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La panthère des neiges, Sylvain Tesson (par Parme Ceriset)

Ecrit par Parme Ceriset 14.11.19 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Gallimard

La panthère des neiges, octobre 2019, 176 pages, 18 €

Edition: Gallimard

La panthère des neiges, Sylvain Tesson (par Parme Ceriset)

 

Avec La panthère des neiges, Sylvain Tesson nous embarque dans une aventure d’un genre nouveau. L’auteur, qui est connu pour être constamment en mouvement d’une expédition à l’autre, découvre cette fois la patience et l’art de l’affût pour guetter l’apparition de la faune sauvage. Cette approche est un réel apprentissage pour celui qui considérait jusqu’alors l’immobilité comme « une répétition générale de la mort ». L’initiation débute dans une forêt des Vosges où son ami Vincent Munier, photographe animalier, lui fait découvrir l’observation des blaireaux.

Munier lui propose ensuite de le suivre sur les plateaux du Tibet pour aller à la rencontre de la panthère des neiges qui se réfugie dans les zones de hautes altitudes pour échapper aux braconniers. Commence alors une merveilleuse immersion dans des paysages décrits avec beaucoup de poésie : « La panthère des neiges vit dans le cristal ».

On évolue au cœur des grands espaces pelés par les troupeaux, parsemés de névés, où vie et mort se côtoient en permanence. « Dans ce haut parvis de la vie et de la mort… il se jouait une tragédie : le soleil se levait, les bêtes se pourchassaient pour s’aimer et se dévorer… ».

L’attente se fait dans des conditions hostiles : par moins vingt-cinq degrés, la température n’autorise « ni mouvement, ni paroles ». La faune locale est composée de yacks, témoins des époques immémoriales, des troupeaux de chèvres bleues, des loups… Sylvain Tesson réalise que la technique de l’attente permet de voir apparaître tout un monde dont on ne soupçonnait pas l’existence : « Ainsi les bêtes surveillent-elles le monde, comme les gargouilles contrôlent la ville, en haut des beffrois ».

Tout est écrit dans un style vif, taillé dans la roche, avec le regard d’un esthète : « le paysage était mon école d’art ». Ainsi, le lac des steppes, cet « hostie de jade », les descriptions des peuples nomades de la vallée du Mékong…

Le narrateur vit dans l’attente de la panthère et cette quête représente pour lui une façon de reconvoquer le souvenir d’un amour perdu. Il ne peut envisager de repartir sans l’avoir vue. Munier et lui passent des journées entières à scruter les parois rocheuses puis ils repèrent la panthère : une apparition quasi religieuse pour Tesson. « Aujourd’hui le souvenir de cette vision revêt en moi un caractère sacré ».

Pour tenter de l’apercevoir à nouveau, Tesson et Munier séjournent dans une caverne, ce lieu où « les rêves devinrent l’art ». Chaque rencontre avec la bête est une occasion de réfléchir au mystère du monde animal : « La bête est une clef, elle ouvre une porte. Derrière, l’incommunicable ». L’auteur en fait également le totem des disparus : Il croit retrouver, en la contemplant, l’image des êtres enfuis.

Puis l’animal s’éloigne mais le bilan est positif : « J’avais vu la panthère, j’avais volé le feu (…) J’avais appris que la patience était une vertu suprême, la plus élégante et la plus oubliée ».

En toile de fond de ce merveilleux livre, l’auteur dénonce la destruction des espèces que l’homme est en train d’opérer. « Il restait 5000 panthères dans le monde… On comptait davantage d’humains vêtus de manteaux à fourrure… L’éradication était presque finie ».

A l’heure de la réalité virtuelle, il plaide pour une réalité non pas augmentée mais célébrée. L’homme rêve « d’un autre monde au lieu de songer à préserver ce qui existe déjà ».

Il propose enfin une nouvelle façon d’aborder le quotidien, se tenir aux aguets : « Une fois chez moi je continuerais à regarder le monde de toutes mes forces. Ainsi la vie ne passerait-elle pas l’air de rien ».

On sort de cette lecture en aimant plus que jamais la vie, avec la volonté de s’émerveiller de chaque instant.

 

Parme Ceriset

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A propos du rédacteur

Parme Ceriset

 

Parme Ceriset est poète, auteure de plusieurs recueils de poésie dont « Boire la lumière à la source » (éditions du Cygne), « Femme d’eau et d’étoiles » (éditions Bleu d’encre, prix Marceline Desbordes-Valmore 2021 de la Société des Poètes Français). Elle a publié chez L’Harmattan un roman autobiographique, « Le Serment de l’espoir ».