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La Styx Croisières Cie (9) Septembre 2018 (par Michel Host)

Ecrit par Michel Host le 05.02.19 dans Chroniques régulières, La Une CED, Les Chroniques

La Styx Croisières Cie (9) Septembre 2018 (par Michel Host)

« Quand je lisais des contes de fées, je m’imaginais que des aventures de ce genre n’arrivaient jamais, et, maintenant, voici que je suis en train d’en vivre une ! On devrait écrire un livre sur moi, on le devrait ! Et quand je serai grande, j’en écrirai un moi-même ». « Mais je suis grande, dès à présent, ajouta-t-elle d’une voix chagrine ; « en tout cas, je n’ai pas ici la place nécessaire pour grandir davantage » (*).

« Mais alors, pensa Alice, ne deviendrai-je jamais plus âgée que je ne le suis actuellement ? Ce serait une consolation, en un sens, que de ne jamais devenir une vieille femme. Mais aussi, toujours devoir apprendre des leçons ! Ah, je n’aimerais sûrement pas cela ! ».

(*) Alice vient de boire la moitié du contenu d’un flacon, et elle a grandi jusqu’à occuper la totalité de l’espace d’une petite chambre.

Lewis Carroll

Traduction de H. Parisot

Jules de Montalenvers de Phrysac : noté dans le Livre de mes Mémoires

Lµ. 1- Alice, en buvant imprudemment du contenu inconnu d’un flacon, emplit brusquement tout le volume d’une petite chambre. Elle a grandi, elle qui était petite. Lewis Carroll illustre de la façon la plus concrète, pour les esprits enfantins, dont le mien, les lois incompréhensibles de la relativité restreinte ! Elle apprend au passage que vieillesse et enfance ont leurs inconvénients respectifs, et que cela n’est pas non plus simple à comprendre.

– le volume d’une chambre. Est-elle devenue grande, elle qui est petite ? Carroll nous donne accès aux lois de la relativité avant Einstein. Enfin… c’est l’avis de qui ne comprend rien àces choses, moi, veux-je dire. Par ailleurs, elle s’interroge sagement sur les bénéfices et les inconvénients qu’il y aurait à ne plus vieillir, à conserver les caractéristiques et dimensions de l’enfance. Là encore, il n’est de réponse que relative.

µ. 2- Nicolas Hulot va enfin retrouver un régime alimentaire normal : fini les couleuvres et les ronds de chapeaux ! Impuissant à conduire les réformes écologiques qu’il souhaite pour son pays et la planète, il donne sa démission de ministre sans autre préavis. Je ne l’en croyais pas capable. Le courage lui est venu. Applaudissons-le. Il a parfaitement défini l’empêchement dans lequel il se trouvait, en déclarant : « Je ne veux plus me mentir ». Nous, citoyens ordinaires, gagnerions à prendre conscience de ce que nous sommes peu à peu exécutés par un exécutif composé d’escrocs et de menteurs cyniques. Les canards et tourterelles que les chasseurs vont désormais abattre sans états d’âme, les retraités spoliés de sommes qui leur revenaient légitimement, vont pouvoir s’en souvenir (sauf s’ils ont été tués par des brutes d’un autre temps). Si les canards ne votent pas, les retraités le peuvent encore. M. Macron et son état-major ne se soucient pas plus de la vie des petites gens que de celle des canards.

µ. 3Démission, commentaires du lendemain. Yves Cochet, ancien ministre de l’environnement : « Socrate et la nature quittent le gouvernement ». Commentaire (bis), on dirait tout aussi bien, je crois, que « la nature et Socrate » partent ensemble. Dominique Bourg, qui dirige une fondation pour la nature et l’homme, créée par Nicolas Hulot : « La messe est dite. La démission de Nicolas Hulot sanctionne l’échec du “en même temps”. Il n’y a pas eu en réalité de “en même temps”, mais une politique uniquement et sottement néolibérale. / Dans un gouvernement indifférent aux questions environnementales, Nicolas Hulot a fait une expérience analogue à celle de maints de ses prédécesseurs ou prédécesseures ». Commentaire (ter) : Nous n’avons pas avancé d’un pouce. Les riches lobbyistes sont pleinement rassurés, les pauvres, les travailleurs et ouvriers savent à quelle sauce on les mangera, et moi j’attends et attendrai longtemps le célèbre « ruissellement » d’argent qui devait inonder la France de ses bonheurs et richesses. Le mensonge gouverne le navire.

