K, après toi, Jacques Allemand (par Didier Ayres)
K, après toi, Jacques Allemand, éditions Milagro, juin 2023, 50 pages, 11 €
Intrigue
K comme un frisson au bout des doigts,
il lui faut plusieurs histoires à la fois,
sa préférée, une montagne oubliée des cartes,
allez-y voir, des cairns vous montrent le chemin
K feint de disparaître derrière l’un d’eux,
il va falloir faire sans lui tout en sachant qu’il est là,
enfin plus ou moins,
comme sa montagne
Pour résumer le contexte de la découverte de ce beau livre, de ce recueil, il faut que je dise un mot de ma biographie. Suite à un déménagement récent, des livres de ma bibliothèque sont encore dans des cartons, quand me parvient ce livre de poésie. Et quel beau paysage écrit que celui de ce K, après toi. Il est arrivé comme par un coup de dé, un hasard concerté – et l’on sait que le dé n’a jamais aboli le hasard. Il a remplacé temporairement toute autre lecture (hormis quelques livres pris à la médiathèque).
Ceci dit, pour mieux revenir à l’ouvrage en question, je dirai que le flottement de l’identité m’a tout de suite guidé. En détaillant, je me suis aperçu que l’énonciateur du poème était ambigu, poreux. On y croise avec autant d’incertitude les pronoms personnels, où le Je, le Mien, le Tu et le Vous, le Il et les Ils, se combinent pour permettre l’éclosion du texte, sa genèse au sens strict.
Ce K (sorte d’arcane, de lettre alchimique) est à la fois le K de Buzzati, une entité qui attend sa révélation, ou le K du procès fait au personnage de Kafka, le K accusé d’une faute inexistante, ou encore le K, première lettre de Kierkegaard, figure « hétéronymique » bien connue. Tout cela pour dire combien nous sommes en terrain connu, et saturé très nettement par l’intérêt pour l’écrit (plus peut-être que d’une vision).
ça s’entendait dans sa voix
en vous éloignant de lui
vous alliez mourir
dans un endroit
moins intéressant
K est-il un hétéronyme de Jacques Allemand (beau patronyme, au reste) ? est-il concerné par la forme abstraite de sa propre définition, par son intrigue ? tend-il vers le mystérieux, vers l’alchimie ? Ce K cherche-t-il ? que quête-t-il ? quel est le sens caché de ce livre ? là où s’épuise la mort ? là où toute grande œuvre trouve sa musique ? comment faut-il convenir de l’étrangeté de ces vers ? Il suffit pour y répondre de chercher en soi la musicalité des poèmes, leur enseignement.
Didier Ayres
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