui renverse la perspective, modifie notre perception.
Peut-être Michael Christie a-t-il du mal à conclure. A moins qu’il ne s’agisse d’une volonté délibérée si l’on considère que ces nouvelles ne sont que des tranches de vies, des photographies d’une situation à un instant T. Après, la vie continue. Ou pas, d’ailleurs.
Yann Suty
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