µ. 4- M. Pierre Rosanvallon, historien de haute volée, souhaiterait que l’on réinventât le parti socialiste. Que lui et ceux qui le suivent se gardent de se donner cette peine. Le parti socialiste a peut-être existé, il n’existe plus depuis longtemps. On l’a vu aux dernières élections présidentielles où leur parti, réduit à la portion congrue, a vu ses membres en presque totalité se précipiter chez M. Macron qui, quelques mois plus tard, les conduit vers une ploutocratie plus ou moins libérale, répugnante en tout cas, de modèle américain. Ils y sont allés sans frémir, suivant d’un pas tranquille les mensonges de leur nouveau chef. Chez lui, la soupe au moins est grasse et assurée, et c’est bien là l’essentiel, avec les places, la carrière et tout ce qui s’ensuit. Ils finissent tous avec des retraites « décentes », garantis et capitonnés, dans de superbes appartements parisiens dont les moins véreux ont parfois honte (*) et tous les avantages des confortables maisons de campagne sur les pelouses desquelles on n’a jamais vu camper un seul immigré venu d’Afrique. Ah, les braves gens ! Monsieur Rosanvallon, ayez pitié, ne nous rendez pas cette engeance.

Entendu M. Rosanvallon lors d’un entretien sur la station France Culture. Il pontifie comme tout le monde, n’énonce que des idées générales sans portée pratique.

(*) Une certaine dame psychanalyste, de la pensée pensable et comme il faut, lorsque l’on vient l’interviewerdans son appartement parisien, masque les tableaux de maîtres qui couvrent les murs de son salon.L’essentiel, pour ces gens de gôche richissimes, est de donner de soi l’image petite-bourgeoise qui convient.

 

Lµ. 5- Boualem Sansal, écrivain et romancier algérien (certains interdits de publication dans son pays), couvert de prix littéraires parisiens, dans plusieurs de ses essais et romans, nous a expliqué la nature le fonctionnement et les buts de l’islam d’aujourd’hui et de toujours. Il nous met en garde, lui qui est né au centre du mortel tourbillon. Nous tenterons de parler de son dernier roman (sur lequel la presse bien pensante, pour le moment reste plutôt discrète) : Le Train d’Erlingen ou la Métamorphose de Dieu.

Lµ. 6- Ce dernier samedi au matin (1er/IX), Alain Finkielkraut invite dans son émission Répliques le professeur Antoine Compagnon et l’écrivain Philippe Lançon qui, sans jamais « avoir été Charlie », a néanmoins eu le visage fracassé dans les locaux de Charlie Hebdo, où il se trouvait le jour du massacre de la rédaction par… – Tiens, quelle surprise, par d’aimables musulmans que l’on rêve d’abriter dans sa maison ! – Le sujet est l’hospitalisation, les lourds travaux chirurgicaux nécessairesàla reconstruction du visage de l’écrivain, sa solitude parfois, les visites, ses sentiments au sujet de l’existence et du corps médical. C’est passionnant parce que vécu et, j’en atteste, entièrement vrai. Sur cette conversation vient se greffer le sujet de la « mort de la grand-mère » de Proust (comme on sait, sa mère) traité dans Du côté de Guermantes. Sujet inépuisable, complexe et traité du dedans et du dehors par Marcel Proust, avec des ambiguïtés qui nous plongent dans des abîmes de pensées, voire de perplexité. Sujet d’un intérêt tout particulier en ce qui me concerne, car je fus atteint de cette même maladie (urémie et dysfonctionnement (insuffisance) rénale) dont mourut la « grand-mère » de l’écrivain, et les moyens avaient alors été découverts qui permettaient de sauver les malades, notamment la dialyse (par le docteur Hamburger) et la transplantation. C’eût été aussi le cas pour Mme Proust si elle fût née plus tardivement. J’y ai pensé bien souvent et pense encore à la mort de cette malheureuse femme. Antoine Compagnon et Philippe Lançon en ont débattu avec acuité et sensibilité. Je fus ému à certains moments, ce qui pourtant n’est guère mon genre.

µ. 6Démocratie Potemkine. C’est la nôtre. Vue au passage, de loin, dans le traquet du monde, elle est belle et bonne fille. De près, elle crache les vapeurs sales des promesses non tenues ou prises à leur inverse, ses mensonges honteux. Ainsi, le jeune président promit aux retraités de prendre soin de leur pouvoir d’achat mais leur impose huit mois plus tard une taxe qu’ils n’attendaient pas et le gel de leurs pensions pour les deux années à venir ; aux ouvriers et employés, du travail et la hausse du pouvoir d’achat : on débauche et n’embauche que fort peu dans le pays, beaucoup de familles tirent le diable par la queue à 15 jours de la fin de chaque mois. Le président Macron, devenu Micron, s’est mis aux ordres de l’oligarchie et des ploutocrates de la banque et de la bourse. La justice, la magistrature comporte trois catégories de « serviteurs » : les complices politiques aux ordres, les corruptibles et corrompus, les derniers magistrats honnêtes. La Fontaine y retrouverait ses petits !

µ. 7- Un homme. Une femme. Une poignée de cendre.

µ. 8- L’écrivain sérieux se doit d’avoir beaucoup lu. Il possède des pères innombrables. En vieil espagnol, il est « hijo de muchos padres ». Soit, pour revenir à une réalité tangible, rien d’autre que : « un hi… de puta ». C’est à la fois dans la logique des lois de la génération et dans celle de la pensée populaire qu’on ne confondra pas avec celles de la pensée populiste, déclarée d’un autre monde et précisément impensable par ceux dont n’est branché sur le réseau électrique républicain que la moitié du cerveau.

Lµ. 9- Parvenu à la page 70 des Mémoires inédits d’Alain (le volume en comporte plus de 800), je suis étonné, voire assommé, par tant de ragots de concierges (au niveau de concierges d’École Normale Supérieure néanmoins). J’en suis à me demander si mes regrets de n’avoir pas postulé à l’intégration ont quelque sens, tant cette mare de professeurs me semble, malgré quelques instants de lumière, poisseux de rivalités, jalousies et médisances… La tradition littéraire en témoigne depuis plusieurs siècles : lorsque le chevalier Don Quichotte rencontre sous le soleil de Castille une troupe de soudards menant, dans un tombereau, sous le cagnard, un lion vers on ne sait quel destin de servitude, son sang ne fait qu’un tour. Il veut rendre à ce lion sa liberté et, pour ce, il contraint les sbires à ouvrir la porte arrière du tombereau et intime au lion l’ordre de sauter de sa geôle pour gagner les campagnes environnantes. Le royal animal se trouvant fort bien d’être ainsi transporté dans un rustique carrosse, jette un regard hautain sur le vaillant chevalier puis, soudain, lui tourne le dos se recouchant dans la paille et ne lui offrant comme vision que celle de son noble arrière-train. Les soudards de rire à gorge déployée, le tombereau de reprendre sa route, le monde tel qu’il est venant de démontrer sa suprématie sur le monde idéal, et de signifier à Don Quichotte (porte-parole de Cervantès) qu’il n’est en effet qu’un « fils de pute ».

µ. 10Gloire au crétinisme rentable. Un certain Nick Conrad, de l’ethnie noire, rappeur inconnu, se trouvant trop peu de followers (suivant, « fans », disciples) sur les réseaux sociaux (pas plus de 450 quand d’autres, plus lancés, en comptent jusqu’à des centaines de milliers, décide de lancer une carrière naissante par, et une initiative tonitruante : faire passer sur les ondes son clip et sa chanson : « Pendez les Blancs » et « Tuez les bébés blancs ». On ignore encore si cette carrière partira ainsi d’un bon pied. Des associations (dont le C.R.A.N. et les organisations juives antiracistes) ont protesté avec vigueur. Le nouvel Orphée ne semble pas avoir été gardé à vue ; il est libre de mettre ses actes en conformité avec ses préconisations. Il sera jugé le 9 janvier, c’est dans trois mois. Ses avocats plaideront l’ironie par antiphrase, il sortira du tribunal avec une peine symbolique et sous les applaudissements de ses partisans. Il a tout le temps de rejoindre la forêt tropicale de ses ancêtres. Le peuple blanc, anesthésié comme d’habitude, ne s’agite ni ne proteste très vigoureusement. De mon côté, avec d’autres sans doute, je m’interroge : dans quel état serait le pays, quels anathèmes auraient proféré les Jivaro-progressistes politiciens, journalistes, intellectuels autoproclamés, âmes iréniquessi un rappeur de l’ethnie blanche s’était risqué à clipouiller aux micros : « Pendez les Noirs », « Tuez les bébés noirs ».Ces belles âmes sont bien embarrassées de voir leurs ennemis populistes pouvoir reprendre en toute légitimité les mêmes slogans antiracistes dont ils ont coutume de les abreuver.

µ. 11- Paris est gris. Ses ciels grisonnants. Mes cheveux aussi, et même blancs. Certains avancent sur les trottoirs, la mine grise. C’est la fin de l’été. « Colchiques, colchiques… » La chanson le murmure et le dit.

 

Michel Host

 


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A propos du rédacteur

Michel Host

 

(photo Martine Simon)


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Rédacteur. Président d'honneur du magazine.


Michel Host, agrégé d’espagnol, professeur heureux dans une autre vie, poète, nouvelliste, romancier et traducteur à ses heures.

Enfance difficile, voire complexe, mais n’en a fait ni tout un plat littéraire, ni n’a encore assassiné personne.

Aime les dames, la vitesse, le rugby, les araignées, les chats. A fondé l’Ordre du Mistigri, présidé la revue La Sœur de l’Ange.

Derniers ouvrages parus :

La Ville aux hommes, Poèmes, Éd. Encres vives, 2015

Les Jardins d’Atalante, Poème, Éd. Rhubarbe, 2014

Figuration de l’Amante, Poème, Éd. de l’Atlantique, 2010

L’êtrécrivain (préface, Jean Claude Bologne), Méditations et vagabondages sur la condition de l’écrivain, Éd. Rhubarbe, 2020

L’Arbre et le Béton (avec Margo Ohayon), Dialogue, éd. Rhubarbe, 2016

Une vraie jeune fille (nouvelles), Éd. Weyrich, 2015

Mémoires du Serpent (roman), Éd. Hermann, 2010

Une vraie jeune fille (nouvelles), Éd. Weyrich, 2015

Carnets d’un fou. La Styx Croisières Cie, Chroniques mensuelles (années 2000-2020)

Publication numérique, Les Editions de Londres & La Cause Littéraire

 

Traductions :

Luis de Góngora, La Femme chez Góngora, petite anthologie bilingue, Éd. Alcyone, 2018

Aristophane, Lysistrata ou la grève du sexe (2e éd. 2010),

Aristophane, Ploutos (éd. Les Mille & Une nuits)

Trente poèmes d’amour de la tradition mozarabe andalouse (XIIe & XIIIe siècles), 1ère traduction en français, à L’Escampette (2010)

Jorge Manrique, Stances pour le mort de son père (bilingue) Éd. De l’Atlantique (2011)

Federico García Lorca, Romances gitanes (Romancero gitano), Éd. Alcyone, bilingue, 2e éd. 2016

Luis de Góngora, Les 167 Sonnets authentifiés, bilingue, Éd. B. Dumerchez, 2002

Luis de Góngora, La Fable de Polyphème et Galatée, Éditions de l’Escampette, 2005